Pour en finir avec les prêtres pédophiles

La rencontre des évêques catholiques pour la protection des mineurs vient de prendre fin. Un peu avant, le journaliste Frédéric Martel publiait, aux quatre coins de la planète, un ouvrage de 600 pages qui documente l’homosexualité au sein de la curie romaine. On assiste au plus grand consensus dans l’histoire de l’opinion publique: hécatombe religieuse, perte totale de crédibilité morale, fin de l’Église catholique en Occident. Que dire de plus là-dessus?

C’est à se demander si Martel n’avait pas prévu son coup de pub. Mais il s’en défend lui-même, expliquant ce croisement pour des raisons techniques. Soyons bienveillants, accordons-lui le bénéfice du doute.

N’empêche qu’on a l’impression qu’il ne finira jamais, ce festival des scandales. Après la démission de presque toute une conférence épiscopale au Chili, le cas de la Pennsylvanie, un cardinal qui défroque après avoir été accusé, et j’en passe, cette expurgation de l’Église est longue, interminable, pénible, exaspérante.

Et voilà qu’à chaque fois, le cycle inquisitoire de la péroraison des chroniqueurs continue de rembobiner la même cassette doctrinale sur le mariage des prêtres, la misogynie des catholiques, la morale puritaine de l’Église, alouette1!

L’heure n’est pas à défendre la réputation de qui que ce soit, mais à reconnaitre les fautes et à chercher des solutions.

J’aime mieux mettre tout de suite les points sur les i et les barres sur les t: ces scandales sont ignobles et je souhaite ardemment que les victimes, tout comme leurs abuseurs, soient traitées comme il se doit. Comme l’a tweeté le pape François, l’heure n’est pas à défendre la réputation de qui que ce soit, mais à reconnaitre les fautes et à chercher des solutions afin qu’il y ait à l’avenir tolérance zéro et absence d’omerta.

C’est dur, mais le fait de voir l’Église (dont je suis) être purifiée et humiliée pour ses péchés m’amène consolation et espérance.

Peut-être qu’un jour, une fois le ménage fait, on pourra passer à autre chose. Pour tous les autres catholiques – prêtres, religieuses et religieux, laïcs – qui, jour après jour, tentent de suivre le Christ le plus fidèlement possible malgré leurs limites et les difficultés, il devient lassant que la moindre accusation ecclésiale devienne une campagne de salissage. Est-il possible de faire justice sans tomber dans la diffamation et l’amalgame?

Le sexe, le nerf de la guerre ?

Revenons au cas Martel. Malgré sa couche de vernis idéologique, ses approximations journalistiques et les ragots qu’il rapporte, son œuvre révèle cependant une vérité: il y a des personnes ayant une attirance homosexuelle dans le clergé, peut-être même beaucoup plus qu’on ne le pense.

Peut-être aussi que plusieurs de ces hommes se protègent et se regroupent. Soit. Il s’agit d’une réalité que l’Église n’a peut-être pas voulu suffisamment affronter et elle nous revient par la bande d’une épiphanie médiatique plus au moins ajustée.

À présent, dressons donc le portrait : on aurait d’un côté les prêtres homosexuels actifs, de l’autre les pédophiles, et entre les deux des célibataires, sexuellement frustrés et refoulés qui tanguent et seraient susceptibles d’aller d’un côté ou de l’autre. Belle gang. Beau portrait.

Dans leurs prêches du dimanche, nos chroniqueurs omettent néanmoins trois faits statistiquement prouvés :

Premièrement, il n’y a aucun lien entre le célibat et les abus sexuels. C’est d’ailleurs une vision très réductrice du couple; le conjoint, homme ou femme, se trouve rabaissé en lieu d’épanchement séminal ou pulsionnel. Ça reviendrait à dire que tous les célibataires seraient des pédophiles en puissance. Rude.

Deuxièmement, les abus sexuels sont autant sinon plus élevés dans les sphères séculières (dans les familles ou les autres institutions). On apprenait la semaine dernière que des entraîneurs du Canada ont fait plus de 600 victimes en 20 ans. Jamais il n’a été question de faire l’amalgame entre entraîneurs et pédophiles. Il est encore moins question de ne plus avoir d’entraîneurs à la tête des équipes sportives pour cette raison.

Finalement, et c’est un point particulièrement délicat, la plupart des agressions relèvent davantage de l’éphébophilie2 que de la pédophilie. Cette prévalence demeure certainement un des angles morts de la question. Toutefois, clarifions que l’homosexualité ne cause pas la pédophilie, pas plus, d’ailleurs, que l’hétérosexualité dans un état de continence sexuelle.

La mauvaise cible

Certes, dans le cas des prêtres, ce qui choque, c’est qu’il s’agit d’offenses irréparables à ce qu’ils sont censés prêcher, en paroles et en actes. On y voit, avec raison, une forme d’hypocrisie crasse.

Ces abus minent considérablement la portée du message que l’Église est appelée à incarner et annoncer.

Il semble qu’on se trompe de cible en jetant autant l’opprobre sur l’enseignement de l’Église en matière de sexualité que sur ceux qui y ont gravement dérogé.

Or, paradoxalement, il semble qu’on se trompe de cible en jetant autant l’opprobre sur l’enseignement de l’Église en matière de sexualité que sur ceux qui y ont gravement dérogé.

Dans les cas des agresseurs, quels qu’ils soient, on devrait parler de sérieux manquements à la chasteté, cette vertu, fille de la tempérance, qui nous donne la maitrise de soi et nous aide à ne pas traiter les autres comme des objets.

Si les abuseurs sont en décalage indéniable avec cette vision chrétienne de la sexualité, ce n’est pas qu’ils s’y collent trop, mais bien plutôt parce qu’ils sont incapables de la mettre en pratique ou qu’ils ne le cherchent tout simplement pas. Car c’est le principe même du péché (selon l’hébreu Hatta’t, «rater la cible»), de ne pas savoir viser juste.

L’anthropologie sexuelle catholique (pour autant qu’on la connaisse véritablement), est libératrice et n’est donc pas invalidée par tous ces scandales.

Bien au contraire, ils la supposent.


James Langlois

James Langlois est diplômé en sciences de l’éducation et a aussi étudié la philosophie et la théologie. Curieux et autodidacte, chroniqueur infatigable pour les balados du Verbe médias depuis son arrivée en 2016, il se consacre aussi de plus en plus aux grands reportages pour les pages de nos magazines.