Plaidoyer pour qu’on respire par le nez

Bien que les gamins aiment rarement faire le ménage, il peut arriver qu’un enfant de trois ans à qui on a demandé de ramasser les jouets du salon soit concentré sur sa tâche au point de piquer une crise quand un de ses frères ramasse à sa place une auto qui trainait. Il peut aussi arriver qu’une hystérie s’ensuive, que les uns tapent sur les autres et que tous se mettent à crier, même les parents.

On excusera ceux-ci de sauter l’étape du bain et du brossage de dents et de les envoyer se coucher avec pas d’histoire.

Mais je m’égare.

Ou si peu. L’actualité rebondit avec régularité sur ce problème bien particulier. Comment se radicalisent les radicaux ?

Les terroristes, les exaltés, Alexandre Bissonnette, les antifas, les suprémacistes blancs, les partisans d’Éric Duhaime… Des érudits de toutes sortes se prononcent, les psychologues s’épanchent sur les causes et les facteurs environnementaux de ces éclosions dogmatiques. 

Même les gens bien ordinaires se déchirent sur le sujet de la vaccination aujourd’hui. Le sens commun se polarise. Si t’es contre, t’es un dérangé du cerveau qui ne croit pas à la science, si t’es pour, ça vient avec une poussée de bile irrésistible qui t’oblige à insulter les cruches qui ne pensent pas comme toi. Choisis ton camp.

J’en viens à penser que ce n’est pas le processus de radicalisation qui demande temps, éducation et nourriture, c’est apprendre à se détendre. On est tous un peu psychorigides de naissance.

Trois raisons d’aller se faire vacciner (ou pas)

Cette semaine, François Legault a demandé à chacun d’essayer de convaincre une personne non vaccinée d’aller se faire vacciner. Je vais faire ça ici. Comme ça, ça va être réglé et si en plus j’en convaincs deux ou trois additionnels, ça va laisser plus de temps à ma femme pour ses travaux d’école. 

Ceux qui n’ont pas reçu la potion, écoutez bien. Les autres vous pouvez aller terminer le ménage de votre cabanon.

Il y a au moins trois bonnes raisons d’aller se faire perfuser:

La première, c’est qu’ils vous mettent l’aiguille dans l’épaule et ça ne fait vraiment pas si mal que ça. En tout cas, c’est moins douloureux que s’ils la mettaient entre l’index et le majeur. Vous vous êtes déjà fait piquer par un maringouin entre deux doigts ? Voilà. En plus, certaines personnes ont la peau trop compacte. C’est comme les terrains de soccer sur lesquels ils passent une machine pour faire des trous d’aération à l’automne. Vous marchez dans le gazon et il y a des carottes de terre partout. C’est la même chose, la peau respire mieux après la piqure.

La deuxième, c’est que ça ne vous rendra pas malade, c’est fait justement pour vous empêcher d’être malade. Ils mettent des morceaux de maladie dans de l’eau salée et ça crée une réaction chimique qui vous guérit. Le sel fait sortir l’eau du corps par osmose, un peu comme un steak avant de le mettre sur le barbecue. La maladie a besoin d’eau pour vivre alors elle sort. Je ne sais pas trop pourquoi ils ajoutent des morceaux de virus morts. C’est peut-être par provocation. Mais ça marche ! Et les gens qui craignent que ça les rende stériles, avez-vous déjà entendu parler de la vasectomie ? Ça, ça vous fout en l’air l’équilibre délicat d’un système reproductif. Et pourtant, chaque année des tonnes de gens le font !

La troisième raison est le cachet aristocratique associé à un document exclusif comme le passeport vaccinal. Quoi de plus chic que de se présenter à une soirée mondaine qui limite l’accès à un groupe sélectif d’initiés ? Vous êtes un VIP et on vous le fait sentir.

Comment dire non ?

* * *

J’ai rejoint dernièrement une cellule de résistance à la psychose sanitaire dans l’espace public. Je suis le seul membre pour l’instant, mais ça pourrait changer. On fait des coups d’éclat, comme publier des textes ravageurs dans des journaux ou investir des manifestations avec des pancartes ambigües. « À la fois pour et contre » ; « Legault, ton jupon marxiste-léniniste dépasse ! » ou encore « j’ai perdu ma sandale au zoo ». L’objectif avoué est d’obscurcir le débat pour, à terme, le soustraire à la dictature des gens fâchés. Qui embarque ?


Gabriel Bisson

Physiquement bellâtre, intellectuellement ambitieux, socialement responsable, moralement innovateur, Gabriel croit aux choses qu'on peut prouver, mais aussi à certaines choses qu'on peine parfois à rationaliser. Ingénieur, il met son amour des lettres et du dessin au service de notre média.