Petite sociologie du coton ouaté

Je me disais qu’il ne valait pas la peine d’ajouter une couche sur le coton ouaté de Catherine Dorion. Elle a déjà assez chaud de même. T’a pognes-tu ?

Puisqu’on a décidé collectivement de ne pas parler des choses les plus importantes, vaut mieux continuer dans la lancée. Allons-y à fond.

À vrai dire, tout comme la propriétaire du coton ouaté, je pense que si on en parle autant c’est peut-être que c’est révélateur d’autre chose…

Imaginez la tête des fondateurs du parlementarisme si vous leur aviez dit qu’un jour, une députée (ils seraient déjà surpris) se présenterait en chambre en coton ouaté.

« Un coton quoi? »

C’est pas grave Montesquieu. Tu demanderas à la chienne à Jacques…

Bon. On a un patenté en sociologie dans l’équipe ici. Mais comme il est trop occupé à chialer sur les citrouilles, je me permets de jouer un peu sur son terrain.

Scier la branche

Dans le fond, je la comprends Catherine Dorion. J’aime ça moi aussi m’habiller en mou.

Je suis le premier à être réticent avec les conventions. Je ne veux (ni ne peux) pas faire la morale à personne : mes souliers d’intérieur au bureau datent de 2002.

Toute cette histoire me rappelle le collège que j’ai fréquenté au secondaire où  l’on avait une collection de vêtements uniformes.

Quand ils ont instauré la collection, ils ont dit que c’était pour ne pas mettre en évidence les moins nantis. Fini les petits bourgeois habillés avec des marques qui pouvaient se moquer des autres. Ainsi, tout le monde était sur le même pied d’égalité… en apparence du moins.

Peu importe, il y en avait toujours qui trouvaient le moyen de pimper leurs vêtements pour rehausser leur individualité. #SonUniformeSonChoix

Les normes sont toujours là pour être dépassées, diront certains. Elles aident aussi à créer une culture commune qui balise les excès de l’individualisme et fonde l’appartenance.

En refusant d’entrer dans la norme vestimentaire du parlement, Catherine Dorion scie la branche sur laquelle elle est assise.

En refusant d’entrer dans la norme vestimentaire du parlement, Catherine Dorion scie la branche sur laquelle elle est assise.

Elle s’habille ainsi, explique-t-elle, pour représenter monsieur madame Tout-le-Monde. Or, en allant contre la norme, elle agit précisément contre ce qui assure la collectivité.

Si elle représente la majorité, pourquoi ne pas agir comme la majorité le ferait en allant à l’Assemblée?

L’habit ne fait pas le moine

C’est drôle parce que nous, les cathos, vivons un « problème » semblable à la messe.

À l’époque (et encore aujourd’hui pour certains), les gens sortaient ce qu’il y avait de plus beau pour souligner le jour du Seigneur : ils s’endimanchaient.

De nos jours, bien des gens (et pas nécessairement les moins dévots) assistent en jeans à la messe. Rien de mal là-dedans, me direz-vous. Et vous avez raison. D’autant qu’il n’y a pas de prescription à ce sujet. En tout cas, je n’ai rien trouvé là-dessus dans le Code de droit canonique.

La messe n’est pas moins valide. Les gens ne sont pas moins fervents. De même, Catherine n’est pas une moins bonne députée pour autant. Et les cravatés de l’Assemblée ne sont pas davantage purs.

Sous prétexte que l’habit ne fait pas le moine, on a jeté l’habit et le moine avec.

Sous prétexte que l’habit ne fait pas le moine, on a jeté l’habit et le moine avec.

Derrière cette saga, on omet un principe important qui nous vient du christianisme : le visible reflète l’invisible, l’extérieur nous parle de ce qui vient de l’intérieur.

C’est pas absolu. Mais notre apparence a un effet sur notre esprit et vice versa. Faites le test.

D’ailleurs, on a toujours recouvert les choses précieuses dans de beaux emballages. Dans le même sens, l’affirmation de la dignité intrinsèque des personnes est toujours allée de pair avec le fait de vouloir bien les vêtir.

Joe Blow à la messe

À un mariage ou à des funérailles, encore aujourd’hui, les gens respectent (généralement) un certain code vestimentaire. Pourquoi ?

Par amour pour les gens qui y sont. Par respect pour la personne défunte. Ou à tout le moins par respect pour soi-même, afin de ne pas s’attirer les jugements.

C’est une manière de montrer que c’est une circonstance spéciale. De même, à Noël ou lors d’une date, les personnes soignent leur apparence, quelle que soit la manière, pour signifier la joie qu’ils ont à rencontrer l’autre.

Et c’est encore une fois paradoxal pour Catherine Dorion qui désire tant la poésie, l’amour en politique. Elle aurait tout ce qu’il faut de créativité pour montrer à ses collègues comment être élégante, soignée, sans pour autant s’habiller en self-made woman.

Françoise David l’a bien fait. Manon Massé aussi.

Au fond, le message qu’elle envoie en ce moment, c’est qu’elle n’en a rien à foutre de l’institution.

Contrairement à ce qu’elle pense, les parlementaires n’exigent pas d’elle qu’elle soit comme eux. Ils s’attendent seulement à ce qu’elle montre un minimum de dignité et d’amour pour l’institution.

Au fond, le message qu’elle envoie en ce moment — même si ce n’est pas ce qu’elle pense réellement — c’est qu’elle n’en a rien à foutre de l’institution.

Comme ma mère qui me demandait d’enlever ma tuque à la table. Pis ? Si je suis bien avec ? Ça change quoi ? Et bien, ça change que tu dis à ta mère que son souper n’est pas assez digne pour que tu le démontres, au moins extérieurement.

Comme Joe Blow quand il va à la messe en jeans.

Si on a un problème avec les complets ou les tailleurs qui sentent désormais le corpo et la corruption, on devrait chercher à détruire le stéréotype plutôt qu’à le confirmer.

Tout ça pour dire qu’il n’y a pas plus conformiste aujourd’hui que de vouloir être différent. Si vous voulez vraiment être badass, portez donc un signe religieux ostentatoire. Ha!


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James Langlois

James Langlois est diplômé en sciences de l’éducation et a aussi étudié la philosophie et la théologie. Curieux et autodidacte, chroniqueur infatigable pour les balados du Verbe médias depuis son arrivée en 2016, il se consacre aussi de plus en plus aux grands reportages pour les pages de nos magazines.