Ok boomer. L’expression a fait les manchettes au cours des derniers jours après que Chlöe Swarbrick, députée néozélandaise, l’ait utilisée en contexte parlementaire. Au moment où elle évoquait l’urgence climatique, un député a rigolé et s’est immédiatement fait rabrouer : « Ok boomer ». Jetons un œil à ce qui se cache derrière cette locution virale.
Les grands médias comme le New York Times et le National Post se sont vite emparés de l’affaire néozélandaise. Ils ont décortiqué les tenants et aboutissants de ce mème internet apparu sur l’application Tik Tok à l’été 2018.
« Ok Bommer » est une façon de répondre à ceux qui ridiculisent les jeunes générations et leurs préoccupations.
« Ok Bommer » est une façon de répondre à ceux qui ridiculisent les jeunes générations et leurs préoccupations, des codes vestimentaires aux changements climatiques, en passant par leur passion pour la technologie et la justice sociale.
Conflit de générations
Ce qui est reproché aux babyboumeurs? D’avoir instauré un ordre dont ils ont profité au détriment des jeunes générations. Nés entre 1946 et 1964, ils ont de fait créé un monde à leur mesure.
Au Québec, leur génération a fondé le système d’éducation publique ainsi que le réseau des cégeps pour les accueillir. Ils ont grandi à une ère de prospérité économique qui permettait de croire que l’avenir serait meilleur.
Les babyboumeurs ont vu Neil Armstrong marcher sur la lune, ont protesté contre la guerre du Vietnam et ont milité pour la légalisation de la contraception. Ils se sont jetés à corps perdu dans la consommation de masse et ont accueilli candidement ses promesses de bonheur.
Les récits que l’on perpétue à leur sujet mériteraient sans doute d’être nuancés. Cette génération a vécu sous le régime de la guerre froide et de la menace nucléaire. En outre, ils ont vu se succéder de multiples conflits partout dans le monde.
Ma mère, comme de nombreuses femmes à l’époque, est retournée travailler moins d’un mois après son accouchement. Dans notre réfrigérateur, il n’y a jamais eu d’autres fromages que du Petit Québec en rabais.
Ce que mes parents ont obtenu, ils l’ont chèrement payé, quoi qu’on en dise.
Ce n’est pas parce que je n’ai pas voulu du monde qu’ils m’ont offert sur un plateau d’argent que je dois les renier pour autant.
Au bord de la crise?
Contrairement aux babyboumeurs, j’économise pour le futur sans croire qu’un jour je reverrai la couleur de cet argent.
Comme mes jeunes contemporains, je me sens toujours au bord de la crise écologique, économique et sociale. Tout ça à la fois.
Ultimement, je préfèrerais aussi qu’on s’indigne de la pénurie d’eau potable dans les communautés autochtones plutôt que du t-shirt d’une chanteuse. Je trouve aussi scandaleux qu’un parti politique, dont l’historique est marqué par la corruption, en appelle à l’éthique pour intervenir sur une question de vêtements.
Les babyboumeurs nous nuisent-ils autant qu’on aime le prétendre?
Cela dit, les babyboumeurs nous nuisent-ils autant qu’on aime le prétendre? Je me permets de croire que nous, les jeunes Québécois, faisons partie des plus privilégiés du monde.
En effet, en plus de faire partie de la génération la plus éduquée de l’histoire, nous avons reçu cette éducation à faible cout. Inutile de nous comparer à nos voisins du Sud dont les diplômes les enchaineront toute leur vie à leurs créanciers.
Le marché actuel de l’emploi nous est favorable.
À moins de vouloir consacrer sa vie à l’art ou à la philosophie, il est probable que nous trouvions tous de quoi subvenir à nos besoins. Ceux qui voudront fonder une famille pourront profiter d’allocations familiales et d’un congé parental enviés partout ailleurs.
Mine de rien, le filet social mis en place par nos prédécesseurs nous a bien servi.
Les dignes héritiers
Bien sûr, l’accès à la propriété peut paraitre difficile à des personnes comme mon mari et moi. Mais c’est surtout parce que nous ne voulons pas nous priver des petits et grands plaisirs de la vie comme nos paniers bios, notre apéro hebdomadaire à la microbrasserie du coin et nos roadtrips en minivan.
À la différence de nos parents, nous ne voulons sacrifier aucune expérience pour acquérir des biens matériels. J’ironise à peine.
Une étude parue dans L’actualité indique que les milléniaux se distinguent des babyboumeurs par leur quête de plaisir et de statut social. Ils répondent à ces besoins à travers la consommation ostentatoire.
Ce n’est donc pas leur nouveau VUS qu’ils exhiberont sur les médias sociaux, mais plutôt le café latté pris à la brulerie du coin ou leur coton ouaté acheté au Village des Valeurs.
Dans son essai Les luttes fécondes, Catherine Dorion fait l’éloge du sentimentalisme en amour comme en politique. Les mantras soixante-huitards, « il est interdit d’interdire » et « jouir sans entrave », sont plus que jamais au gout du jour.
C’est pourtant cette façon d’embrasser la vie qui a creusé le gouffre dans lequel nous disons nous enfoncer.
Tu honoreras ton père et ta mère
Je connais des gens à droite du spectre politique pour qui les babyboumeurs sont « la pire génération jamais engendrée par l’histoire ». Pour des personnes attachées à l’ordre et à l’autorité, il est logique de rejeter ceux qui ont libéralisé les mœurs.
Les progressistes qui pourfendent les babyboumeurs en sont, eux, les dignes héritiers. On dit qu’une fois parvenus à l’apogée de leur vie, les hippies de Woodstock sont devenus les yuppies de New York.
La contreculture a été commercialisée et l’injonction du cool s’est imposée.
Dans la vitrine d’une boutique branchée pour enfants, j’ai aperçu ce t-shirt pour bébé où il est inscrit « je vais prendre soin de la terre, moi ».
Il y a quelque chose de beau à voir ma génération se lever sur le tard pour revendiquer un monde meilleur. Mais je les préfèrerais plus humbles.
Qu’ils vérifient leurs angles morts avant de prétendre à une quelconque supériorité morale.