Moana 2 : le secret d’un bon film pour enfants

Le film Moana 2 est sorti au cinéma le 27 novembre dernier. Depuis, il trône au sommet du boxoffice nord-américain, y compris ici, au Québec. Mais est-ce un bon film pour enfants ?

Cet édito est tiré de notre émission « Les Verbomoteurs ». Visitez leur page pour voir les derniers épisodes.

Je ferai mienne la critique élaborée de mon fils de quatre ans qui m’a accompagnée pour cette sortie culturelle : « Moana 1, c’était mieux. »

Il faut dire que toute ma famille était tombée en amour avec Moana il y a quelques mois, après le visionnement du premier film.

En fait, Moana 1 a presque tout du film pour enfants parfait : une héroïne en quête de son identité qui finit par se comprendre en découvrant l’histoire de ses ancêtres. Il y a même des dilemmes moraux : osera-t-elle quitter sa famille et le confort de son ile pour un bien plus grand ? Risquera-t-elle sa vie en mer ? Désobéira-t-elle à son père, lui-même traumatisé par la noyade d’un de ses amis alors qu’il était encore adolescent ?

Sans compter que Moana 1 propose des chansons entrainantes (plus touchantes et mieux exécutées que celles de Moana 2). Mon mari et moi les faisons d’ailleurs souvent jouer en auto pour enterrer le cri de nos trois jeunes enfants…

Mais j’ai dit que Moana 1 a presque tout du film parfait pour les enfants. Presque, car il manque un élément essentiel. Lequel ? La mort d’un des deux parents, bien sûr ! Préférablement, même, son assassinat. Comme dans Bambi ou Petit pied le dinosaure, ou encore, pour les plus vieux, Batman ou Spiderman.

Le drame

Et surtout, comme dans Le Roi lion ! Le sommet des films pour enfants, celui encore jamais détrôné. En tout cas, dans mon cœur à moi…

Évidemment, la musique et le visuel du Roi lion captivent. Mais surtout : l’histoire est profonde, pleine de drames, d’émotions et de victoires.

Quel enfant, et même quel adulte, ne verse pas une larme lorsque Scar, l’oncle de Simba, assassine son propre frère, Mufasa ? Qui ne sent pas ses entrailles se retourner quand Simba fuit tristement la terre des lions, faussement convaincu d’être coupable de la mort de son propre père ? 

S’ensuit une longue période d’insouciance pour Simba, auprès des sympathiques Timon et Pumbaa, jusqu’au jour où Nala, son amour de jeunesse, lui rappelle sa destinée. Jusqu’au moment où son père apparait dans les étoiles pour lui dire : « n’oublie pas qui tu es ».

Vraiment, c’est un film parfait en tous points.

Mais peut-être me trouvez-vous un peu masochiste de souhaiter l’assassinat d’un père ou d’une mère dans un film pour enfants ? Ne devrait-on pas plutôt les préserver de telles images ?

Dans Moana 2, (alerte divulgâcheur), Moana elle-même meurt à un certain moment. Mon fils capotait : « Qu’est-ce qui se passe maman? Pourquoi Moana est morte ? » Sauf que, tout de suite, le deus ex machina de Disney ressuscite Moana, sans qu’on ne comprenne très bien comment ni pourquoi. Ouf, il ne fallait pas laisser les enfants dans cette détresse !

C’est, en général, le problème de Moana 2 : une histoire sans profondeur, sans drame ni cohérence.

Un risque pour l’âme

Dernièrement, des pédiatres demandaient aux parents de laisser les enfants prendre des risques. Jouer au roi de la montagne, grimper dans les arbres, etc.

Eh bien, c’est à mon tour, comme philosophe, de vanter le risque, non pas physique cette fois, mais psychologique, au sens du bien de l’âme. N’ayons pas peur de présenter aux enfants la mort, la tragédie, la méchanceté. (Dans les films, bien sûr. Ne m’assassinez pas, s’il vous plait, pour le bien de mes enfants !)

Laissons les enfants vivre des risques psychologiques encadrés, à travers les histoires, à travers des films qui donnent à saisir tout le sérieux de la vie et de l’existence humaine. Des films qui, par le drame, laissent voir l’essentiel, notamment l’amour entre un père et son fils, comme dans Le Roi lion.

C’est en traversant la douleur et la souffrance que les enfants gouteront finalement à la résilience et à la victoire. À travers des films qui les exposent, ils développeront la confiance que la lumière finit toujours par surpasser les ténèbres.

Comme le disait Sam Gamegie à Frodon (Le Seigneur des Anneaux) : « C’était ces histoires, celles où il y avait dangers et ténèbres, dont on se souvenait et qui signifiaient tellement… Même lorsqu’on était trop petit pour comprendre. »

En somme, n’allez pas voir Moana 2. Louez plutôt Moana 1.

Ou, mieux encore, Le Roi lion.

Laurence Godin-Tremblay

Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.