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L’été, c’était fait pour jouer

Un autre gros été dans le monde du sport. Par exemple, au soccer, la coupe de l’Euro – une espèce de trophée en forme d’urne funéraire – a été remportée par l’Espagne. On est content pour eux : ça va leur faire un beau vase pour déposer grand-papa…

Un peu plus au Sud, il y a eu la coupe America – qu’il ne faut pas confondre avec la coupe latino-américaine, qui consiste à laisser une grosse touffe frisée sur le dessus de la tête et à raser très court autour, avec des zigzags sur le côté – la coupe America, donc, qui a été remportée par l’Argentine. (Et je tiens d’ailleurs à féliciter ma belle-sœur Cristina qui a contribué à cette victoire de l’Albicéleste en criant très fort devant son écran de télé pour encourager son équipe.)

Et au baseball, comme chaque été, les statistiques révèlent que beaucoup de hotdogs steamés ont été mangés dans les estrades. Par contre, pour ce qui est de l’action sur le terrain, comme d’habitude, c’était plutôt tranquille.

À Paris, il y a eu un peu de sport aussi, semble-t-il, mais surtout de la politique et de la polémique.

On pourrait dire que ça fait le tour et que ça décrit de manière exhaustive tous les trémoussements sportifs que la planète a connus depuis la Saint-Jean-Baptiste… Mais non! Si cette chronique s’arrêtait maintenant, on passerait à côté de l’essentiel des plus grands exploits estivaux : les performances sportives de mes enfants!

Eh non, ce n’est pas qu’on les a inscrits à l’équipe de soccer de Beauport. On est bien trop pauvres pour ça! (Ou c’est peut-être qu’on est trop chiches pour leur payer un uniforme qui ressemble à un panneau publicitaire de Tim Hortons.)

En tout cas, au début de l’été, on leur donne toujours le choix : c’est la ligue de soccer ou trois repas par jour… C’est un pensez-y-bien!

Tout ça pour dire que : non, mes enfants ne font pas de sports organisés.

Ils ont plutôt développé un nouveau concept révolutionnaire. Ça s’appelle : le sport désorganisé.

C’est tout simple, vous allez voir. Ça consiste à pendre le téléphone, à appeler ses amis qui habitent au bout de la rue et à les rejoindre au parc de l’école avec un ballon de basket pour faire un 3 contre 3 et suer comme un ado de 14 ans.

Comment est-ce possible, me demanderez-vous, dubitatifs, voire incrédules? Eh bien, je ne sais pas trop, mais il parait que ça marche.

En plus, ils m’ont dit qu’il n’y avait même pas d’arbitre.

Devrais-je m’inquiéter? Mes enfants deviendraient-ils des espèces d’anarchistes du sport?

Je ne dirais pas ça. Je pense plutôt que ce sont des sportifs fondamentalistes, ou des sportifs radicaux. Ils retournent aux fondements ou aux racines, au sens profond du geste sportif.

Un peu comme ce tireur d’élite turc qui a gagné une médaille d’argent à Paris en tirant dans le bull’s eye de manière complètement désinvolte, une main dans les poches, ils dépouillent le sport de tous ses apparats, de ses commanditaires, de ses compétitions et de ses performances à forts prix.

Pour m’assurer que mes ados ne versent jamais dans la superbe sportive, je m’abstiens sciemment d’aller les encourager dans les gradins. J’aurais peur que ma seule présence perturbe la gratuité du moment qu’ils vivent entre amis, la confidentialité, l’intimité de leur jeu.

Et vous ne serez pas surpris d’apprendre que leur rapport aux règles, leur anarchisme sportif, ça me fait penser au Christ qui disait ne pas être venu pour abolir la loi, mais pour l’accomplir.

[ATTENTION, ALERTE À LA FINALE QUÉTAINE!]

Dans le sport comme dans la vie, le but n’est pas de suivre des règles, ni d’obéir à un arbitre, ni d’organiser, de planifier, de contrôler chaque parcelle du terrain, mais plutôt de redécouvrir la joie perdue de la spontanéité et le sens profond de ce qu’on est en train de faire.

Bon match!

Antoine Malenfant

Animateur de l’émission On n’est pas du monde et directeur des contenus, Antoine Malenfant est au Verbe médias depuis 2013. Diplômé en sociologie et en langues modernes, il carbure aux rencontres fortuites, aux affrontements idéologiques et aux récits bien ficelés.