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Le pape manque de jugement?

« Le pape ouvre la porte à la contraception. » « Le pape change la doctrine sur la communion aux divorcés remariés. » « Le pape affirme qu’il n’y a plus de péché dans les unions libres et l’homosexualité. » Pas une semaine ne passe sans que les médias se méprennent sur le sens des paroles du Saint-Père.

Erreur coupable ou non coupable ? La faute est-elle aux médias ou n’est-ce pas plutôt le pape qui manquerait de jugement et de clarté quand il s’exprime ?

Herméneutique bienveillante

La première chose à considérer c’est que lorsque le Pape répond oralement à des journalistes ou improvise une brève homélie, il ne peut pas faire toutes les nuances et distinctions qu’un théologien pourrait faire en écrivant un traité de théologie.

Il faut alors avoir à l’esprit que le pape va donner l’enseignement de l’Église et non pas un enseignement qui lui est contraire. Si un pape voulait préciser un point de doctrine important, il ne choisirait certainement pas comme lieu pour le faire une entrevue donnée à des journalistes. C’est en ayant tout cela à l’esprit que nous devons toujours lire les réponses du pape aux journalistes.

Même dans une encyclique ou une exhortation apostolique, le pape ne peut pas prévenir tous les contresens possibles. Les premiers principes herméneutiques demeurent donc ceux de l’unité, de la continuité et de l’analogie de la foi, c’est-à-dire les mêmes que ceux proposés par les pères du Concile Vatican II pour bien interpréter les Écritures saintes. (Dei Verbum #12)

Premièrement, écouter toutes les paroles du pape sans tirer des citations hors contexte. Deuxièmement, recevoir ces paroles dans la tradition vivante de l’Église, c’est-à-dire l’enseignement ordinaire et universel du Magistère. Troisièmement, les comprendre sans jamais oublier qu’il y a une cohésion des vérités de la foi entre elles dans le projet total de la Révélation.

En claire, si une affirmation du pape peut être comprise en plusieurs sens, il est certain que tous les sens qui entreraient en contradiction avec le Catéchisme de l’Église Catholique seraient à exclure. La vérité ne change pas, la vérité ne se contredit pas.

Qui suis-je pour juger ?

Il est vrai que ni la grâce d’état ni le charisme d’infaillibilité n’impliquent qu’un pape ne puisse pas en principe commettre des imprudences. Mais ne sommes-nous pas trop facilement enclins à juger de ce que le pape ait commis ou non une imprudence ?

Si je me permets de juger que le pape François a commis une imprudence quand il a dit « Qui suis-je pour juger » en parlant des personnes homosexuelles, dans ce cas, il me semble qu’il faudrait aussi que je juge qu’il a été imprudent dans mille autres circonstances. Ne devrais-je pas en dire autant pour les papes précédents qui ont si souvent été mal compris par les médias ?

Le pape Benoît XVI aurait-il aussi commis une imprudence en parlant de la contraception ou quand il a soulevé une bonne question touchant la violence dans la religion musulmane ? Où cela s’arrêtera-t-il ? La réception des médias souvent hostile au catholicisme deviendra-t-elle la norme de la prudence ?

Allons-nous accuser Dieu lui-même d’avoir manqué de clarté quand il a inspiré les Saintes Écritures ?

Pire encore, allons-nous accuser Dieu lui-même d’avoir manqué de clarté quand il a inspiré les Saintes Écritures ? N’ont-elles pas été interprétées dans tous les sens les plus erronés et farfelues tout au long de l’histoire ?

Quels avantages y a-t-il à faire des critiques négatives sur le jugement du pape ? Est-ce ma vocation de conseiller le pape sur son jugement pastoral ? Personnellement, je préfère prier pour lui que le critiquer publiquement. Le pape lui-même et ses conseillers peuvent très bien juger de toutes ces choses et, éventuellement, publier des explications supplémentaires lorsqu’ils le jugent à-propos.

Plus encore, si je ne me contente pas de juger pour moi-même de la prudence du pape et que je publie mon jugement, est-ce que je ne risque pas de miner la crédibilité du pape auprès de mes auditeurs et lecteurs?

Pastorale paternelle

Il est certain qu’en se faisant proche des gens, en répondant spontanément aux questions qu’on lui pose, le pape François n’est pas dans la même situation que s’il publiait un texte auquel il a longuement réfléchi et qui a été lu et relu pas ses conseillers. Les risques sont évidemment plus grands que certains propos ne soient pas aussi précis et explicites.

Mais le pape François doit-il renoncer pour autant à la façon dont il veut être présent au monde? Doit-il aussi abandonner son approche qui cherche davantage à annoncer qu’à dénoncer ? Doit-il cesser de parler aux non-croyants en usant d’un langage moins technique, mais plus apte à toucher leurs cœurs ?

François est un véritable père spirituel pour toute l’humanité, un Saint-Père… et un père particulièrement épris de ses fils prodigues. Espérons seulement que ces fils qui sont demeurés à la maison ne seront pas jaloux.

J’ai demandé à une amie ce qu’elle pensait de cela. Elle m’a répondu qu’elle n’était pas du tout encline à juger son père? Je pense qu’il y a bien de la sagesse dans cette réponse.

Plutôt que de juger son père, rendons grâce d’avoir un pape qui juge comme un père.

Simon Lessard

Simon aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps. Responsable des partenariats pour le Verbe médias, il est diplômé en philosophie et théologie.