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La vie dont je ne suis pas le héros

Êtes-vous le spectateur ou le héros de votre vie ? C’est la question que nous pose HEROES, le premier jeu de rôle de développement personnel. Un programme où ce n’est plus la connaissance acquise dans des livres, mais l’expérience en immersion réelle qui, promet-on, va enfin changer notre vie.

Dites adieu à votre zone de confort. Pour changer il faut se dépasser et pour se dépasser il faut sauter dans la réalité.

Jusque-là j’embarque.

Le jeu de la vie

Mais parce que votre réalité est trop plate, le programme payant va l’augmenter pour vous en y ajoutant quelques collines et ravins, quelques coquines et requins. C’est comme Jouer avec la mort avec Michael Douglas, mais en moins dangereux et moins couteux.

Après tout, la vie n’est qu’un jeu, un jeu dont vous êtes le héros pour que tout le monde autour en deviennent les figurants silencieux et les spectateurs envieux. 

Et ce jeu il porte un nom : Happycratie. 

Eva Illouz, professeure de psychologie à Jérusalem, l’a décodé pour nous. Il suffit d’acheter les bonnes « marchandises émotionnelles » pour gagner des points et devenir riche de bons sentiments.



Ce système happycratique nous oblige à la performance. Performer au travail et au gym, performer en amour et plus encore au lit, performer même en vacances. Bref, performer pour produire du capital de bonheur. S’entrainer (et payer!) pour croitre en efficacité.

Performer sa vie

Mais performer c’est aussi jouer. Jouer un personnage, jouer du coup la vie d’un autre. 

Cet autre, si vous voulez le rencontrer, allez zieuter mon profil Facebook. Il est toujours souriant et bien habillé, il est toujours trépidant et bien articulé. Il est parfait ou à tout le moins toujours en croissance. Évitez juste de démasquer ce superhéros et de mettre à nue sa vraie vie.

Car ma vraie vie est plutôt comme à la bourse : il n’y a rien à y comprendre. En effet, elle monte et descend en défiant tous les algorithmes, s’emballe et se déballe pour un rien et feint la croissance, mais frôle toujours la crise.

À bien y penser, ma vie ressemble moins à une performance qu’à une survivance.

Le chemin de la décroissance

Nul besoin d’augmenter ma réalité pour me sortir de ma zone de confort. J’ai juste à ne pas la fuir dans les stimulants et divertissements. Juste à ne pas la vivre comme un perpétuel jeu d’évasion.

D’ailleurs, je suis prêt à parier avec Pascal qu’il y a un maitre de jeu qui la guide. Pleine de rebondissements et de dérangements, elle me fait avancer sur le chemin de la décroissance : heureux les pauvres, heureux ceux qui pleurent, heureux les persécutés.

Ma vie n’a pas besoin d’être augmentée, mais d’être diminuée.

Ma vie n’a pas besoin d’être augmentée, mais d’être diminuée.

Je ne suis ni le spectateur, ni le héros de ma vie. Je ne suis pas dans un film d’aventure, encore moins dans un jeu de rôle. Ma vie est beaucoup plus que tout cela. Elle est un sauvetage in extremis dont je suis le sauvé de profundis.

Son véritable héros, Lui, il faut qu’il grandisse ; et moi, que je diminue.


Simon Lessard

Simon aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps. Responsable des partenariats pour le Verbe médias, il est diplômé en philosophie et théologie.