«Mère Teresa», l’insulte de François Legault

La manière dont François Legault a traité la député Christine Labrie de «Mère Teresa» met en évidence une vision clientéliste et individualiste de la vie en société.

« Mère Teresa ! »

Le 17 mars 2022, au Salon bleu, François Legault a fait usage du nom de cette sainte femme d’une manière pour le moins étonnante !

En guise d’insulte, le premier ministre l’a balancé sur un ton méprisant à Christine Labrie, de Québec solidaire, en réaction à une allocution où elle prenait la défense de Ma place au travail, un mouvement présent cette journée-là à l’Assemblée nationale. Ce dernier a été fondé par des parents en provenance des quatre coins du Québec, et surtout par des mères, en réponse à la pénurie de places en garderie.

Préoccupée par l’appauvrissement que vivent de nombreuses femmes qui ne peuvent retourner au travail, la députée de Sherbrooke dénonçait le refus du gouvernement d’octroyer une aide financière mensuelle d’urgence à celles qui n’arrivent pas à trouver de place pour faire garder leurs enfants. Et consternée par l’inaction de la Coalition avenir Québec, elle se demandait comment ce parti peut encore se qualifier de féministe.

Questionnée par un journaliste pour savoir ce que cela lui a fait d’être traitée de « Mère Teresa », elle a répondu en haussant les épaules. Après tout, c’est une femme pour laquelle elle a du respect, et le premier ministre l’a probablement qualifiée ainsi parce que, comme la sainte le faisait, elle se porte à la défense de personnes en situation de vulnérabilité. C’est plutôt le ton du premier ministre qui, selon elle, révèle le mépris qu’il a pour les demandes des femmes présentes cette journée-là.

Toute cette activité surtout féminine n’échappe plus depuis longtemps aux dictats de la performance et de l’efficience. Toutes ces professions qui contribuent à construire le lien social, à nourrir le sens de la communauté sont aujourd’hui malmenées.

Cette réaction de M. Legault, bien plus qu’anecdotique, met en évidence une vision clientéliste et individualiste qui domine nos cités, n’accordant de valeur qu’au profit et à la productivité.

Cette conception de la société entraine une dévaluation des professions majoritairement féminines, axées sur le soin, l’éducation, la relation d’aide, qui, par conséquent, sont moins bien payées. S’occuper des enfants à la garderie ou encore à la maison (que ce soit par choix ou faute de place en service de garde) n’est pas un travail reconnu à sa juste valeur. La formation des éducatrices à l’enfance est d’ailleurs la technique collégiale la moins bien payée.

En outre, toute cette activité surtout féminine n’échappe plus depuis longtemps aux dictats de la performance et de l’efficience. Toutes ces professions qui contribuent à construire le lien social, à nourrir le sens de la communauté sont aujourd’hui malmenées.

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Parallèlement, dans bien des domaines de l’existence, les individus sont de plus en plus poussés à la compétition : se battre pour une place en garderie, une place au camp de jour, etc.

Les mères présentes ce jour-là au Salon bleu ont su transcender ces injonctions du chacun pour soi. Solidaires, elles exigent un véritable projet de société.

Tout un programme à l’horizon pour les députés, qui gagneraient davantage à user du nom de Mère Teresa pour bénir leur entreprise que pour insulter leur prochain.

Vous savez maintenant à quelle sainte vous vouer pour trouver une place en garderie !

Puis, ce n’est pas juste moi qui le dis. Dans une publication du 25 mars sur la page Facebook de Ma place au travail commentant cette affaire, on pouvait lire : « En voulant salir le nom de cette icône de la bonté, c’est nous qu’il [le premier ministre] méprisait. »

Émilie Frémont-Cloutier

Émilie Frémont-Cloutier est formée en travail social. Œuvrant comme missionnaire de rue, bénévole et travailleuse dans le milieu communautaire, elle a soif de justice sociale et cherche passionnément l’extraordinaire qui se cache dans la vie des gens ordinaires.