Il y a les enfants qui rêvent de devenir astronautes. Et d’autres, comme moi à l’époque, qui préfèrent explorer le ciel à partir de leur salon. Tout petit, je me posais déjà bien des questions existentielles, reprenant sans le savoir la question de Blaise Pascal: «Qu’est-ce qu’un homme, dans l’infini?»
L’étonnement devant les mystères de l’univers est sans doute à l’origine de ma vocation philosophique… et de ma passion pour Star Wars.
Quand j’ai vu, ces derniers mois, les premières images du télescope James Webb, je me suis étonné de nouveau. Quelle beauté! Comment l’expliquer? Sommes-nous seuls à pouvoir la contempler? Puis m’est revenue cette phrase célèbre de l’astronome américain Carl Sagan: «L’univers est tellement vaste, et nous sommes si petits, que si nous étions seuls, ce serait un beau gâchis d’espace.»
Mais sommes-nous vraiment si petits?
Je suis alors retourné lire Pascal. Pour l’auteur des Pensées, puisque nous pouvons multiplier ou diviser indéfiniment une grandeur, un temps ou un nombre, chaque réalité naturelle se trouve comme suspendue entre l’infiniment grand et l’infiniment petit. Tout est une question de regard. Devant l’immensité du cosmos, je me trouve tel «un néant à l’égard de l’infini». Comparé à un électron, je suis comme «un tout à l’égard du néant». L’homme serait donc «un milieu entre rien et tout […] également incapable de voir le néant d’où il est tiré, et l’infini où il est englouti».
La première vertu des télescopes est probablement de nous rendre plus humbles devant ce que nous ignorons et ce qui nous dépasse. Pour Aristote, «s’étonner, c’est reconnaitre sa propre ignorance». Une ignorance qui stimule la recherche rationnelle et modère nos prétentions à tout savoir. «Deux excès, note Pascal: exclure la raison, n’admettre que la raison.» Le cœur et la foi peuvent nous ouvrir sur un autre Infini.
Avec du recul, je me plais à renverser la perspective de Sagan, me rappelant que la rareté est un indicateur de valeur: si nous étions seuls dans toute cette immensité, ce serait un beau chef-d’œuvre d’esprit. Le vrai gâchis serait de gaspiller l’esprit plus que l’espace. C’est que, toujours selon Pascal, «par l’espace, l’univers me comprend et m’engloutit comme un point, mais par la pensée, je le comprends».
Devant l’immensité et la beauté de l’univers, je m’étonne. Devant l’intelligence de l’homme dans le cosmos, je m’étonne plus encore. «Ce n’est point de l’espace que je dois chercher ma dignité, mais c’est du règlement de ma pensée. Je n’aurai point d’avantage en possédant des terres», mais en contemplant le ciel. Plus nous admirerons la beauté des étoiles, plus nous aurons une vision ajustée de la grandeur et de la place de l’être humain dans le monde. Car bien sûr, «l’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature; mais c’est un roseau pensant!»