«tout inclus»

… et pour le pire

Le mal est fait : chaque personne que je croise jette sur moi un regard compatissant, convaincue que notre voyage de noces a été un désastre.

Rassurez-vous : ce n’est pas le cas.

Nous avons vu des paysages magnifiques, redécouvert l’histoire de l’Amérique et adopté un rythme de vie plus reposant qu’il n’y parait. En vous partageant les épreuves rencontrées sur la route, je souhaitais aller au-delà des clichés de voyage qu’on brandit de manière triomphante. L’inconfort, la frustration, le ras-le-bol : ça fait partie de la vie, même de celle des nouveaux mariés.

La même partition

Vivre dans la promiscuité d’un minivan n’a évidemment pas été de tout repos. Pendant près d’un mois, nous avons été nos seuls interlocuteurs. Nous avons dû tout décider d’un commun accord.

À l’instar des musiciens, nous nous sommes accordés pour jouer en harmonie. Même si nous avions décidé d’avance de la mélodie, nous avons dû nous adapter quand des éléments nouveaux se sont présentés.

Afin de ne pas exploser à force de crispations, nous avons accueilli l’adversité et nous sommes laissés transformés par elle. À la fin, on a tout bonnement haussé les épaules et improvisé avec ce qui nous était donné. Tant pis pour notre planning.

L’image soignée

Avant de partir en roadtrip, je nourrissais plusieurs inquiétudes quant au quotidien de la vie conjugale. J’étais habituée à n’avoir de lui que le meilleur. Et, surtout, à lui renvoyer une image de moi-même soigneusement étudiée. Je me mettais sur mon trente-six avant de lui rendre visite. Je nettoyais l’appartement et faisais cuire des muffins avant qu’il n’arrive. Pour que ça sente bon et qu’il m’associe à cette douceur enveloppante.

Je redoutais ce moment où son regard se poserait en permanence sur moi. J’avais préparé ce voyage comme je cuisine mes pâtisseries : pour lui faire de l’effet. Je me suis sentie humiliée quand mon entreprise a échoué. Mais, surtout : aimée, au-delà de la bouette et des odeurs douteuses.

Je ne me fais pas d’illusions : ces petits pépins de voyage ne sont rien en comparaison aux défis qui nous attendent. Mais j’ai d’autant plus confiance en notre capacité à faire face.

D’autant plus qu’à notre retour, j’ai découvert que nous n’étions plus seuls dans cette aventure.

Au pire…

Les parents du mari nous attendaient. Son frère aussi. Ils avaient mis de la bière au froid et préparé un savoureux repas. Je n’avais pas reçu un tel accueil depuis le décès de mon père, qui a aussi, d’une certaine façon, emporté ma mère. Ils nous ont annoncé un déménagement dans la région, eux qui demeuraient jusqu’alors en Outaouais.

Pour moi qui ai voyagé seule depuis l’adolescence, j’ai senti que je pouvais enfin poser mes bagages.

Et arrêter de toujours craindre le pire.

Parce qu’au pire, on sera ensemble.

Valérie Laflamme-Caron

Valérie Laflamme-Caron est formée en anthropologie et en théologie. Elle anime présentement la pastorale dans une école secondaire de la région de Québec. Elle aime traiter des enjeux qui traversent le Québec contemporain avec un langage qui mobilise l’apport des sciences sociales à sa posture croyante.