Au-delà du bobo

Je dois m’en confesser.

Je suis bobo, bourgeoise-bohème à mes heures.

Il m’arrive de me flatter l’égo à coup de kombucha biolocal dégusté dans ma tasse réutilisable. 

« Tu vois comme tu fais consciemment de bons choix pour la planète ! »

Je dois l’avouer, le petit café écoresponsable un brin hipster du centre-ville est le genre d’endroit où je me plais à passer mes temps libres. L’ambiance y est parfaite pour démarrer une lecture sur la simplicité volontaire ou encore pour m’épancher dans une discussion sur mon écoanxiété. Non loin de là, des gens se relaxent sur leur toit-terrasse privé verdoyant d’un immeuble de condos locatifs onéreux.

À peine à quelques mètres de là, dehors, un homme sans abri est assis sur le béton du trottoir. Alors que nous ignorons sa présence, il est pourtant le premier qui subit les conséquences des problèmes environnementaux dont nous prétendons être préoccupés !

Les premiers frappés par les changements climatiques

Des organisations internationales, notamment l’UNESCO, et, plus près d’ici, au Québec, le Mouvement d’éducation populaire autonome et d’action communautaire (MÉPACQ) ont mis en lumière les liens entre la justice climatique et la justice sociale.

Ce sont, de fait, les femmes et les hommes appauvris qui en arrachent le plus quand les dérèglements climatiques font grimper le prix des aliments. Ce sont eux qui ont le moins les moyens d’être assurés quand un désastre environnemental détruit leur logis.

Il est démontré qu’ils vivent souvent dans des secteurs plus exposés à la pollution. Un bon exemple est la circonscription Jean-Lesage à Québec, qui est celle où le revenu médian est le plus bas au Québec et, parallèlement, celle où la qualité de l’air est la moins bonne de cette ville.

Nous avons aussi la fâcheuse habitude d’envisager des solutions sans considérer les besoins des moins nantis.

La construction d’un nouveau campus et de jardins urbains par l’Université de Montréal en est un exemple éloquent : elle aurait contribué à une hausse substantielle des loyers dans le quartier Parc-Extension.

On peut aussi citer l’avènement des voitures électriques, plus proche du moindre mal que de la panacée. Il ne règle en rien les problèmes de congestion, pas plus qu’il n’améliorera la mobilité des personnes à faibles revenus. Pour cela, nous aurions besoin d’investissements massifs dans les transports collectifs et actifs.

Dépasser le stade du bobo

Si prendre acte des besoins des moins nantis est un bon point de départ, travailler efficacement à la sauvegarde de la planète implique d’avoir une option préférentielle pour eux. Cette alliance de la société entière avec les dépossédés de la terre est ce qui rendra possible l’avènement d’une justice sociale et climatique. 

Cette invitation à entrer en relation avec les opprimés va bien au-delà d’un programme stratégique politique : nous avons besoin d’eux pour avancer en humanité et dans notre conscience écologique. Au-delà des injustices et des misères subies, qui n’ont évidemment pas à être cautionnées, les personnes appauvries, par leurs expériences, peuvent nous inspirer dans notre cheminement collectif vers un mode de vie hautement plus satisfaisant que mon boboïsme confortable ; un mode de vie que le pape François qualifie dans son encyclique Laudato si’ de « sobriété heureuse ».

En solidarité, Émilie

Émilie Frémont-Cloutier

Émilie Frémont-Cloutier est formée en travail social. Œuvrant comme missionnaire de rue, bénévole et travailleuse dans le milieu communautaire, elle a soif de justice sociale et cherche passionnément l’extraordinaire qui se cache dans la vie des gens ordinaires.