Cool et chrétien?

Cool et chrétien : une contradiction dans les termes? C’est, en tout cas, l’opinion de bien des gens aujourd’hui. Et c’était aussi la mienne, avant ma conversion à 18 ans. « Quoi de plus ringard qu’un chrétien? », que je pensais.

C’est un fait : au Québec, beaucoup n’ont pas la foi, non en raison de quelque dogme fondamental ou de la morale de l’Église, mais tout simplement parce que le christianisme leur semble quétaine. Des bricolages enfantins, des chansons mielleuses à vomir, des sourires forcés… voilà ce que représente l’Église pour ces gens.

Doit-on alors s’y résigner : être chrétien n’est pas cool? L’esprit du monde, voire le malin, jouirait-il seul de la coolitude? C’est ce que certains défendent dans la culture contemporaine. Quoi de plus hot – sans faire de mauvais jeu de mots – que Satan? Sam Smith semble le croire, par ailleurs, si on se fie à sa prestation de « Unholy » aux derniers Grammy Awards.

Sauf qu’en réalité, quand on s’y penche de plus près, la coolitude de Satan n’est qu’illusoire, et celle du chrétien est, au contraire, bien réelle.

Définir la coolitude

C’est le chrétien qui est véritablement cool? Facile à dire! Encore faut-il savoir ce qu’est la coolitude. Car si tous emploient le mot cool – même mon fils de deux ans s’y est mis récemment –, peu le définissent clairement.

Cool vient de l’anglais et signifie « frais ». Le cool, c’est celui qui demeure froid, décontracté, capable de garder une certaine distance devant l’adversité. L’expression s’est popularisée durant les années 1950 en désignant un style jazz décomplexé.

On le présente aujourd’hui ainsi : être cool, c’est désobéir, c’est ne pas succomber à l’esprit grégaire, à la pression sociale. Le contraire du cool, c’est d’ailleurs le « suiveux », toujours à la recherche de l’approbation des autres et incapable d’aller à contrecourant.

Le cool, par sa capacité même à désobéir, devient original, unique. Il assume ce qu’il est.

Cela dit, le cool désobéit et assume ce qu’il est en s’inscrivant tout de même dans un groupe, dans une communauté. Personne ne qualifie de cool le bizarre, celui incapable d’entrer en relation avec autrui. Le cool a nécessairement des amis, souvent en grand nombre. Il est populaire.

Désobéissant, original et populaire : le portrait tout craché du chrétien! Non? Vous êtes sceptiques? Qu’à cela ne tienne, je vous le démontre à l’instant!

Désobéissant

Première caractéristique du chrétien : désobéissant. Étrange? Ne le dépeint-on pas au contraire comme une brebis docile?

Cette caricature du chrétien oublie un angle mort : obéir à quelque chose implique forcément de désobéir à autre chose. Au baptême, par exemple, avant d’affirmer ce en quoi on croit, on renonce à autre chose, à savoir le malin et ses suggestions.

Tout chrétien se trouve appelé à désobéir à l’esprit du monde, qui fait passer, avant l’amour et la charité, le confort, les plaisirs, l’argent, etc. Qui fait passer la chair temporelle avant la vie éternelle.

Ce n’est pas rien, désobéir au monde, surtout aujourd’hui, alors qu’il est de plus en plus aux prises avec des idéologies dominantes tel le wokisme. Ça prend du courage. Parlez-en au jeune de 16 ans dernièrement arrêté par la police en Ontario pour avoir exprimé ses opinions sur la théorie des genres dans un débat en classe.  

Original

«Tous naissent comme des originaux, mais beaucoup meurent comme des photocopies», disait Carlo Acutis, mort à seulement 15 ans.

Avoir la foi, c’est se savoir aimé de Dieu, qui veut faire de chaque personne son enfant bienaimé. La foi donne la conviction que chacun, dans ses différences, est bien fait, voulu ainsi. Comme un père le ferait pour ses enfants, Dieu invite chaque homme à développer son unicité, à faire fructifier les dons précis qu’il a reçus.

Le malin, par opposition, veut des esclaves, non des fils. Il assimile tout à soi, anéantit toute liberté et originalité chez ceux qu’il séduit. Quand on y pense, tout égoïsme reproduit ce mécanisme. Par exemple, les publicités visent rarement l’émancipation et le bonheur de la population. Il s’agit toujours plus ou moins de faire croire que la vie heureuse, que l’amour, exige telle ou telle bébelle, tel ou tel produit. Il s’agit toujours, de façon plus ou moins claire, de mettre en esclavage.

Le malin, par opposition, veut des esclaves, non des fils.

Mais la société d’aujourd’hui, contrairement à l’Église, ne permet-elle pas au plus haut point la diversité et l’originalité? Après tout, les identités se multiplient à l’infini, me répondra-t-on.  

Malgré cette diversité apparente, le subjectivisme ambiant fait redondant. Toujours, on chante le même refrain selon lequel rien n’est vrai objectivement, mais seuls comptent les sentiments, les impressions de chacun. La réalité, dans sa complexité et ses nuances, n’apparait plus.

Ainsi, les « femmes transgenres » – pour ne donner qu’un exemple – finissent par se ressembler dans leur tentative d’imitation de la féminité, alors que l’univers féminin comprend en réalité une grande diversité et complexité.

Populaire

Rien n’est moins cool que chercher à être cool; rien n’est moins original que vouloir être original. C’est le paradoxe auquel se heurtent la plupart des gens aujourd’hui. Et je crois que c’est en partie ce que Carlo Acutis voulait dénoncer.

Le chrétien évite ce problème : sa priorité, en réalité, n’est ni la coolitude ni l’originalité. Le chrétien recherche la vérité, incarnée en la personne de Jésus Christ. Avant même de se différencier des autres, le chrétien cherche le commun et l’unité. C’est ainsi que, malgré la diversité de ses membres, l’Église reste une, comme un seul corps, malgré la diversité de ses parties, est un, écrit saint Paul.

C’est cette unité, cette volonté de vivre sous la conduite du même Esprit, qui crée l’amitié entre les chrétiens. Une amitié forte et profonde.

Je ne cesse de m’en émerveiller : jamais je n’ai eu autant d’amis que depuis que je suis chrétienne. Jamais je n’ai eu d’amis aussi différents, uniques, fascinants, complexes.

Je n’ai jamais été aussi populaire que depuis que je suis chrétienne!

Cool selon le monde?

Vous n’êtes toujours pas convaincus? Si les chrétiens sont cools, comment expliquer le quétaine qu’on rencontre dans certaines paroisses, par exemple? En fait, être chrétien n’arrange pas tout. La coolitude que j’ai décrite n’est pas une coolitude de surface. La voir nécessite un regard plus profond.

De ce point de vue, être chrétien ne rend pas subitement capable de manier les modes vestimentaires et autres tendances des temps actuels. J’en suis la preuve vivante…

Cela dit, le chrétien gagne à connaitre le monde dans lequel il vit, et même à suivre les modes de celui-ci, tant que cela ne contredit pas ses principes. Porter les bottes cools de 2023 ne m’empêche aucunement d’aimer Jésus Christ, après tout.

Le chrétien doit également s’assurer de présenter une foi adulte aux adultes de notre temps, plutôt qu’une foi édulcorée et enfantine. Car si mon fils de 2 ans se trouve très cool avec son chandail de Pat’Patrouille, je doute qu’il se sente aussi cool avec un gilet semblable quand il aura 20 ans. De même en va-t-il pour notre foi. Une foi d’enfant, pour un enfant, c’est cool. Une foi d’enfant pour un adulte… c’est ringard. À nous, dès lors, avec l’aide de l’Esprit Saint, de faire grandir notre foi, à mesure que nous grandissons!

Laurence Godin-Tremblay

Laurence termine présentement un doctorat en philosophie. Elle enseigne également au Grand Séminaire de l’Archidiocèse de Montréal. Elle est aussi une épouse et une mère.