Je n’ai jamais vraiment souligné la fête du Canada.
Elle m’a toujours laissé indifférent, de même que le pays qu’elle évoque. J’ai le même rapport à la fête des Patriotes… Ou de la Reine : Un congé ? Pourquoi pas ?
Le 1er juillet, sinon, est aussi la journée du déménagement. N’est-ce pas éloquent que la fête du Canada soit la journée des Québécois pour déménager ? Bon, vous allez dire que c’est parce que les baux se terminent le 30 juin et vous aurez raison. N’empêche qu’un gars comme Clotaire Rapaille dirait sans doute que c’est révélateur d’un certain inconscient collectif.
Clotaire qui ?
La fièvre bleue
Beaucoup disent qu’on devient souverainiste au cégep. Dans mon cas c’est vrai. Je l’ai attrapée dans mon cours de Littérature québécoise. Non pas d’abord pour des raisons politiques, mais parce que ma professeure nous avait fait réaliser que nous étions les seuls avec une littérature sans héros.
Je pensais, jadis, que ce problème profond de culture et d’identité ne pouvait venir que de notre passé de colonisés. Je suis donc devenu un fervent séparatiste, m’abreuvant aux textes de Pierre Falardeau et haïssant tout ce qui s’approchait de près ou de loin à la culture canadienne et britannique.
J’avais cependant un malaise, comme catholique, à l’idée de faire partie d’un pays dont la reine est la chef de l’Église anglicane.
Dans la même période de ma vie, j’ai malgré tout visité Ottawa pour la première fois. Je me rappelle ce spectacle son et lumière sur le parlement ; j’en avais presque versé une larme. Devant cette fresque idyllique sur fond de Ô Canada (hymne composé par un Canadien français !) je me suis pratiquement converti, comme Claudel à Notre-Dame de Paris (!!!).
Universel malgré moi
Parlant de conversion, quelques années plus tard, je suis devenu catholique, ce qui était encore plus improbable que de devenir fédéraliste étant donné mon mépris profond pour le christianisme.
Le Christ a, disons, calmé mes ardeurs de nationaliste en m’enseignant à rendre à César ce qui est à César : la liberté d’une nation, c’est bien, mais la liberté intérieure, c’est mieux.
J’ai commencé à penser que la blessure identitaire du Québécois provenait également de son rejet de la foi qui l’avait vu naitre. Comme l’a si bien dit Jean-Paul II dans son discours de 1984 à l’Université Laval : « N’acceptez pas le divorce entre la foi et la culture. »
L’Église catholique étant universelle par nature (heureusement pour les Canadiens anglais !) je me suis lié d’amitié avec plusieurs catholiques anglophones. J’ai découvert que j’avais souvent plus en commun avec eux qu’avec mes propres compatriotes.
J’avais cependant un malaise, comme catholique, à l’idée de faire partie d’un pays dont la reine est la chef de l’Église anglicane.
Enrôlement impérial
Et puis des beaux-parents sont arrivés dans ma vie. Pendant plusieurs repas dominicaux, ils nous ont parlé de la série The Crown qu’ils écoutaient passionnément. C’était quand même étonnant de la part de ma belle-mère, une ancienne souverainiste que la foi a aussi adoucie.
Toujours est-il que quand des beaux-parents parlent d’une série, on dirait que ça ne donne pas tant le gout de l’écouter… Le tour de Netflix étant vite fait, on a finalement laissé une chance à cette Élisabeth II sur écran.
On a été tout simplement conquis (de manière impériale !) : elle est devenue notre seule raison de vivre pendant plusieurs semaines.
Le portrait qu’on nous dresse de la famille royale est certainement sujet à interprétation et partiellement fictif. N’empêche que tout y est pour comprendre le rôle de la reine, les croix qu’elle a été appelée à porter et les vertus (j’oserais dire héroïques) dont elle a fait preuve tout au long de sa vie.
God Save the Queen !
Pour le moderne que je suis, la monarchie semble être un vestige du passé qui m’est totalement étranger. Elle m’est à la fois incompréhensible et intrigante. En ayant appris, à travers The Crown, à la connaitre un peu davantage, elle m’apparait beaucoup plus sympathique. Pas n’importe quelle monarchie, mais celle d’Élisabeth II.
Je me fais désormais un plaisir et une joie d’écouter ses différentes allocutions selon les circonstances. Encore debout à 94 ans, elle est certainement une grande dame qu’on peut difficilement trouver médiocre, et ce, en dépit des travers des Britanniques dans l’histoire.
Plusieurs raisons m’empêchent encore aujourd’hui d’avoir un sentiment d’appartenance au Canada autant que j’en ai un pour le Québec. Je ne suis quand même pas honteux d’avoir le visage de la reine Élisabeth, une femme de foi, sur mes trente-sous.
Bonne fête du Canada ? Je ne sais trop. Mais si le ciel est bleu et l’enfer rouge, God, Save the Queen !