C’est bien connu, l’être en tant qu’être alimente les passions dans les cafés étudiants des facultés de philo autant que l’essence du Canada a fait carburer les conservateurs depuis 10 ans.
Mais le brut canadien, une fois le baril dégonflé, a un peu de tar sands dans l’engrenage. Et en ce qui concerne l’essence du pays, c’est-à-dire ce qu’il est en tant que pays étant, j’ai dû être distrait : même avec 78 longues journées de campagne, je n’ai rien entendu sur le sujet.
Entre calinours et psychorigides
Plus de deux mois à se faire promettre « plus d’argent dans nos poches ». Mais pas un candidat pour nous parler d’Heidegger ou d’Husserl entre le service de deux douzaines de beignes dans un Tim Hortons de la banlieue torontoise.
Je déconne. C’eut été indigeste. Les beignes.
Ceci dit, ne lâchons pas des yeux notre question d’essence.
Depuis près de dix ans, les conservateurs nous ont semblé psychorigides sur l’économie (du pétrole, encore du pétrole!) et adeptes du laisser-faire sur les plans moral et identitaire, préférant repousser vers les tribunaux les questions malcommodes.
Chez les libéraux qui s’amènent, c’est exactement le contraire : plutôt dogmatiques sur les questions d’identité (multiculturalisme) et de mœurs (l’inclusion et la diversité sans limites, exclusion des candidats s’affichant pro-vie), et légèrement calinours sur l’économie.
Ces éternels antagonistes (ennemis, puis voisins…) se rejoignent toutefois sur un point. Libéraux et conservateurs ne m’ont pas aidé du tout à m’approcher de la connaissance de l’être canadien.
Corrigez-moi si je me trompe – je ne demande que ça –, mais je n’ai pas trouvé beaucoup d’idées dans les plateformes qui permettent de transcender les préoccupations individualistes, de nous élever au-dessus des intérêts particuliers ni de dépasser les enjeux strictement économiques ou les luttes de classes.
Ces questions sur l’avoir ne résolvent rien à propos de l’être. À moins que notre être soit configuré, dans son essence, que par l’avoir? Faudrait voir.
De beaux sentiments
Lorsqu’on écoute le discours de victoire de Trudeau, on apprend que la fibre canadienne est inclusive, multiculturelle, ouverte à la diversité, etc. C’est donc dire que le Canada des années Harper n’était pas lui-même? Comme s’il errait hors de son être? À en voir la répartition des suffrages, rien n’est moins certain.
L’être canadien serait donc une harmonieuse mosaïque multicolore? Pourtant, les limites du multiculturalisme nous semblent aussi manifestes que les frontières d’un chinatown.
Justice sélective
On a l’impression que l’essence du Canada a été pas mal diluée, au fur et à mesure que l’on effritait ses plus nobles principes fondateurs.
Aujourd’hui, si l’être Canadien est supposément, in se, doté d’un sens aigu de la justice sociale, il m’apparait étrange qu’on ait autant de difficulté à défendre les plus vulnérables et les sans-voix parmi nous.
On assiste impuissants à la désintégration des derniers remparts contre la barbarie de l’élimination d’individus « non économiquement-utiles ».
Au mieux, les gouvernements qui se succèdent se révèlent tous plus incapables les uns que les autres de garantir une protection minimale aux ainés et aux enfants à naitre.
Au pis, on assiste impuissants à la désintégration des derniers remparts contre la barbarie de l’élimination d’individus « non économiquement-utiles ».
Quatre autres années à genoux
Faudra prier, bien sûr.
En fait, la bonne nouvelle, puisqu’il doit bien en avoir une quelque part, c’est que, tout comme mes amis de l’Observatoire Justice et Paix, je crois bien qu’une approche non partisane dans la quête du bien commun est essentielle.
Et j’espère sincèrement que les députés, au sein d’un gouvernement qui semble déjà se faire le chantre de la liberté, pourront au moins voter librement lorsqu’il sera question d’adopter des lois qui touchent à la sacralité de la vie.