« Ben voyons ! T’es pas grosse ! »

Nous sommes pris entre une volonté d’équilibre santé et une apologie constante de la nourriture. Le nouveau terme « grossophobie » ne résout pas du tout ce problème. À l’inverse, il nous fait oublier certaines réalités. 

Vous avez certainement croisé récemment la fameuse phrase qui commence de nombreux textes ces temps-ci :

« Avec la fin du temps des fêtes vient le temps des résolutions… Et qui dit résolutions, dit régimes ! »

Ce qu’il y a de fabuleux, c’est que ces mots introduisent autant les articles vantant/vendant des diètes que ceux qui les décrient…

Et voilà le sujet de cette chronique : la oh-combien-angoissante contradiction de notre société à propos de la nutrition et du poids santé.

Un peu moins de mou

Ça fait 7 semaines que j’ai accouché. J’avais surement pris plus que le entre-25-et-35-livres recommandé par mon très cher Mieux Vivre.

Pour être honnête, c’est à peu près ce qu’il doit me rester de cette grossesse, 25 livres… La vérité, c’est que je n’ai pas de balance et que je refuse de me peser lors des rencontres de suivi avec ma sage-femme. Pas envie ni besoin de mettre des chiffres sur l’évolution de mes bourrelets.

Tout ça pour dire que j’en arrive au moment où j’aimerais retrouver un corps un peu moins mou de partout. Parce que j’ai un réel surplus. Rien de dramatique ou de problématique pour ma santé, d’autant plus que j’allaite et que je sais que j’ai besoin de réserves. Mais c’est surtout que je sais que c’est un symptôme de ma sédentarité.

Entendez-moi bien : je ne dis pas que je suis obèse et je ne méprise pas ce corps qui a donné la vie plus souvent qu’à son tour. Je dis seulement que je pourrais mieux en prendre soin.

En bougeant plus, par exemple, et en coupant peut-être un peu le McDo.

Le faux culte du bien-être

J’entends déjà les « Ben voyons ! T’es pas grosse ! », ou même, les commentaires m’accusant d’être grossophobe. Vous pensez que j’exagère ? Parlez-en à Nathalie Simard.

La grossophobie, c’est une des nouvelles étiquettes tendance. Pour contrebalancer le culte absolu du corps svelte et l’apologie de l’anorexie omniprésente dans la représentation des femmes (surtout), on en vient aujourd’hui à admirer la grosseur. À la défendre. À dénoncer le désir de certains de perdre du poids, et même se considérer en « surplus », puisqu’ils véhiculent alors un message péjoratif et discriminatoire face aux personnes rondes.

Mettons tout de suite quelque chose au clair : je ne parle pas ici de beauté. Parce qu’évidemment que grosseur et beauté ne sont pas incompatibles. Au contraire. On n’a qu’à penser aux Trois Grâces de Rubens (sans vouloir faire de mauvais jeu de mots), où l’artiste représente les déesses du charme, de la beauté et de la créativité par des femmes magnifiques, bien en chair, cellulite incluse. Elles sont splendides, ces femmes !

Je pense surtout à la santé.

Parce que quand un nutritionniste suivi par des milliers de personnes publie dans ses médias sociaux que « c’est ben correct de manger de la crap si c’est de ça que t’as envie », pour appuyer le fait que la privation est rarement une bonne solution dans les habitudes alimentaires… c’est là que j’ai personnellement un malaise. On s’entend qu’objectivement, y’a pas beaucoup de monde qui se sent mieux après une poutine extra-soooucisses qu’après une assiette de crudités.

Ne plus jouer à l’autruche

Qu’on promeuve de saines habitudes de vie, une alimentation variée et équilibrée, ça va pour moi. Mais qu’on ne puisse plus parler de la grosseur comme d’un problème, de peur de blesser certaines personnes, là, ça me dérange.

Après tout, en 2017, dans les pays membres de l’OCDE, c’était plus d’un adulte sur deux qui souffrait d’obésité, alors qu’on associe le surpoids à de plus en plus de problèmes de santé.

On ne veut tellement pas associer la grosseur ou la prise de poids avec les problèmes de contrôle personnel ou de relation malsaine avec la nourriture qu’on évacue complètement la question.

Certainement, plusieurs facteurs différents peuvent être à l’origine de l’obésité. On n’a qu’à penser aux abominables effets de médication pour soigner certains problèmes de santé mentale, par exemple, qui occasionnent des prises de poids effarantes et pratiquement inévitables…

Je ne dis pas que toutes les personnes grosses sont responsables de leur sort et n’ont aucune volonté. Je crois seulement qu’en évacuant totalement du discours ambiant les aspects problématiques liés au surplus de poids et les différentes façons d’y remédier, de peur que les personnes touchées ne se sentent accusées, on ne fait que jouer à l’autruche.

Et on n’aide finalement personne.


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Florence Malenfant

Détentrice d'un baccalauréat en histoire de l'art à l'université Laval et d'un certificat en révision linguistique, Florence a une affection particulière pour le bouillon de poulet et un faible pour la littérature russe!