Je parlais avec un psy l’autre jour.
Il me disait à quel point il voyait l’anxiété monter chez ses clients depuis le début des confinements. Ça, et bien d’autres problèmes de santé mentale.
Puis, il m’a dit cette phrase qui semble contradictoire : « Quand on arrête de faire des choses pour aller bien, on va beaucoup mieux. »
Paradoxalement, notre société obsédée par la santé, le bienêtre et la croissance personnelle n’a jamais été aussi malade d’aller bien. Comme si la norme c’était de n’avoir aucun bobo, aucun malaise ni souci. Mais avec une telle idée, on est souvent déçu et toujours sur ses gardes.
Nous avons été conditionnés à chercher des solutions pour tout. Un problème – une solution. Le problème, c’est qu’il y a aussi des problèmes sans solution. Alors voici la solution à ce beau problème.
Notre société obsédée par le bienêtre n’a jamais été aussi malade d’aller bien.
Face à un problème, m’expliquait le même psy, on peut réagir de trois manières : attaquer, fuir ou apprivoiser. Contre un maringouin, j’attaque. Face à un ours, je fuis. Mais avec le chien du voisin, j’apprivoise.
On attaque ou on fuit, selon qu’on se sente plus fort ou plus faible. Mais quand décide-t-on d’apprivoiser ? Quand on ne peut rien y changer. Quand ça nous dépasse et que le problème ne pourra pas disparaitre de notre vie, peu importe ce qu’on fait.
On s’acclimate à l’hiver.
On s’accoutume aux maux de dos.
On s’accommode des voisins.
La stratégie du Petit Prince
Avec des choses hors de soi, ça semble plus facile. Mais avec des pensées ou des sentiments en soi, c’est pas toujours évident.
Avec l’anxiété, il y a quelque chose de ça. Comme elle est en nous, c’est difficile de déguerpir. On peut certes se défiler dans l’alcool, les écrans, le sexe ou les amis… ou tout ça ensemble. Mais la distraction terminée, l’attention se recentre immédiatement sur elle.
On essaie alors de l’attaquer par des pensées positives, du sport, des respirations ou des médicaments. Elle se met alors à monter et descendre comme les indices boursiers. Mais comme pour la bourse, on dirait qu’elle finit toujours par remonter. Comme si elle se nourrissait de notre haine.
Fuir ou attaquer, l’anxiété s’en trouve souvent renforcée. Car prendre la poudre d’escampette ou engager les hostilités viennent tous deux confirmer et décupler la perception que l’objet de notre peur est dangereux.
C’est là que la stratégie du Petit Prince devient intéressante.
Il nous faut apprivoiser l’anxiété comme une rose ou un renard. Apprendre à vivre avec ses peurs et inconforts.
Parce qu’on ne pourra jamais vivre sans craintes et désagréments de toute manière.
Parce qu’il y aura toujours des situations où je ne peux pas tout contrôler.
Parce qu’il y aura aussi des situations où je ne peux rien contrôler.
L’imprévu, l’échec, les trahisons, la solitude, la fatigue et la maladie font partie de la vie. Aussi bien s’y faire tout de suite, le monde est ainsi fait.
C’est le même principe qu’avec les allergies. On se désensibilise en s’exposant plus qu’en se surprotégeant. Et il semble que le même principe s’applique avec les microbes, les belles-mères et les tempêtes d’hiver. (Toute comparaison entre ces trois réalités étant fortuite.)
Autrefois, en bons chrétiens, on disait qu’il faut embrasser la croix. Rien de sadomaso dans cette embrassade d’objet de torture. C’est au contraire la plus grande sagesse qui soit. Aimer ses ennemis. Les aimer au point d’en faire des amis.
Mon meilleur ennemi
Moi, mon ennemi, c’est l’« incontrôle ».
Toute ma vie je l’ai fui et attaqué. Mais ça n’a pas marché. Alors j’apprends plutôt à vivre avec. Quand il se pointe le bout du nez, je me dis : « Yes! On va pouvoir passer du temps ensemble et devenir de plus en plus amis. »
L’incontrôle n’a pas disparu de ma vie, au contraire il en fait maintenant pleinement partie. Il ne me fait plus peur. Il annonce une surprise, une nouveauté et parfois même une aventure. Il ne me fait plus marcher, je marche avec lui.
J’ai appris à vivre avec.
Il y a bien d’autres choses avec lesquelles je gagnerais à devenir ami : l’inconnu, le célibat, les maux de tête et les opinions contraires aux miennes.
Il y a bien d’autres choses avec lesquelles notre monde apeuré devrait apprendre à vivre aussi : les accidents, les ados, la vieillesse, les virus et la mort. Des choses qu’on ne pourra jamais contrôler parfaitement.
Et ce n’est pas si dramatique. Parce que « quand on arrête de faire des choses pour aller bien, on va beaucoup mieux. »