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À quoi diable servent les chrétiens ?

« À quoi diable servent les chrétiens s’ils ne peuvent pas vous venir en aide quand vous avez mal? » C’est la question qui tue. La question qui tue littéralement. C’est la question qui a tué Aaron Driver le 10 août dernier.

Une souffrance abandonnée

Le Toronto Star rapportait cette semaine une entrevue inédite obtenue l’an dernier avec le jeune Aaron Driver. Aaron Driver qui a été abattu par les policiers alors qu’il préparait un attentat terroriste. Aaron Driver qui venait d’une famille chrétienne, mais qui s’est converti à l’Islam radical. Radical au point de rendre souffrance pour souffrance, selon la loi du talion.

Ce qui m’a saisi c’est la question qu’a posée Aaron à son père après la mort de sa mère alors qu’il était encore enfant. “What the hell good are Christians if they can’t help you when you’re hurting?”

Ce serait cette souffrance inapaisée, cette souffrance inaccueillie, cette souffrance abandonnée à elle-même qui aurait été à l’origine de la perte de sa foi chrétienne et de sa recherche d’une religion meilleure. Driver aurait-il trouvé le baume qu’il cherchait dans l’Islam?

Aucun doute qu’il n’a certainement pas trouvé le baume caché dans les plaies du Christ.

L’échec d’un christianisme vapoteux

C’est une réelle question à se poser dans nos examens de conscience. À quoi je sers pour ceux qui souffrent? Quel échec que des chrétiens ne soient pas des champions de la compassion et de la consolation! Quel échec que la religion de la Croix ne puisse toucher celui qui s’y sent cloué!

À force de proposer un christianisme édulcoré, le crucifié est devenu aspartamique.

À force de proposer un christianisme édulcoré, le crucifié est devenu aspartamique. Cachez-moi cette souffrance que mes yeux hypocrites ne sauraient voir! Mon Jésus est amour, paix et joie. (Ne me parlez surtout pas de ce qui précède la résurrection, ni de ce qui suit la Pentecôte.)

On a décloué les mains du Christ au-dessus des autels et du coup les chrétiens ne servent plus à rien. On ne vapote pas avec le Christ, on brule pour lui. Car c’est par ses blessures que nous sommes guéris. (Is 53,5 ; 1P 2,24) Car c’est seulement si nous souffrons avec lui qu’avec lui nous règnerons. (2Tm 2,12)

L’un retourne à Dieu et l’autre s’en détourne. Tous deux parce qu’ils souffrent. Quelle différence? La différence tient dans la manière dont on contemple la Croix. Révélation d’amour, d’impuissance ou d’indifférence ?

Serviteurs inutiles

Si Aaron a été déçu des chrétiens, ce n’est pas très étonnant. Ils sont et seront toujours des pauvres pécheurs. Les chrétiens seront toujours des serviteurs inutiles. (Lc 17,10)

Mais Aaron n’aurait jamais pu être déçu de celui qu’ils servent. Le Christ qui ne diminue pas la misère. Le Christ qui ne cache pas la laideur. Le Christ qui, parce qu’il a souffert jusqu’au bout l’épreuve de sa Passion, est capable de porter secours à ceux qui subissent une épreuve. (Hb 2,18)

Quand la miséricorde est ignorée, la justice devient la seule solution au problème du mal. Si la mort n’est pas pardonnée, elle sera redonnée.

Mais si la vie est donnée, si les chrétiens vivent leur impuissance et leur inutilité avec la grâce d’être de véritables témoins de la croix du Christ, alors, les Aaron Driver ne se demanderont plus « à quoi diable servent les chrétiens ? ».

Simon Lessard

Simon aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps. Responsable des partenariats pour le Verbe médias, il est diplômé en philosophie et théologie.