Le sacrifice d'Isaac (Pixabay -CC)
Le sacrifice d'Isaac (Pixabay -CC)

Tous en Abraham

« L’histoire humaine regorge de religions différentes et opposées. Il n’est pas raisonnable de prétendre que l’une de ces innombrables religions est la seule vraie religion. »

Voilà l’une des objections les plus communes à l’encontre de la foi chrétienne.

Un fait est incontestable : les religions humaines sont nombreuses et variées. On peut en dénombrer des milliers au fil de l’histoire. Si on s’attendait à ce que Dieu se révèle en ne permettant l’existence que d’une seule religion, il est facile de conclure que Dieu n’existe pas.

Cependant, les religions n’ont pas toutes prétendu être la seule vraie religion. Au contraire, presque toutes les religions demandent à leurs fidèles de les accepter comme étant vraies mais elles ne se prononcent pas sur les autres religions. Dans plusieurs cas, elles reconnaissent que les autres religions sont des voies également légitimes.

Du point de vue chrétien, on ne prétend pas que les milliers de religions historiques sont toutes des inventions sans valeur; on soutient plutôt qu’elles sont des mythes et que le christianisme est le vrai mythe.

Ce que vous révérez sans le connaître, c’est ce que je vous annonce.

Actes 17, 23

Si certaines religions historiques ont été hostiles au christianisme, c’est parce que le christianisme nie qu’elles sont vraies: pas parce que ces religions nient que le christianisme est vrai.

Ainsi, les polythéistes grecs ou égyptiens, les bouddhistes et les hindouistes orientaux et les animistes amérindiens pratiquent chacun leur religion sans prétendre que la Terre entière devrait la pratiquer. Lorsque ces religions sont impliquées dans des conflits violents, c’est davantage à cause de leurs attaches ethniques qu’à cause de leurs préceptes spirituels.

Monothéismes

Par contraste, on trouve les trois grandes religions monothéistes : le judaïsme, le christianisme et l’islam. Ces trois religions prétendent être la seule vraie religion. En conséquence, elles produisent parfois des dérives politiques ou conquérantes.  On peut penser au terrorisme musulman, au sionisme juif ou aux croisades chrétiennes. On ne peut pas réduire ces conflits à des enjeux ethniques ; les motivations religieuses en sont une composante essentielle.

À plusieurs égards, les trois religions monothéistes sont bel et bien des adversaires irréconciliables. Jésus est le Messie pour les chrétiens, un prophète pour les musulmans et un imposteur pour les juifs. Mahomet est le dernier prophète pour les musulmans alors qu’il est un imposteur pour les chrétiens et pour les juifs. Les juifs, les chrétiens et les musulmans n’accordent pas leur confiance aux mêmes personnes ni aux mêmes textes sacrés.

Abraham

Malgré tout, ces trois religions partagent une origine commune : elles se réclament toutes d’Abraham. Elles affirment toutes que leur histoire commence avec Abraham. En science des religions, le judaïsme, le christianisme et l’islam sont qualifiés de religions « abrahamiques ». Abraham constitue un point commun si important qu’il justifie un adjectif!

Il s’agit d’un signe immense. Pour bien reconnaître ce signe, il convient de considérer les deux affirmations suivantes avec sérieux, et même de les méditer :

  • toutes les religions qui prétendent être la seule vraie religion et aspirent à convertir la Terre entière se réclament d’Abraham;
  • aucune religion ne prétend être la seule vraie révélation de Dieu sans trouver ses origines dans Abraham.

Cela est extraordinaire. Inattendu. Improbable. Inexpliqué. Si, comme le supposent plusieurs sceptiques, les religions ne sont rien d’autre que des fabulations superstitieuses, diverses religions prétendant être la seule vraie religion auraient dû émerger d’un peu partout à travers le monde et exercer une certaine emprise sur l’histoire humaine. Comment se fait-il que seules les religions se réclamant d’Abraham eurent une véritable emprise sur l’histoire humaine en prétendant être la seule vraie religion?

Déploiement historique

Les trois religions abrahamiques ne sont pas seulement extraordinaires à cause de leur prétention exclusive et de leur origine commune : elles sont également extraordinaires à cause de leur déploiement historique. Toutes les autres religions sont intimement liées à leur culture d’origine : elles sont nées au sein d’une culture, elles se sont répandues au sein de cette culture et elles disparaissent avec cette culture. Tout déploiement à l’extérieur de leur culture d’origine a été lent et limité.

De façon radicalement distincte, le christianisme et l’islam se sont rapidement répandus à travers d’innombrables cultures et recoupent aujourd’hui la moitié de l’humanité. À part le christianisme et l’islam, aucune religion ne s’est répandue, en quelques siècles, à travers les peuples et à travers les continents. Cela est inédit dans l’histoire humaine.

On peut objecter que l’expansion rapide de ces deux religions s’explique par leurs ambitions politiques et par leurs conquêtes militaires.

D’une part, cette objection est fausse si on considère les premiers siècles du christianisme; celui-ci était persécuté par l’Empire romain.

D’autre part, cette objection est circulaire. En effet, on peut alors poser la question : pourquoi est-ce que seules ces deux religions se sont répandues ainsi? Pourquoi les fidèles des autres religions n’ont pas tenté de propager leur piété en utilisant des moyens politiques et militaires? Cette objection procure une explication partielle quant aux moyens de l’expansion, mais aucune explication quant à la cause de l’expansion.

Aucune autre religion n’a survécu et prospéré comme le judaïsme en l’absence d’une terre d’accueil.

Au fond, le constat est toujours le même : ces deux religions se sont déployées de façon unique dans l’histoire humaine et la cause de ce déploiement unique est inexpliquée.

Le judaïsme constitue lui aussi une exception historique, quoique sur un autre registre. D’une part, la confusion entre le peuple juif et la religion juive est singulière dans l’histoire humaine. Aucun autre peuple n’est confondu avec une religion; aucune autre religion n’est confondue avec un peuple.

Aussi, aucune autre religion n’a survécu et prospéré comme le judaïsme en l’absence d’une terre d’accueil. Les juifs ont été exilés et persécutés durant des millénaires, et pourtant ils ont préservé leur foi et leurs traditions. En fait, les juifs ont non seulement survécu et prospéré, ils ont aussi connu un succès inégalé dans le monde de la culture, de la finance et de la science. À titre d’illustration : les juifs représentent 0,2% de la population mondiale et ils comptent 20% des titulaires de prix Nobel.

Les juifs forment sans contredit un peuple extraordinaire.

Diversité et unicité

On peut donc arriver à deux conclusions certaines.

Premièrement, seules les trois religions dont les origines se trouvent dans Abraham eurent une emprise sur l’histoire en prétendant être la seule vraie religion fondée par Dieu lui-même. Deuxièmement, ces trois religions se sont déployées dans l’histoire de façon extraordinaire et inédite.

Ces deux certitudes ne permettent pas de conclure que l’une de ces religions est la vraie religion fondée par Dieu. Au contraire, les témoignages incompatibles de ces trois religions s’objectent les uns aux autres. Mais la diversité religieuse n’est pas l’argument qu’il paraissait être. Il n’y a pas des milliers de religions qui ont prétendu être la seule vraie religion, il y en a trois. Trois religions qui partagent une origine commune et dont le déploiement historique est inédit.

Si on ne peut pas imaginer que Dieu se révèle dans l’histoire humaine, aucun argument historique ne pourra susciter un questionnement. Mais si on envisage la possibilité que Dieu se soit manifesté à travers une religion au sein de l’histoire, il l’a certainement fait à travers l’une des trois religions abrahamiques.

Si Dieu s’est révélé à l’humanité, il l’a certainement fait à travers Abraham.

Sylvain Aubé

Sylvain Aubé est fasciné par l’histoire humaine. Il aspire à éclairer notre regard en explorant les questions politiques et philosophiques. Avocat pratiquant le droit de la famille, son travail l’amène à côtoyer et à comprendre les épreuves qui affligent les familles d’aujourd’hui.