Halloween
Image: Marie-Pier LaRose /Le Verbe

La portée symbolique de l’Halloween

L’automne est déjà bien entamé. Finies, les journées chaudes et les soirées ensoleillées. Dans quelques semaines, il y aura déjà beaucoup de neige…

En Occident en 2022, on ne s’en fait pas tant que ça quand l’hiver arrive. Ce sera un peu embêtant, mais on ne manquera pas de nourriture et nous resterons au chaud.

Pour nos ancêtres du nord de l’Europe cependant, la situation était plus inquiétante. La récolte avait-elle été assez bonne pour passer à travers l’hiver ? Est-ce que le froid serait trop rude pour nos ainés et nos enfants ? Bref, on entrevoyait la mort arriver.

Triduum

Comment se prépare-t-on quand la mort arrive ? C’est entre autres pour répondre à cette question que l’Église médiévale a déplacé la fête de la Toussaint, précédemment célébrée en mai, le 1er novembre. Pour les chrétiens du Moyen-Orient, la saison était chaude de toute façon. Mais avec la place de plus en plus importante que prenait l’Europe dans la chrétienté, la nouvelle date tombait sous le sens.

La Toussaint venait rappeler aux chrétiens occidentaux la bonne attitude à avoir devant la mort qui arrivait. Il faut imiter les saints, car ils ont su changer la mort en gloire.

À cette fête s’est ajoutée la fête de tous les fidèles défunts le 2 novembre, où l’on prie pour que tous triomphent également de la mort. Et pour compléter le triduum, on a ajouté une vigile la veille de la Toussaint, maintenant appelée Halloween (de l’anglais « Hallows’ Eve »).

Pratique monstrueuse

Et si la solution au problème de la mort reste ultimement Pâques et par extension, la Toussaint, l’Halloween est quand même une fête importante pour s’exercer à résister à la mort. C’est dans cette optique que nos traditions d’Halloween sont intelligibles.

C’est comme un gros jeu : d’un côté, il y a des gens qui se déguisent en monstres et qui emportent la mort, et de l’autre il y a des gens qui y résistent.

Ceux qui se déguisent en monstre et importunent le quartier apprennent, de l’intérieur, à voir comment les monstres opèrent.

De plus, ils apprennent aussi à mieux se connaitre eux-mêmes en voyant ce qu’il y a de monstrueux chez eux. Si un gars passe une semaine à préparer son costume de zombie, par exemple, ça vaut la peine de se demander d’où vient cette motivation. Qu’y a-t-il chez le zombie qui l’attire autant ?

Résister

Mais il n’y a pas que les gens déguisés qui terrorisent le quartier qui apprennent quelque chose à l’Halloween. Ceux qui restent chez eux pratiquent aussi quelque chose d’important.

Quand un monstre vient nous visiter chez nous, on ne veut évidemment pas l’inviter à l’intérieur. Alors on a le choix : on lui donne un petit quelque chose pour qu’il s’en aille, ou bien on essaie de le chasser complètement sans rien lui donner. Mais il faut faire attention, si on le chasse, peut-être qu’il reviendra avec des amis pour nous jouer un tour beaucoup plus grave.

C’est une expérience que nous faisons tous les jours, pas juste le 31 octobre.

Par exemple, supposons que j’ai un problème de gourmandise qui est récemment devenu un problème de poids. Quand je termine un repas et qu’arrive le temps du dessert, la gourmandise se présente à moi. Idéalement, je devrais juste la chasser. Mon repas est terminé et je dois perdre du poids, alors je devrais m’arrêter là.

Mais je sais que, si je fais ça, la gourmandise risque de revenir d’autant plus forte en fin de soirée, et que je risque alors de céder d’autant plus. Je décide donc de faire un compromis: je mange quelques fruits séchés, et la gourmandise me laisse tranquille pour la soirée.

Gargouilles

Dans le même ordre d’idée, une autre chose qu’on fait pour se défendre des monstres, c’est d’ériger des défenses. On décore notre maison avec des citrouilles apeurantes ou avec d’autres symboles de mort afin de repousser les monstres. C’est comme mettre des gargouilles à l’extérieur des églises pour éloigner les démons.

Pour prendre un exemple à l’échelle individuelle, on peut penser à un vaccin. On s’injecte une version contrôlée et affaiblie d’un virus pour nous protéger du virus lui-même. Ou encore, pensons à un ex-alcoolique qui garde sur lui un souvenir du moment où il a touché le fond du baril. C’est un souvenir de chute pour se protéger des rechutes.

Et évidemment, c’est le rôle que joue toujours l’Halloween aujourd’hui. Même dans notre société séculière, nous conservons les rituels de l’Halloween afin de donner une place contrôlée à la mort le 31 octobre, pour mieux la tenir à distance le reste de l’année.

Jean-Philippe Marceau

Jean-Philippe Marceau est obtenu un baccalauréat en mathématiques et informatique à McGill et une maitrise en philosophie à l'Université Laval. Il collabore également avec Jonathan Pageau au blogue « The Symbolic World » et à sa chaine YouTube «La vie symbolique».