Le 9 novembre dernier, au petit matin, Donald J. Trump devenait le 45e président des États-Unis. Cette élection, qui fut une surprise pour plusieurs, est révélatrice pour les raisons mêmes qui la rendirent imprévisible aux experts.
Ce n’est pas un hasard si bon nombre d’articles écrits après l’élection n’ont pas seulement disserté sur celle-ci. Ils se sont, en effet, penchés sur le mirage qu’a représenté, à bien des égards, la couverture médiatique de cette campagne.
Comment les médias et sondeurs ont-ils pu se tromper à ce point ? Bien sûr, cette stupéfaction générale s’explique en partie par la marge d’erreur des sondages et du type d’information programmé par les algorithmes.
Par contre, au Québec, cette consternation s’explique aussi par un certain biais idéologique des médias de masse. J’ai déjà écrit sur les effets politiques de la peur. Selon moi, elle a des conséquences jusque dans la marge de manœuvre du « politiquement acceptable » qui est de plus en plus mince au Québec, et c’est la raison principale de l’aveuglement collectif de nos élites politicomédiatiques.
Des médias obnubilés
La neutralité politique des médias est encore un mythe à déconstruire au Québec. Le simple fait que l’on s’étonne que les médias se soient presque tous trompés montre que ces derniers, sauf exception, avaient un biais pro-Hillary.
Une telle erreur aurait-elle été possible si le point de vue républicain avait été correctement représenté et expliqué ? Si l’on avait su inviter sur les plateaux télé et dans les journaux des personnalités connaissant bien les différents courants conservateurs américains, aurait-on pu éviter une telle déconfiture ?
Le rôle de l’analyste politique consiste à décortiquer les personnalités, les enjeux, la justesse et la faisabilité des programmes dans un cadre historique, géographique, culturel et démographique donné.
Comment n’ont-ils pas pu percevoir ce que le démocrate notoire Michael Moore avait perçu?
Tel un jeu d’échecs, la mission des médias est de nous présenter cette réalité tout en manifestant les raisons et le poids des intérêts divergents qu’elle sous-entend. Comment n’ont-ils pas pu percevoir ce que le démocrate notoire Michael Moore avait lui-même perçu?
Contrairement au scénariste américain, les analystes québécois n’ont pas su regarder la réalité en face. Ils n’ont pas su distinguer entre leur préférence personnelle et l’analyse objective, entre un souhait et un pronostic.
Psychologie de l’analyste progressiste
D’où vient un si grand manque de professionnalisme?
Cela provient de l’ancrage idéologique du progressisme québécois devenu « religion politique » et qui s’est exprimé de deux manières.
D’un côté, il y a les commentateurs qui, habitués à déguiser leurs propres allégeances politiques en analyses « objectives », ont voulu, dans ce cas-ci, enlever toute ambigüité ou association possibles avec le camp Trump en ne rapportant que ce qui était contre lui.
De l’autre, il y a ceux qui sont incapables de considérer la possibilité d’une action politique non idéologiquement conforme au progressisme. En effet, devant l’impensable, l’ignoble, l’irréel ou, en termes plus progressistes, le « retour en arrière », la crainte s’est installée avec sa conséquence habituelle au Québec : le déni.
L’analyste politique québécois moyen s’est donc inconsciemment réfugié dans des pronostics en cohérence avec son profond désir de ne pas assister à l’élection de Trump. Ils ont ainsi, d’une certaine façon, passé sous silence l’existence de tous les signes qui pointaient vers son élection.
Réconfortés par le portrait qui découlait de leur sélection arbitraire des innombrables et réels indices portant vers l’élection d’Hillary, ils n’ont pas su prévoir ce qui avait tout autant de chances d’arriver.
La paralysie se poursuit
Comme si l’humiliation des médias suite à la défaite d’Hillary n’était pas assez, les nouveaux pronostics tendent à diminuer la motivation du président élu à mettre ses promesses à exécution. Contrairement au maire Régis Labeaume qui, au sujet de la construction du mur, semble avoir l’opinion la plus réaliste, d’autres persistent dans le confort de leur illusion conceptuelle.
Ainsi, ceux-là mêmes qui décriaient la dangerosité d’une élection de Trump tendent aujourd’hui à relativiser ce qui était leur opinion, il y a pas si longtemps.
La vérité vous rendra libres.
Jn 8,32
Durant la campagne présidentielle, les médias ont beaucoup accusé Donald J. Trump de jouer sur la peur. Son élection semble avoir le même effet. Loin de nier l’efficacité de cette stratégie démagogique, il me semble qu’elle ait d’abord, non pas tant effrayé l’électorat américain que les médias eux-mêmes. Or, comme j’espère l’avoir démontré, cette crainte ne m’apparait pas être le sentiment le plus approprié pour offrir l’importante et nécessaire analyse de ce qui s’en vient.
« N’ayez pas peur » disait saint Jean-Paul II.
Loin du déni de réalité auquel nous avons pu assister durant la campagne électorale américaine 2016, les médias et les politiciens du Québec doivent au contraire faire preuve d’une grande lucidité. Espérons que cette leçon d’humilité soit assez forte pour libérer nos médias des œillères idéologiques dans lesquelles ils sont présentement enfermés.