Photo: Foundry (Pixabay -CC)
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Se « salir les mains » sans vendre son âme

À l’occasion de Pâques, Denise Bombardier publiait une chronique sur « une Église en déroute » dans laquelle elle exposait ce qu’elle considère être une perte pour l’ensemble de la société québécoise.

En effet, de son point de vue, l’identité culturelle du Québec étant intimement liée à la foi catholique, le déclin de l’Église devrait inquiéter et questionner ceux qui sont attachés à l’identité québécoise. Devant l’ouverture de cette école de pensée dite « conservatrice » au patrimoine culturel de l’Église au Québec, certains chrétiens y ont vu une récupération idéologique et politique « dangereuse » dont il faudrait, à tout le moins, se méfier.

Sommes-nous devant une instrumentalisation du patrimoine religieux au profit d’un nationalisme en perte de vitesse et prêt à toutes les alliances pour survivre ? Ou, d’un autre côté, certains catholiques se laisseraient-ils prendre au jeu de la nostalgie, voyant dans l’intérêt renouvelé de certains acteurs de la vie publique québécoise une possibilité de retrouver une partie de la gloire perdue ?

Il existe néanmoins d’autres perspectives, plus conformes aux inspirations d’une Église missionnaire.

Bien que ces risques soient possibles, il existe néanmoins d’autres perspectives, plus conformes aux inspirations d’une Église missionnaire, comme celle souhaitée par le pape François. D’autres perspectives qui nous permettent de considérer ce nouveau phénomène et d’entrer en relation avec ses acteurs.

Une Église qui accueille et accompagne

Devant ce « nouvel enthousiasme » d’un certain nationalisme québécois envers le catholicisme, comment doit-on réagir ? Il est évident qu’on doit toujours garder une fidélité absolue aux grands principes de la Doctrine sociale de l’Église et du Magistère, de « garder – comme disait le bienheureux Paul VI – inaltérable le contenu de la foi catholique » (no 65).

Cela dit, les partenaires et interlocuteurs sociaux ne sont que très rarement portés à donner un tel assentiment, d’où l’importance, d’une part, d’un dialogue commun cherchant les points de convergence là où il y en a et, d’autre part, d’une recherche respectueuse des meilleures solutions là où il n’y en a pas.

Dans le cas qui nous intéresse, doit-on rejeter les convergences d’intérêt pour les manifestations culturelles que notre foi a laissées dans l’histoire du Québec sous prétexte que ces interlocuteurs seraient motivés par des intentions qui ne seraient pas à la hauteur de ce qu’elles représentent ?

Sans être naïve, une Église qui accueille et accompagne n’est pas d’abord méfiante, mais confiante.

D’abord, n’est-ce pas là faire un procès d’intention ? De plus, on ne peut exiger qu’un interlocuteur ait la foi et qu’il touche par son intelligence et sa volonté, cette réalité métaphysique qu’est la plénitude du Mystère pascal.

Au contraire, sans être naïve, une Église qui accueille et accompagne n’est pas d’abord méfiante, mais confiante. Elle est soucieuse de prendre les gens où ils sont et de cheminer avec eux en manifestant le désir d’éternité qui se trouve dans les aspirations les plus fondamentales de l’être humain. (GS, no 9.3).

Comme le dit Gaudium et Spes : « Les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des hommes de ce temps, des pauvres surtout et de tous ceux qui souffrent, sont aussi les joies et les espoirs, les tristesses et les angoisses des disciples du Christ, et il n’est rien de vraiment humain qui ne trouve écho dans leur cœur ». (GS, No 1)

Les mains sales…

Loin de toute attitude de préservation d’une pseudo-pureté spirituelle qui dédaigne ce que certains considèrent comme des alliés encombrants, l’Église du Québec ne doit pas avoir peur, à l’invitation de François, de se « salir les mains avec ceux qui sont éloignés, même jusqu’à risquer sa réputation », comme un jardinier qui doit travailler la terre pour qu’elle porte fruit.

Doit-on rejeter ces intuitions, qui, bien qu’imparfaites, ont tout le potentiel de la « graine de moutarde » (Mt, 13, 31) ?

Par ailleurs, les catholiques du Québec se sont depuis longtemps investis dans d’innombrables œuvres caritatives et sociales sans que ces dernières partagent entièrement l’horizon du credo. Qui sommes-nous pour juger que les raisons de l’attachement ne sont pas d’authentiques « semences du Verbe » ?

Comme le disait Paul VI : « L’on sait bien d’ailleurs que le monde et l’histoire sont remplis de “semences du Verbe” : n’est-ce pas une illusion de prétendre porter l’Évangile là où il est déjà dans ces semences que le Seigneur lui-même y a jetées ? (no 80)

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Une université de la rencontre

Cette année, du 9 au 12 juin, l’Observatoire Justice et Paix, organise une université d’été à la paroisse Saint-Thomas d’Aquin de Québec avec le double objectif, de se donner les moyens d’aller plus loin dans la réflexion sur la doctrine sociale de l’Église et de la guérison de la mémoire au Québec dans une dynamique de formation dans une ambiance conviviale. Au programme, des invités de marque, dont Louis-André Richard, Serge Gagnon, Denis Vaugeois, Éric Bédard, Mathieu Bock-Côté, Aubert Martin, vous présenteront le fruit de leur réflexion sur le thème « Une identité réconciliée ».

Pour de plus amples informations, vous pouvez contacter les organisateurs par courriel à l’adresse: observatoire.justice.paix@gmail.com.

L'Observatoire Justice et Paix

L’Observatoire Justice et Paix est un regroupement de citoyen(ne)s catholiques intéressés par les grands enjeux et débats qui animent la société québécoise et canadienne. Il se veut un lieu de réflexion, de formation et d’intervention sur les questions politiques et sociales contemporaines, le rapport entre la culture et la foi, ainsi que sur l’Église dans le monde de ce temps.