Photo: Jonathan Kho (unsplash.com).
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Le seul vrai secret pour réussir son carême

Le carême est reparti! Nous amorçons nos 40 jours d’entrainement annuel au combat spirituel par trois exercices fondamentaux: jeûne, prière et aumône. Un trio testé par les « extrémistes » de la sainteté au désert et qui est censé nous rendre plus forts pour lutter contre l’esprit du mal. Un trio inséparable.

Quand nous jeunons, nous prions avec notre corps. Or, de même que l’âme et le corps sont un, de même, la prière du corps et de l’âme doivent toujours être unies. Qui abandonne le jeûne devient rapidement un homme divisé en lui-même. Sa prière risque d’être déconnectée de la réalité, de ne jamais s’incarner dans des actions concrètes et de rester au stade des idées et des intentions.

Si le jeûne doit toujours être uni à la prière, ils devraient aussi tous deux s’associer à l’aumône. Les bonnes œuvres ne remplacent pas le jeûne, pas plus que la prière. Nul ne peut dire: « Je ne prie pas, car je remplace la prière par des services. » De même, nul ne peut dire: « Je ne jeûne pas, parce que je prie et fais des bonnes œuvres à la place. » Ces trois choses font équipe et s’entraident les unes les autres.

Celui qui jeûne prie plus facilement et celui qui jeûne et prie fait davantage de bonnes œuvres.

Le secret du carême

Cette union entre jeûne, prière et aumône est aussi le grand secret pour vivre chaque année un carême fructueux. Tous les mercredis des Cendres, nous lisons ce texte de Jésus où il nous invite à pratiquer dans l’humilité ces trois exercices spirituels. Mais ce qu’il importe de bien voir c’est la manière de lier les trois.

D’abord, jeuner, puis prier. Ensuite, faire l’aumône.

Je commence donc par jeuner et en jeunant je sauve beaucoup de temps. Si vous saviez comme on gagne du temps quand on n’a pas à faire les courses, à cuisiner, à manger et en plus à faire la vaisselle! J’estime qu’un jour de jeûne on gagne entre 3 et 4 heures!

Mais alors avec tout ce temps supplémentaire créé par le jeûne, on peut l’utiliser pour prier plus.

Nous disons souvent manquer de temps pour prier. Eh bien jeunons et nous n’aurons plus d’excuse pour ne pas prier. Le temps gagné par le jeûne est du temps gratuit, du temps que l’on n’aurait pas autrement, du temps bonus où il est facile de se retirer pour prier puisque les autres sont occupés à manger.

Et l’aumône ?

Ensuite, faire l’aumône. Mais quand je jeûne, non seulement je sauve du temps, mais je sauve aussi beaucoup d’argent! J’évalue que l’on sauve environ 100$ par mois si l’on jeûne 2 jours par semaine. Et avec tout cet argent, je peux faire l’aumône.

Un chrétien du début du Moyen-Âge, Rathier de Vérone, disait: « Ceux qui ne partagent pas avec les pauvres ce qu’eux-mêmes n’ont pas pu manger, jeunent mal et gardent pour leur bouche, ou pire encore, pour Mammon, le mauvais esprit de l’avarice. »

Souvent l’on pense que notre budget est trop serré pour faire des aumônes régulières et significatives. Mais si je jeûne, alors l’argent que j’épargne est de l’argent dont je n’ai normalement pas besoin pour vivre.

Le jeûne me libère de toutes mes excuses pour ne pas faire d’aumônes.

Encore une fois, le jeûne me libère de toutes mes excuses pour ne pas faire d’aumônes.

Je peux même utiliser cet argent pour donner de la nourriture, ce qui est encore plus significatif comme don, car alors je donne directement ce dont je me suis privé.

Un autre chrétien du Moyen-Âge, Raoul de Poitiers, disait d’ailleurs: « Quand nous jeunons, nous invitons à notre table le Christ dans les pauvres. »

Comme les premiers chrétiens

Cette manière de lier jeûne, prière et aumône n’est pas une invention moderne, mais un retour à une pratique de l’Église de l’Antiquité.

En effet, le jeûne des premiers chrétiens était toujours destiné à l’aumône.

Aristide, un non-croyant, avait observé cette pratique des premières communautés chrétiennes et la décrit dans une lettre à son roi païen Hadrien: « Quand parmi les chrétiens il s’en trouve qui sont pauvres et ont besoin d’aide, alors d’autres jeunent deux ou trois jours, ensuite ils ont pour habitude de leur envoyer leur propre nourriture. »

Le pasteur d’Hermas vers l’an 150 expliquait ainsi à ses brebis comment jeuner:

« Durant cette journée de jeûne, tu ne prendras rien d’autre que du pain et de l’eau. Ensuite tu calculeras le prix que t’aurait couté la nourriture et tu le donneras à une veuve, un orphelin ou un pauvre. Donc tu feras le sacrifice de quelque chose afin de permettre à d’autres de bénéficier de son fruit. Il pourra se rassasier, priera pour toi, et ton sacrifice sera cher au Seigneur. »

En somme, comme s’exclamait le pape saint Léon le Grand: « Que le jeûne des fidèles devienne la nourriture des pauvres! » Voilà le vrai secret du carême.

Simon Lessard

Simon aime entrer en dialogue avec les chercheurs de vérité et tirer de la culture occidentale du neuf et de l’ancien afin d’interpréter les signes de notre temps. Responsable des partenariats pour le Verbe médias, il est diplômé en philosophie et théologie.