In memoriam: l’équipe du Verbe médias est attristée d’apprendre le décès de Benoît Boily, ptre, survenu le 5 juin 2023. Collaborateur de longue date, l’abbé Benoît a siégé durant de nombreuses années sur le conseil d’administration du Verbe. En publiant ce texte en ligne, nous souhaitons rendre hommage à un homme qui, tout comme le psalmiste, n’a jamais cessé de proclamer les merveilles de Dieu.
Un texte écrit par Benoît Boily, ptre et ses collaborateurs
Étienne Marceau, Louis Thériault et Olivier Gagnon,
à l’occasion du numéro spécial au printemps 2017
Le Verbe a demandé à l’abbé Benoit Boily et à trois jeunes qui le connaissent bien de regarder ensemble le psaume 70*, aussi appelé «Prière d’un vieillard».
En toi, Seigneur, j’ai mon refuge:
garde-moi d’être humilié pour toujours.
Dans ta justice, défends-moi, libère-moi,
tends l’oreille vers moi, et sauve-moi.
Sois le rocher qui m’accueille,
toujours accessible;
tu as résolu de me sauver:
ma forteresse et mon roc, c’est toi!
Mon Dieu, libère-moi des mains de l’impie,
des prises du fourbe et du violent.
Seigneur, mon Dieu, tu es mon espérance,
mon appui dès ma jeunesse.
Toi, mon soutien dès ma naissance,
tu m’as choisi dès le ventre de ma mère;
tu seras ma louange toujours!
Pour beaucoup, je fus comme un prodige;
tu as été mon secours et ma force.
Je n’avais que ta louange à la bouche,
tout le jour, ta splendeur.
Qui est Dieu?
Pour le vieil ami, qui est Dieu?
La première partie du psaume nous présente Dieu sous diverses appellations: refuge/forteresse; roc/rocher; espérance/secours; soutien/force. Il peut avoir entièrement confiance, il sait qu’il ne sera pas déçu.
Cette image de Dieu, le vieillard l’a gravée en lui dès sa jeunesse. Même dès avant sa naissance, il se sait soutenu, et même appelé dès le ventre de sa mère. Il est un signe, un prodige: voilà pourquoi sa bouche est remplie de louange.
En scrutant notre vie, qui de nous ne peut faire siennes les paroles de ce psaume? Celui qui nous a créés est celui qui s’intéresse toujours à nous, qui nous regarde des cieux où il habite et qui a surement hâte de nous associer à sa vie.
À l’approche de la mort, plusieurs personnes âgées se sentent humiliées à cause de leurs erreurs, de leurs péchés; d’autres se savent abusées par leur entourage. Mais il n’en manque pas qui s’appuient sur le Seigneur et qui redécouvrent la foi de leur jeunesse. Notre mission à nous, les jeunes, c’est de leur venir en aide: ce qui n’est que justice et retour du pendule.**
Ne me rejette pas
maintenant que j’ai vieilli;
alors que décline ma vigueur,
ne m’abandonne pas.
Mes ennemis parlent contre moi,
ils me surveillent et se concertent.
Ils disent: «Dieu l’abandonne!
Traquez-le, empoignez-le, il n’a pas de défenseur!»
Dieu, ne sois pas loin de moi;
Mon Dieu, viens vite à mon secours!
Qu’ils soient humiliés, anéantis
ceux qui se dressent contre moi;
qu’ils soient couverts de honte et d’infamie,
ceux qui veulent mon malheur!
Réalisme de sa demande
Vient un moment où l’être humain sent le poids de ses années, la maladie le gagne petit à petit, diverses parties de son corps fonctionnent moins bien; comme une vieille voiture, la rouille envahit les pièces. Le danger: se sentir rejeté. Alors monte la prière: « Ne me rejette pas!»
Est-ce là les vrais ennemis? Il y en a de pires. Les prétendus fins connaisseurs qui se permettent de reprendre à temps et à contretemps; puis les personnes qui ignorent leurs ainés; ceux qui veulent les réduire en les mettant de côté, ceux qui les exploitent. L’ami de Dieu fait appel: «Viens vite à mon secours!»
Un autre ennemi: la société qui accepte trop facilement ce qu’elle a appelé «mourir dans la dignité», et qui n’est autre que l’euthanasie; ce sont les vieux qui en font les frais. Notre véritable dignité, c’est d’être des créatures de Dieu, et c’est à lui, et à lui seul, de nous faire signe quand il voudra nous faire partager sa vie divine.
Et moi qui ne cesse d’espérer,
j’ajoute encore à ta louange.
Ma bouche annonce tout le jour
tes actes de justice et de salut;
(je n’en connais pas le nombre.)
Je revivrai les exploits du Seigneur
en rappelant que ta justice est la seule.
Mon Dieu, tu m’as instruit dès ma jeunesse,
jusqu’à présent, j’ai proclamé tes merveilles.
Homme de louange
La prière du vieil homme l’amène à la louange au souvenir des merveilles reçues du Seigneur. Il entrevoit même de nouveaux exploits, plein d’espérance. À la question posée à un vieillard: «Quel fut le plus beau moment de votre vie?» il répondit: «C’est ce qu’il me reste à vivre!» (citation d’un inconnu).
Reconnaissant de ce qu’il a reçu, il ne tarit pas d’éloges envers son Dieu qui l’a instruit dès sa jeunesse: il peut proclamer ses merveilles.
Le vieillard n’a pas perdu son espérance. Il profite du recul que lui permet son grand âge pour constater comment le Seigneur a été bon avec lui et comment il pourra passer encore dans des situations difficiles.
Aux jours de la vieillesse et des cheveux blancs,
ne m’abandonne pas, ô mon Dieu;
et je dirai aux hommes de ce temps ta puissance,
à tous ceux qui viendront tes exploits.
Si haute est ta justice, mon Dieu,
toi qui as fait de grandes choses:
Dieu, qui donc est comme toi?
Toi qui m’as fait voir tant de maux et de détresses,
tu me feras vivre à nouveau,
à nouveau tu me tireras des abimes de la terre,
tu m’élèveras et me grandiras
Tu reviendras me consoler.
Encore un avenir
Contre toute attente, le vieil ami de Dieu, de sa tête que la blancheur de la neige a revêtue, sollicite le Seigneur de ne pas l’abandonner, puisqu’il a encore une mission: «Je dirai aux hommes de ce temps ta puissance, et à ceux qui viendront tes exploits.»
Lui qui a vu tant de maux et de détresses, il espère encore pouvoir vivre à nouveau, être libéré des abimes de la terre et bénéficier des grâces de son Dieu.
Il lui reste encore assez d’énergie pour témoigner de ce qu’il a vécu à ceux qu’il va rencontrer et pour ne pas garder pour lui les bienfaits reçus de Dieu. Il lui est facile de donner après tant d’années d’expérience, sûr que Dieu seul peut agir dans une vie de la sorte.
Et moi, je te rendrai grâce sur la harpe
pour ta vérité, ô mon Dieu!
Je jouerai pour toi de ma cithare,
Saint d’Israël!
Joie sur mes lèvres qui chantent pour toi,
et dans mon âme que tu as rachetée!
Alors, tout au long du jour,
ma langue redira ta justice;
c’est la honte, c’est l’infamie
pour ceux qui veulent mon malheur.
Le paradis en perspective
Les derniers versets le projettent déjà dans l’au-delà. Il vit désormais dans l’action de grâce, il se voit chantre de son Dieu sur la cithare et sur la harpe. La joie fuse sur ses lèvres, il est reconnaissant au Seigneur d’avoir racheté son âme et de l’avoir choisi pour réaliser son œuvre de justice. Puisse Dieu pardonner à ceux qui voulaient son malheur!
Le vieillard du psaume se sait pardonné pour ses fautes passées: n’est-ce pas un encouragement pour nous, pécheurs que nous sommes? De plus, en invoquant le Saint d’Israël, il se sait héritier de la promesse faite au peuple de la première Alliance: vivre éternellement!
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* La liturgie des heures, au lundi de la 3e semaine, prière du milieu du jour.
** Le présent article a été concocté par le soussigné avec l’aide de trois jeunes de 18-19 ans. Les réflexions de ceux-ci sont soulignées dans le texte par les caractères en italique.
Photo : Marie Laliberté