morts
Photo : Scott Rodgerson / Unsplash.

Où est-elle, ô mort, ta victoire ?

« Les morts sont des invisibles et non pas des absents. »
 – Saint Augustin

Je me demandais si j’allais écrire pour la Toussaint ou bien pour la commémoration des défunts1, et comme à mon habitude j’étais en retard pour l’un comme pour l’autre… J’avais donc décidé de laisser faire. Puis, il y a eu l’attentat de la Basilique Notre-Dame-de-l’Assomption à Nice, la tuerie dans le Vieux-Québec le soir de l’Halloween, et j’en passe.

Je méditais sur tous ces évènements et sur les tensions entre la France et le monde musulman, bref, plus généralement, sur ce qu’on appelle en théologie catholique le mysterium iniquitatis, le mystère de l’iniquité. Et enfin, avant d’aller me coucher hier soir, je suis tombé sur un article où l’on pouvait lire ces mots : « Écrivez-le, surtout écrivez-le que la vie est plus forte que le fanatisme ». 

Je me suis senti interpelé et j’y réponds, finalement, en écrivant ces quelques lignes. Ce sera une occasion pour chacun d’entre nous de confier le salut de nos proches défunts à Dieu, mais aussi de tous ces innocents qui viennent de la grande tribulation, et qui ont lavé leurs vêtements et les ont blanchies dans le sang de l’Agneau (Ap 7,14). 

Un tabou

Le fanatisme religieux ou autre est très certainement guidé par un instinct de mort, comme nous dirait Freud. Je dirais, osant braver le tabou qui entoure le sujet, que c’est une des machinations diaboliques les plus flagrantes, une tromperie poussée à l’extrême jusqu’à la violence et au sang. 

Cependant, j’aimerais attirer l’attention sur sa contrepartie, non moins pernicieuse, qui stigmatise et condamne, qui juge et se déculpabilise. C’est l’idée qui nous porte à croire que seul un fou peut commettre de telles atrocités, alors que l’on oublie justement une vérité fondamentale : que le diable existe et qu’il œuvre sur tous les fronts. 

Dans son poème en prose Le joueur généreux, Charles Baudelaire relate l’histoire d’une rencontre avec le diable, et ce dernier raconte, entre autres, la frousse de sa « vie » : 

[…] C’était le jour où il avait entendu un prédicateur, plus subtil que ses confrères, s’écrier en chaire : « Mes chers frères, n’oubliez jamais, quand vous entendrez vanter le progrès des lumières, que la plus belle des ruses du diable est de vous persuader qu’il n’existe pas ! »

Cependant, nous ne sommes pas des manichéens qui croient que deux forces opposées, le bien et le mal, se partagent le monde dans une bataille perpétuelle. Mais notre foi et notre espérance est que la mort a été vaincue une fois pour toutes sur la croix, et que chaque jour nous sommes invités à participer à cette résurrection et à l’annoncer au monde. Pour continuer l’extrait de saint Paul que j’ai pris pour titre : « Rendons grâce à Dieu qui nous donne la victoire par notre Seigneur Jésus Christ. » (1 Co 15, 57) 

Les saints pour les morts

J’aime le fait que l’Église célèbre la « fête des morts » juste après celle des saints, car cela nous montre que la fin première de la vie est la sainteté, et que par nos prières nous pouvons confier les âmes des défunts à la miséricorde de Dieu et qu’eux aussi peuvent intercéder pour nous qui sommes encore pèlerins sur la terre. 

C’est justement la communion des saints qui permet que l’on puisse maintenir une relation dans le Christ avec ces invisibles que sont les morts. Ne nous laissons donc pas abattre par les drames qui nous affligent et par les ruses du Malin ; il ne faut en aucun cas faire alliance avec le mal qui sévit, mais il ne faut pas non plus croire que c’est lui qui a le dernier mot.

« Ainsi, mes frères bien-aimés, soyez fermes, soyez inébranlables, prenez une part toujours plus active à l’œuvre du Seigneur, car vous savez que, dans le Seigneur, la peine que vous vous donnez n’est pas perdue. » (1 Co 15, 58)


Emmanuel Bélanger

Après avoir commencé son cursus théologique et philosophique au Liban, Emmanuel Bélanger a complété son baccalauréat en philosophie à l'université pontificale Angelicum. Sa formation se ponctue de diverses expériences missionnaires au Caire, à Alexandrie, au Costa-Rica et à Chypre.