obeissance
Illustration: Émilie Dubern/Le Verbe

L’obéissance en 6 étapes faciles

Vos tympans ont quitté le navire. Un pli permanent s’est formé entre vos yeux, témoignage de vos soucis. Vous sentez le volant vous glisser des mains; vous n’avez plus le contrôle. Le comble: votre café refroidit tranquillement et vous n’arrivez pas à l’atteindre. Parents et éducateurs qui, les deux pieds dans une surabondance vagissante, peinez à lire ceci, cet article est pour vous.

Nous établirons ensemble la séquence précise de gestes à accomplir pour (enfin!) en finir avec les cris, les demandes incessantes, la négociation, l’escalade des tensions, bref pour mettre vos enfants au pas, une bonne fois pour toutes. L’obéissance des enfants en six étapes faciles.

Maintenant que j’ai votre attention, il est bon de nous rappeler l’essentiel. L’obéissance des enfants devant leurs parents ne doit pas être poursuivie comme un absolu. Elle est surtout recherchée, car elle prépare à une fin plus élevée: obéir à Dieu. Néanmoins, cela ne veut pas dire que cette obéissance n’est qu’un fruit fortuit du ciel; il est vrai qu’elle prend d’abord racine dans l’éducation.

Pour nous démêler et nous guider dans cette réalité concrète, nous convoquerons l’ancien et le nouveau. Nous ferons dialoguer un ouvrage de l’après-guerre, L’art des arts: éduquer un enfant, écrit par le père jésuite Joseph Duhr, avec l’essai contemporain Discipline that lasts a lifetime, du Dr Ray Guarendi, psychologue et père adoptif de dix enfants. Leurs points de convergence nous éclaireront sur les six étapes à franchir.

L’autorité contre les experts

Jésus parlait avec autorité. Et vous, avez-vous autorité sur vos enfants? Ne vous éclaircissez pas la gorge, la réponse est d’emblée «oui». Si Dieu est le grand Auteur, tout parent, par nature et à sa suite, est investi, délégué de cette autorité divine vis-à-vis de ses enfants.

La sentez-vous monter, cette grande responsabilité, cette vocation qui vous est confiée d’en haut? La reconnaissance de l’autorité du parent est un point crucial, un principe d’ordre, fondement sur lequel devrait se construire toute l’éducation des enfants. Or, les experts qui pérorent en éducation poussent au contraire, consciemment ou non, vers la remise en question, voire la négation et même le mépris de cette autorité. D’un mouvement du balancier, la voix des spécialistes monte et vient couver de ses précieux conseils les parents dans le doute. De l’autre, peu à peu, l’idée même d’autorité s’efface, se recroqueville. L’obéissance? Reléguée chez les dresseurs canins. Méfiance! Ne nous laissons pas substituer.

Première étape facile: prenez garde aux experts qui vous amènent insidieusement à abdiquer! C’est votre mission et non celle des autres.

La discipline, une nécessité

«Tout le secret de l’éducation est de passer entre les deux écueils de l’autoritarisme et du relâchement» (Durh). Si le premier écueil était la tentation d’un autre siècle, le second est celui de notre époque. Attention! Certes, nos enfants ne sont pas nos esclaves, mais ils ne sont pas non plus nos camarades. Gardez-vous de votre besoin d’être aimé par vos enfants, il sert votre égoïsme et trouble votre regard éducatif! Le bien des enfants, celui qui nous préoccupe, exige en première instance un «magnifique et généreux oubli de soi» (Durh).

Entre autoritarisme et relâchement, la saine discipline imposée à l’enfant au sein du foyer est une nécessité. Poser calmement des limites strictes, s’y garder de façon constante, et tenir l’enfant responsable de ses actions, voilà ce que fait un parent qui aime son enfant. Loin de susciter chez lui un complexe d’infériorité, une discipline empreinte d’amour le sécurise à sa juste place hiérarchique, dans une subordination clairvoyante qui par ailleurs le prépare au rapport qu’il entretiendra vis-à-vis de Dieu. Du reste, «ne disciplinez pas votre enfant et vous pouvez être certains que le monde s’en chargera tôt ou tard, et avec moins de sollicitude que vous!» (Guarendi).

Deuxième étape facile: disciplinez vos enfants, ainsi vous les aimez en vérité.

La fermeté en action

La discipline, aujourd’hui souvent réduite à une attitude froide et militaire, demande à être définie. «Contrairement à l’artiste qui crée et peut dire: “Ceci est mon œuvre”, le parent est plutôt semblable au jardinier qui bêche autour du jeune plant. Il arrose, redresse, élague et protège, mais considère que c’est d’abord grâce à sa sève que la plante se développera» (Durh). Dans ce portrait, la discipline sera à l’image du tuteur qui aide l’arbrisseau à pousser en hauteur. Or, un tuteur n’effectue son travail que dans la mesure où il demeure ferme. En ce sens, forts de l’autorité dont nous sommes investis, soyons suffisamment conscients et maitres de nous-mêmes pour demeurer inflexibles et constants lorsqu’il le faut, en dépit des vents adverses. Les bourrasques sont fortes ces temps-ci et un tuteur indolent n’y tiendra pas, entrainant avec lui le pauvre plant qu’il soutenait et dont la tige est encore frêle. Tenez bon! Aux yeux de ses enfants, le parent qui demeure solide et ferme sera comme le roc sur lequel le torrent se brise encore et encore. Il impose le respect.

Ne nous méprenons pas. La fermeté en action, surtout affaire de paix, de calme, de patience, de volonté, de maitrise de soi, ne tient pas entre vos mains. Elle est pour beaucoup un don de l’Esprit et commande donc une prière incessante. Enfin, soyons-en certains, la discipline au sens d’un tuteur droit et ferme, plutôt que d’éteindre et écraser l’enfant, est le meilleur moyen de l’aider à canaliser les richesses de sa personnalité au service d’un plus grand bien.

Troisième étape facile: pour ne pas être comme la balle, pour demeurer fermes et droits, priez sans cesse!

Babines et bottines

Paroles et paroles et paroles. Encore des mots, toujours des mots. Parents et éducateurs sont aussi tentés de prendre cette pente glissante. Or, une bonne discipline en est une qui parle peu, surtout avec des enfants en bas âge. Une discipline qui ne «disserte pas, n’est pas éloquente, se repose en elle-même montre par son calme, sa discrétion, son épargne de paroles, qu’elle est sûre de soi et compte parfaitement sur son fonds» (Durh). Moins de sermons! Est-ce à dire aucune explication, jamais? Bien sûr que non, mais limitée et toujours dans l’intérêt de l’enfant, plutôt que servant le besoin du parent de se justifier.

Courage! Une autorité qui se justifie en est une qui doute d’elle-même. L’enfant, qui n’est pas dupe et le comprend, se servira de cette faille. Conséquence: une discipline basée sur les mots tend à prendre le chemin d’une escalade des tensions; le décibel grimpe, les mots s’aiguisent et s’alourdissent, jusqu’à blesser. À contrario, nous viserons une discipline de bon sens axée sur l’action conséquente et mesurée, qui ordonne calmement et à bon escient, sobrement (gare à ne pas multiplier les demandes à la manière d’un petit roi exaspérant), clairement (précise, sans ambigüité, en termes concrets) et fermement, mais avec respect (ni moquerie, ni ironie, ni cynisme).

Quatrième étape facile: soyez prompts à l’écoute et lents à la parole. Troquez les mots pour les actes.

Un idéal printanier

Voulez-vous un idéal?

***

«L’éducation ne réalise son œuvre d’épanouissement et de perfectionnement que si l’enfant a le bonheur de voir vivre devant ses yeux des parents d’une grande élévation d’esprit et de cœur; et si, dans le milieu familial où baigne son existence, règnent la paix et l’union des âmes; chante la joie, rayonne un optimisme non pas puéril et naïf, mais réaliste qui, tout en voyant le mal, a foi en la vie et espère en elle; – milieu, enfin, où l’enfant est respecté comme un fils de Dieu et où, jusque dans les contraintes nécessaires auxquelles il doit se soumettre, il se sent toujours aimé d’une tendresse effective, désintéressée, chaude et profonde» (Durh).

Êtes-vous galvanisés de bonnes intentions ou plutôt, comme nous, complètement découragés devant cet objectif qui semble inatteignable? Ni l’un ni l’autre n’est souhaitable. Cet idéal est un point de l’horizon vers lequel nous devons cheminer. Or, chacun portant sa réalité, son tempérament, son histoire, le poids de sa chair, il y a peu d’intérêts dans le fait de se rendre à bon port; l’important est surtout, contre vents et marées, de garder le cap, peu importe d’où nous partons et ce que nous trainons en cale.

Cinquième étape facile: visez cet idéal et, avec vaillance et persévérance, gardez le cap!

L’exemple

Dernière étape et la plus importante: l’exemple. Vous voulez entrainer votre enfant vers «les cimes de la loi morale» (Durh), c’est-à-dire le rendre confiant et obéissant devant Dieu? Sachez que ce qui compte vraiment, «ce n’est pas ce que nous dirons de temps en temps avec solennité, c’est ce que nous ferons» (Durh). Ce qui peut sembler être le clou dans le cercueil du parent imparfait constitue en fait pour lui la meilleure des nouvelles: les enfants ont moins besoin de parents achevés, intelligents, fiers et forts, bons et justes, que de parents humbles et pieux, à l’écoute de la Parole, qui font des erreurs, mais les reconnaissent et savent demander pardon. Rappelons-nous que le Christ a montré l’ultime exemple non pas en vainquant Thanos par sa force et sa surpuissance, mais en montant sur la croix, dans l’humilité et l’obéissance à la volonté du Père.

Sixième étape facile: soyez vous-mêmes humbles et obéissants devant Dieu.

Courage!

Cet article est tiré de notre numéro spécial. Cliquez sur la bannière pour y accéder en format Web.

Thomas Plouffe

Thomas Plouffe est doctorant en psychopédagogie et chargé de cours à l’Université Laval. Il a huit flèches dans son carquois. Toutes ses bonnes idées lui viennent de sa femme, surtout celle de la laisser écrire son mot de présentation.