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Le retour dans ma famille : le bon côté de la COVID-19

Un texte d’Ève Gagnon

Certaines personnes ne se sentent pas à leur place dans leur famille. C’était mon cas jusqu’à la pandémie. Revenue vivre chez mes parents pour deux semaines, j’y suis maintenant depuis deux mois. J’ai finalement décidé de passer à travers les préjugés que j’avais à propos de ma famille et de faire face à plusieurs problèmes que j’avais longtemps ignorés et qui me rongeaient petit à petit. Voici le récit de mon retour.

On entend actuellement parler d’une augmentation de la détresse humaine due à la pandémie de coronavirus. Tout le monde est à fleur de peau, ce qui est assez compréhensible : alors que l’humain est d’abord et avant tout un être social, la solitude se fait plus présente que jamais. Cependant, la quarantaine a été pour moi une bénédiction, puisqu’à son commencement, je ne pouvais pas toucher plus le fond du baril que je le faisais alors. 

Venir d’une grande famille vient avec son lot de joie, mais aussi son lot de peine, surtout lorsqu’on est à l’adolescence et que le regard des pairs est plus important que tout. À partir de cet âge, ma famille que j’aimais jadis plus que tout était devenue l’enfer sur terre. Personne, me disais-je, personne ne méritait de vivre dans un tel chaos. 

Se sentir petite dans une grande famille

Les années se suivaient, toujours plus de problèmes, toujours plus de souffrance, jamais assez d’amour à mon gout. Je cachais toujours son existence, afin d’éviter les moqueries, mais également pour qu’on me reconnaisse pour mes talents personnels et non parce que j’étais la douzième d’une famille de seize enfants. Une erreur parmi tant d’autres, que je me disais…  

Ne voir rien d’autre que de l’amour dans les yeux de ma fratrie et de mes parents a été pour moi la plus belle révélation de l’année, voire de la dernière décennie.

Comment mes parents pouvaient-ils m’aimer puisqu’il y en avait 15 autres beaucoup plus talentueux ou intelligents que moi ? D’autant plus que je n’étais pas l’enfant le plus docile ou le plus facile à gérer. Comment mes frères et sœurs pouvaient-ils me soutenir et m’appuyer alors que j’enchainais connerie après connerie ?

Fuir la famille

Un party de famille ? Fantastique ! Je vais me trouver autre chose à faire, histoire de ne pas me sentir seule au monde au milieu de cet océan de personnes. C’est Noël bientôt ? J’ai justement un voyage de prévu sur le vieux continent. Le mariage de mon frère ? Bon, j’ai pas trop le choix de venir, en plus je paraitrais encore plus mal. Où vais-je aller à l’université ? N’importe où, pourvu que je me retrouve loin, loin, loin d’ici. Toujours, mes plans ont consisté à m’éloigner le plus possible de ma famille et jamais, au grand jamais, je n’incluais celle-ci dans mon avenir. Non pas parce que je n’aimais pas les gens qui en faisaient partie, mais bien parce que j’étais convaincue qu’ils me détestaient tous. 

Puis la COVID-19 est arrivée. Adieu l’Europe, adieu l’été en Gaspésie, adieu le Togo en automne ! J’étais coincée dans mon quatre et demi dans l’épicentre de la crise. N’ayant aucune envie d’étouffer et de détériorer ma santé mentale, j’ai rempli mon sac à dos pour une semaine ou deux de vacances à Québec, pas plus. 

Deux mois plus tard, j’y suis toujours. 

Le retour

Non pas parce que les frontières sont fermées et qu’il m’est impossible de retourner à Montréal, mais parce que pour la première fois depuis très longtemps, je me sens bien ici. J’ai finalement décidé de passer à travers les préjugés que j’avais à propos de ma famille et de faire face à plusieurs problèmes que j’avais longtemps ignorés et qui me rongeaient petit à petit. 

Oh, miracle ! J’ai même réussi à m’ouvrir un petit peu. Ne voir rien d’autre que de l’amour dans les yeux de ma fratrie et de mes parents a été pour moi la plus belle révélation de l’année, voire de la dernière décennie. Les pleurs et les grincements de dents qui ont façonné mon enfance se sont finalement transformés en rires, joies et rémissions. 

Je passe mes journées avec mes sœurs à faire Dieu sait quoi, et même si mes amis me manquent, je n’échangerais pas ma place pour rien au monde. Petit à petit, je vois la chance que j’ai d’être née dans un milieu aussi inhabituel et d’avoir des gens sur qui je pourrais toujours compter ; d’avoir une famille. Alors oui, je suis contente de faire partie de l’infime partie de gens, ces chanceux, qui affirment que le confinement a été l’une des plus belles choses qui auraient pu leur arriver. 


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