Un jeune garçon syrien, dans un camp de fortune près d'une station d'autobus à Belgrade, Serbie (Fotolia)
Un jeune garçon syrien, dans un camp de fortune près d'une station d'autobus à Belgrade, Serbie (Fotolia)

Le cri qui vient d’Orient

Du coup de fouet dans le dos je sens la morsure / De ma sueur dans les yeux je sens la brulure / Élohim, Dieu du ciel : entends-tu, ton peuple appelle!

Ce vibrant appel d’une chanson d’un film pour enfants a provoqué chez moi un certain trouble. Bien assise et confortablement installée devant mon ordinateur, à réfléchir à des questions passablement théoriques et « élevées », j’ai ressenti une certaine honte, un certain malaise.

Cependant, c’est en entendant ce cri déchirant que je me suis sentie retournée. Cet appel, Hans Zimmer l’a mis dans la bouche des esclaves hébreux dans le film Le Prince d’Égypte. Je n’ai pu m’empêcher de tracer un parallèle entre la souffrance du peuple hébreu, et celle des peuples du Moyen-Orient, en particulier ceux de Syrie et d’Irak.

Le peuple hébreu, c’était il y a des milliers d’années; la Syrie et l’Irak, c’est aujourd’hui en 2015.

La cause du malaise : le souci confortable

Mais pourquoi avoir ressenti cette sorte de honte, ce malaise? Ce n’est pas comme si personne ne se souciait de la souffrance de ces peuples syriens et irakiens. On entend tous parler de ces centaines de réfugiés qui s’agglutinent et s’entassent aux frontières des pays européens. On a tous eu vent des promesses électorales de faire venir davantage de réfugiés ici, au Canada.

Mais est-ce que c’est assez de savoir? Ou même, est-ce que c’est suffisant de se sentir mal pour ces gens, ou de déplorer leur situation? Quand on s’inquiète de ces situations de guerre, peut-être que notre souci est enrobé de confort. Un peu comme ces bonbons surs entourés de sucre.

Entre ces scènes terribles de camps de réfugiés et nous, il y a la télévision et notre salon de Nord-Américains.

La misère de ces humains ne nous touche pas directement. Elle ne nous dérange pas de manière frontale. Entre ces scènes terribles de camps de réfugiés et nous, il y a la télévision et notre salon de Nord-Américains. Entre nous et l’écho des cris de détresse de ces familles divisées et décimées, il y a la télécommande qui contrôle le son. Nos écouteurs qu’on peut mettre, notre musique dont on peut monter le volume.

C’est ce que j’appellerais le « souci confortable ». Une sorte d’inquiétude qui ne se dérange pas trop. Ce n’est pas de l’indifférence, mais c’est un souci pour les autres qui est très loin de la compassion. La compassion, c’est « souffrir avec ». Le souci confortable, c’est comme regarder un spectacle qui nous dérange, et ne rien faire pour aider cet « autre » qui souffre. Rien de concret, en tout cas.

Comprenez-moi bien. Je ne dénonce pas l’attitude de ceux qui déplorent ces situations. Je trouve seulement qu’entre regarder et agir, il y a loin de la coupe aux lèvres.

Que faut-il faire? Il faudrait passer du souci confortable à la compassion. La compassion, ensuite, nous mènera à l’action. Comment y parvenir? En y réfléchissant, il me semble que trois avenues se dessineraient devant nous. Si on les emprunte ensemble, on se sera déjà sortis de cette douce torpeur qu’est le souci confortable.

Pour passer du souci confortable à la compassion : trois avenues

  1. S’informer

La première est de sortir de mon confort et de me renseigner sur ce qui se passe au Moyen-Orient : en Syrie, en Libye, en Israël et en Palestine, par exemple. Faire l’effort d’écouter ou de regarder les nouvelles, de lire les journaux. Tenter de comprendre ces conflits : qui est en guerre contre qui?

Ce n’est pas suffisant de juste balayer ça du revers de la main, un peu comme un dérangeant petit nuage de mouches d’un soir d’été : « Ah, y’a encore de la violence au Moyen-Orient. Surement encore des guerres de religion. Je sais pas, moi ».

Évidemment, il est assez difficile de décortiquer ces conflits. Mais cette connaissance est comme une petite épingle. Elle dérange, c’est sûr. Mais elle vient percer le gros ballon de mon confort, qui me bouche la vue, de façon bien commode, sur le constat de ce que je fais – ou de ce que je ne fais pas – pour aider concrètement ces êtres humains persécutés pour leurs croyances, pour leur identité.

Se renseigner courageusement, en contrant notre paresse, c’est comme enlever nos écouteurs. C’est se pencher en tendant l’oreille vers un petit enfant qui nous tire par la manche pour nous raconter quelque chose. Ça ne m’intéresse peut-être pas, mais par compassion, j’écoute. Je m’informe.

  1. Se mobiliser

La conséquence de se renseigner? La volonté d’agir. Comment? Il y a des initiatives qui existent déjà. On n’a pas besoin de réinventer la roue, on peut simplement en joindre une, et encourager ceux qui les ont démarrées. Par exemple, mon frère m’a expliqué la semaine passée qu’il prépare un projet de vente de « bracelets de la paix », afin de financer le séjour et les études de quelques réfugiés syriens à Québec.

Voilà une initiative concrète! C’est un effort de mobilisation, qui a un effet de domino, parce que le fait de vendre de simples bracelets fait que notre action n’est pas isolée. Elle fait appel à d’autres. Notre mobilisation touche d’autres personnes, et ces personnes en remueront d’autres. Un peu comme la pierre qu’on jette dans un lac et qui crée des cercles concentriques sur l’eau, qui eux en créent d’autres.

  1. À notre tour, crier!

Ma troisième avenue est bien simple. Elle est à la portée de tous et toutes. C’est de crier, à mon tour, à cet Élohim, ce Dieu du ciel, pour qu’il entende son peuple qui appelle.

Estelle Cloutier

Intéressée par les arts et passionnée par les enjeux sociaux, Estelle est une étudiante aux cycles supérieurs.