Shoah
Photo : Josh Appel / Unsplash.

La Shoah : devoir de mémoire

Aujourd’hui, 27 janvier 2021, c’est la Journée internationale dédiée à la mémoire des victimes de l’Holocauste.

Je dois admettre que j’ai hésité avant d’écrire ce texte.

D’abord, parce que je me disais que je devrais probablement aborder quelque chose de plus léger, de plus réjouissant, pendant une période de confinement qui est fort difficile pour plusieurs. Après quelques jours de réflexions, j’en suis plutôt venu à la conclusion que je devais absolument écrire ce texte, ne serait-ce que par devoir de mémoire. Aussi, dans une moindre mesure, pour nous aider à réaliser que la vie présentement pourrait vraiment être pire. 

L’Holocauste, c’est quoi ? 

L’Holocauste, en hébreu שואה, Shoah, mot signifiant « destruction », est la persécution et l’assassinat planifiés de façon systématique de six-millions de Juifs par l’Allemagne nazie et les États qui ont collaboré avec celle-ci. On estime le nombre total de victimes du système concentrationnaire à un peu plus de dix-millions au total. En plus du génocide des Juifs, qui étaient les plus nombreux dans les camps de la mort, les nazis ont persécuté et éliminé systématiquement les Roms, Les Sintés et des membres de diverses ethnies slaves. 

Notons aussi que les personnes souffrant d’un handicap physique ou mental, les invalides, les homosexuels, les témoins de Jéhovah et finalement les opposants politiques, même allemands, ont tous été victimes des persécutions et d’une élimination systématique. 

Ce qui distingue la Shoah des autres génocides de l’histoire est d’abord l’ampleur frappante du crime puisqu’il s’agit du plus grand génocide de tous les temps. À titre comparatif, la seconde position du palmarès des atrocités génocidaires revient au gouvernement communiste cambodgien des Khmers rouges qui a fait assassiner trois-millions de personnes entre 1975 et 1979. 

Les plus grands alliés des génocidaires sont, par conséquent, le manque de compassion envers son prochain, l’égocentrisme et l’indifférence des masses.

La seconde distinction majeure par rapport aux autres génocides, qu’ils soient antérieurs ou postérieurs à l’Holocauste, est le caractère industriel de la Shoah. 

En comparaison de la Shoah, tous les autres génocides ont l’air d’avoir été commis par des meurtriers amateurs. Que ce soit les coups de machettes, de gourdins, de baïonnettes ou même d’armes à feu, rien ne se compare à la triste efficacité du système nazi. Les victimes arrivant par trains entiers dans les camps, dans le seul but d’être amenées vers les chambres à gaz, puis vers les fours crématoires. 

De la pertinence d’en parler 

Il est important d’insister sur le fait que la Shoah n’est pas un évènement aléatoire ou accidentel. Il s’agit d’actes ayant été planifiés et dont on retrouve les germes au début des années 1920, notamment dans Mein Kampf, donc bien avant l’arrivée au pouvoir d’Hitler en 1933. Pour prendre un langage juridique courant, on peut qualifier les faits de meurtre prémédité de millions de personnes trouvant ses motifs dans la discrimination, les préjugés et la haine de l’autre. 

En somme, avant d’en arriver à une situation critique comme celle d’un État organisant systématiquement un crime contre l’humanité, il y aura des signes précurseurs. Il y aura des discriminations, des incitations à la haine dans les journaux, à la télévision, sur Internet, du harcèlement, avant d’en arriver à des camps de concentration.

Il faut en quelque sorte que les tenants de la haine, minoritaire dans tous les peuples du monde, préparent le terrain. Ils doivent s’assurer que la majorité de la population ferme les yeux sur les discriminations qui ne semblent pas les concerner. Pourquoi s’en faire puisque moi je ne suis pas Juif, homosexuel ou handicapé ? 

Les plus grands alliés des génocidaires sont, par conséquent, le manque de compassion envers son prochain, l’égocentrisme et l’indifférence des masses. D’où l’importance du devoir de mémoire pour apprendre à reconnaitre ces signes précurseurs et à agir en conséquence. 

« Ceux qui ne se souviennent pas du passé sont condamnés à le répéter. » Cette maxime toute simple, bien connue des historiens, est d’ailleurs inscrite sur une plaque commémorative dans le camp de concentration d’Auschwitz.  

Garder les yeux ouverts

Se taire face aux discriminations religieuses, ethniques, sexuelles et nationales, permet à la haine de s’installer confortablement dans le tissu social, avec tous les risques de débordements qui viennent avec. Fermer les yeux n’est pas une solution et n’améliorera pas les choses.

Ceci étant dit, il ne s’agit pas non plus de dénoncer n’importe quoi à tout vent, de crier sans cesse sur toutes les tribunes, d’apparaitre outré de façon permanente face à la moindre peccadille, de faire une montagne avec un rien en mentionnant le risque de dérapage vers un génocide.

Par exemple, accuser de « nazisme » les policiers tenus de faire respecter le couvre-feu et les mesures sanitaires actuelles est complètement inapproprié. C’est un manque de considération totale envers les victimes, et une banalisation du fait historique horrible qu’est la Shoah. Les termes nazisme, racisme et fascisme sont lourds de sens et ne devraient pas servir à qualifier tout et n’importe quoi. 

Il faut garder l’œil ouvert sans confondre critique légitime avec discrimination réelle et harcèlement. 


Emmanuel Lamontagne

Emmanuel est historien de l'art et de l'architecture. Il se spécialise en iconographie et en architecture religieuse. Il travaille présentement dans le domaine de la conservation du patrimoine bâti.