Photo: GabiSanda / Pixabay (CC)
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La pilule pour homme: une fausse bonne idée ?

Un texte de Stefany Paulin-Gagné

Dans un article paru en 2016, nous lisions que certaines formes de contraception pour hommes auraient été testées, pour être éventuellement commercialisées. Malheureusement les effets secondaires étant trop considérables; l’étude a été arrêtée avant la fin. Il est peut-être temps d’expliquer en quoi la contraception peut être vue comme sexiste et l’étonnante proposition que fait l’Église en retour. 

Il faut noter que la Chine a déjà tenté de faire des recherches sur une contraception masculine et que, lorsque 3% des hommes sur lesquels les hormones étaient testées ont été diagnostiqué dépressif, les tests ont cessé. La dépression est un effet secondaire plutôt courant en ce qui concerne la contraception féminine, même encore aujourd’hui après plus de 50 ans d’expérimentations, de modifications et de tentatives d’améliorations.

La question de la commercialisation d’une contraception masculine ne se pose donc pas, faute de financement et de popularité. Il faudra donc que les femmes acceptent de subir ces mêmes effets, qui, chez les hommes n’ont pas eu la cote.

Sexisme hormonal

Utiliser le terme de sexisme pour parler de la contraception n’est pas anodin. Il s’agit de démystifier le fait que la femme s’est fait présenter la pilule contraceptive sur un plateau d’argent, lui faisant miroiter un meilleur contrôle de son corps et de ses grossesses, sans trop prendre en considération le nombre d’effets secondaires.

Les effets secondaires sont graves et affectent beaucoup plus de femmes qu’on pourrait le croire.

Il faut aussi noter que la plupart des gens ne lisent pas les feuillets alarmants d’effets secondaires, pourtant ils le devraient, spécifiquement pour la pilule contraceptive. Ces effets secondaires sont graves et affectent beaucoup plus de femmes qu’on pourrait le croire. Nous avons parlé de dépression, mais il y a aussi les sautes d’humeur, la nausée, la prise de poids, l’acné, les pertes, etc.

L’utilisation de la pilule à des fins contraceptives a donc non seulement déplacé le fardeau et la responsabilité sur les femmes, mais elle fait aussi en sorte que l’on traite désormais la grossesse comme : 1) un problème et ; 2) un problème d’ordre strictement féminin.

Témoignage

« J’ai pris la pilule à des fins contraceptives (1) pendant près de 8 ans et l’anneau pendant près de 2 ans, me confie une jeune femme de mon entourage. En tout et partout, j’ai pris des hormones pendant presque 10 ans. J’ai expérimenté la dépression juvénile, les idées suicidaires, l’automutilation, les sautes d’humeur et j’ai finalement développé une vestibulodynie (2) et du vaginisme à la suite de l’utilisation de l’anneau. Jamais on n’a pensé mettre ça sur le dos de la pilule contraceptive ou de l’anneau.

« Si j’avais bien lu le petit feuillet peut-être aurais-je décidé quand même de prendre la pilule, car à 14 ans on me l’a présentée comme la seule option pour régulariser mon cycle menstruel irrégulier. Autour de la vingtaine et dans une relation plus sérieuse, j’ai expérimenté d’autres effets secondaires tels que la perte totale de la libido et l’acné qui revenait en force lorsque je tentais de cesser les anovulants. »

Ainsi, la prise de la pilule, à des fins contraceptives, déplace le questionnement sur le moment d’une relation sexuelle comme un problème strictement féminin.

La contraception ne sort pas des années 60, le condom existait déjà bien avant. Sans faire l’apologie du condom, qui demeure une méthode de contraception, il semble que le dialogue devait se faire sur le port ou non dudit condom avant la relation. Ceux qui voulaient utiliser de la contraception pouvaient le faire, nous n’avions pas besoin d’utiliser un médicament si dévastateur pour le corps de la femme.

Et l’Église, elle dit quoi ?

Qu’en est-il de la vision catholique de la régulation des naissances ?

Évidemment, et le pape François l’a rappelé dans les dernières années, nous ne sommes pas appelés à copuler comme des lapins. Sortie controversée pour nous exhorter au discernement qu’appelle une naissance, voire à l’acte sexuel en soi.

L’ouverture à la vie, l’accueil des enfants est un don et une grâce immense à laquelle nous devons, bien entendu, faire honneur (3).

Il existe des méthodes, aucunement invasives, qui n’affectent en rien le corps de la femme…

Cependant, il existe des situations plus difficiles que chaque couple peut rencontrer et qui remettent en question l’accueil d’un enfant (4). Une méthode de régulation naturelle des naissances est donc encouragée par l’Église dans ces moments. Il s’agit là de lister rigoureusement certains indicateurs tels que la température ou la consistance de la glaire cervicale pour apprendre à connaitre en couple le cycle de la femme et ainsi le respecter.

Cette méthode, aucunement invasive, n’affecte en rien le corps de la femme, et évite ainsi la prise d’hormones qui peuvent être si dangereuses pour l’accueil de la vie en elle.

Alors, prête à faire le saut?

Notes :

(1) Notons que la prise d’hormones est pour certaines un traitement, nous utiliserons l’expression « la prise de la pilule à des fins contraceptive » pour clarifier le tout.

(2) La vestibulodynie est un syndrome caractérisé par une douleur intense causée par une pression à l’entrée du vagin, notamment par la pénétration. Il s’agit d’une sorte de vulvodynie, appelée ainsi, car elle est localisée sur la zone de la vulve dite vestibule, à l’entrée vaginale.

(3) Voir la magnifique encyclique de Paul VI sur le mariage Humanae Vitae. Une entrevue publiée dans Libération, menée par Marc Semo avec l’historienne Emma Fattorini, apporte une perspective intéressante (Semo, 2008).  Fattorini soutient que, « (a)ujourd’hui, la prise de position de Paul VI peut paraitre, à certains égards, prophétique : il a eu l’intuition qu’en dissociant complètement la sexualité de la reproduction, on créait les bases pour des transformations anthropologiques irréversibles. Certaines positives, au moins pour la culture laïque, comme la libération de la femme qui peut enfin disposer pleinement de son corps. Mais il y a aussi l’autre face de ce processus, qui mène aux manipulations génétiques comme à la marchandisation du corps. Cet appel au respect des lois naturelles et à la tradition qui fondaient Humanae Vitae est mieux compris non seulement dans le monde catholique, mais aussi parmi les féministes ou les écologistes inquiets des excès scientistes. »

(4) Les raisons valables sont à discuter et discerner, avec un prêtre de préférence, il peut s’agir de toute sorte de choses telles que la perte d’un emploi, une situation financière précaire, la maladie mentale ou physique, etc.

Pour aller plus loin :

http://www.parentherald.com/articles/75353/20161019/sexism-in-contraceptives-birth-control-pills-originally-made-for-men-but-they-could-not-handle-side-effects.htm

https://broadly.vice.com/en_us/article/the-racist-and-sexist-history-of-keeping-birth-control-side-effects-secret?utm_source=vicefbus

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