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Jamais deux sans trois

Depuis quelques semaines déjà, l’actuel gouvernement fédéral met de l’avant son agenda d’ingénierie sociale. « Jamais deux sans trois » comme le dit le proverbe. Après l’annonce de la réforme des programmes de subvention discriminant certaines positions philosophiques jugées intolérables  et l’imposition de directives niant les repères identitaires fondamentaux, il était donc à prévoir que le gouvernement Trudeau allait sortir un autre lapin de son chapeau.

C’est ce qu’il a fait la semaine dernière en lançant sa sonde d’opinion selon laquelle il pourrait être possible dans un avenir rapproché de légaliser la rémunération des dites «mères porteuses».

Bien qu’il se présente sous le masque des «nouveaux droits de l’homme», il ne s’agit en fait que d’une extension du champ d’application du paradigme technocratique.

Comme le disait Michael Hanby:

«La révolution sexuelle est ce qui arrive lorsque vous appliquez l’idéologie technologique au corps humain» (1).

Il est clair que nos sociétés sont sur cette pente glissante et, qu’à hauteur d’homme, on ne voit pas beaucoup ce qui pourrait les arrêter. La Grâce étant la seule chose (2) qui puisse nous détourner des réels scénarios dystopiques, il m’apparaît primordial de rappeler quelques éléments fondamentaux de la doctrine catholique sur la procréation humaine.

Une double dissociation

Avec l’enrichissement des connaissances scientifiques fondamentales et les avancées technologiques qui en dépendent, la reproduction humaine a été l’objet de nombreuses expérimentations.

Souvent motivé par cette volonté prométhéenne de soumission du réel à la volonté de chacun, on a cherché tous les moyens possibles pour supprimer ce qui était perçu comme des inconvénients de la nature. C’est ainsi que, d’un côté, on a voulu enlever la dimension procréative à l’acte sexuel pour ceux qui ne voulaient que le plaisir (contraception) et, de l’autre, on s’est substitué à l’acte conjugal pour ceux qui ne voulaient que la procréation (Fécondation In Vitro ou FIV) (2).

Dans les deux cas, on assiste à ce que le Bienheureux Paul VI avait vu de son regard prophétique comme étant une dissociation illégitime (Humanae Vitae #12).

Comment ne pas voir, plus de cinquante ans après Humanae Vitae, que le rejet de l’Église de ces deux pratiques n’est en définitive que ce que l’on appelle aujourd’hui une «écologie intégrale»? L’homme faisant partie de la nature, son propre développement durable doit donc passer par une acceptation des rythmes et limites de son corps.

Loin de cette logique sans failles, nos politiciens soi-disant écologistes, souvent infectés par ce que Charles Taylor nomme la «primauté de la raison instrumentale», sont les premiers à promouvoir la mécanisation de l’homme.

Or, pour l’Église, toute personne humaine, de la conception à la mort naturelle, est détentrice d’une dignité inaliénable ayant pour conséquence des droits fondamentaux qui lui sont dus du simple fait d’être humain. La structure juridique entourant ces mêmes droits naturels peut avoir certaines variations selon les cultures et les sociétés, mais a néanmoins certaines constantes universellement reconnues.

Les modifications concernant la rémunération des «mères porteuses» violent plusieurs de ces remparts et nous portent donc socialement, non plus seulement sur le chemin de la barbarie, mais bien en plein régime primitif. 

Simonie, le grand retour

Dans un premier temps, il est évident que cette mesure aura des impacts sociaux sur la conception même de la maternité. Ce qui était jusqu’alors le lieu par excellence de la tendresse et du don de soi deviendra peu à peu le lieu du calcul et de l’appât du gain. En ce sens, les usines à bébés que l’on trouve déjà dans certains pays comme l’Inde ne sont qu’un aperçu de ce qui nous attend si nous refusons de protéger collectivement le lien filial.

Sous couvert de nouvelle liberté et d’appropriation de son corps, cette marchandisation de la femme n’est en réalité qu’une attaque à sa dignité et à sa sacralité. Saint Pierre (Actes, 8, 18-20) lui-même a été le premier membre de l’Église à réprimander Simon le magicien de son crime, de ce péché, qui prit par la suite son nom.

Le présent gouvernement est aux prises avec la même tentation de simonie. La vie humaine étant sacrée, nul ne peut y mettre un prix sans attaquer directement Celui qui en est l’Auteur. Aurons-nous le courage de leur dire comme saint Pierre :

«Périsse ton argent, et toi avec, puisque tu as estimé pouvoir acheter le don de Dieu à prix d’argent !»

Bien que cette ouverture même soit, en tant que telle, une attaque dégradante contre la féminité même, ce sont les enfants qui seront les premières et principales victimes. Car, il ne faut pas se leurrer, c’est de légalisation de la vente d’enfants dont il est ici question. L’objet de la vente n’est pas l’utérus de la femme, mais l’embryon lui-même.

Sous le masque d’une pseudo liberté de «louer son ventre», on oublie que ce dernier n’est qu’un moyen en vue de l’enfant désiré. Outre les deux ou trois embryons habituellement nécessaires à la FIV, dont la majorité est littéralement jetée, c’est l’enfant qui est en premier lieu l’objet d’une transaction commerciale.

Une liberté liberticide

Or,

«Depuis les lois de l’abolition de l’esclavage, il est interdit de donner ou de vendre une personne humaine. [Il est donc] absolument contraire à la dignité de l’embryon d’être utilisé à des fins commerciales» (3).

Loin d’être un pas en avant, cette marchandisation nous ramène une fois de plus à un stade .

En effet, une fois cette pratique généralisée, je ne vois pas quel rempart juridique et moral il nous restera pour empêcher la vente d’«inséminations artificielles préfabriquées» ou, en d’autres termes, la vente des enfants déjà nés et présentés dans des catalogues sur internet.

À ce moment-là, on aura certainement trouvé un moyen pour «faciliter cette pratique déjà existante» et «régulariser ce nouveau type de famille». Ajoutant à tout cela les risques eugénistes (qui sont maintenant bien implantés dans de nombreux pays), il est facile de voir ce monde nouveau qui s’ouvre devant nous.

Alors qu’en France les débats des États généraux sur la bioéthique battent leur plein, le Canada préfère penser l’avenir sur l’arène de la politique partisane. Au lieu de donner la hauteur qu’une telle matière requiert, on peut d’ores et déjà craindre le pire et s’attendre à voir une si grave décision établie dans un paragraphe du Bill Omnibus.


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Notes:

(1) http://www.theamericanconservative.com/dreher/christianity-brave-new-world-benedict-option/comment-page-1/

(2) Pour plus de renseignements sur la question, je conseille vivement l’article intitulé Procréation assistée de Mgr Jean-Louis Bruguès dans Lexique des termes ambigus et controversés sur la famille, la vie et les questions éthiques.

(3) http://www.librairietequi.com/A-5196-lexique-des-termes-ambigus-et-controverses.aspx, p.884

Francis Denis

Francis Denis a étudié la philosophie et la théologie à l’Université Laval et à l'Université pontificale de la Sainte Croix à Rome. Il est réalisateur et vidéo-journaliste indépendant.