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Honore ton père !

Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi Dieu a commandé : Tu « aimeras » le Seigneur ton Dieu et Tu « honoreras » ton père et ta mère? Pourquoi il n’a pas plutôt commandé : Tu « honoreras » le Seigneur ton Dieu et Tu « aimeras » ton père et ta mère?

La raison est très simple.

C’est qu’il n’est pas si difficile d’aimer son père et sa mère, mais il est beaucoup plus ardu de les honorer comme il faut ! Inversement, il n’est pas si difficile d’honorer Dieu, tous les peuples l’on fait d’une manière ou d’une autre, mais ô combien les hommes peinent à aimer Dieu de tout leur cœur !

Craindre son père

Les hommes ont toujours eu besoin de se faire rappeler d’honorer leurs parents, mais en notre temps ce 4ecommandement semble d’une nécessité plus urgente… et plus encore pour les pères que pour les mères. [1] Nos enfants aiment leurs pères et nos pères aiment leurs enfants ; et comme cela est juste et bon ! Mais où est passée la crainte filiale ?

Les pères ne sont plus que des pairs.

L’amour suppose l’ordre et l’ordre commande l’honneur pour l’excellence.

Or, le père doit être aimé et craint, plus aimé que craint certes, mais craint tout de même ! Et plus il y a de crainte révérencielle, de respect, plus il y a d’amour vrai. Car l’amour suppose l’ordre. On n’aime pas tout également. On aime le bien et on devrait aimer plus… le meilleur. L’amour suppose l’ordre et l’ordre commande l’honneur pour l’excellence.

La paternité dans des vases d’argile

Quoi ?! Est-ce à dire que les pères seraient toujours les meilleurs ? Sottise que cette pensée. La hiérarchie dans la Sainte Famille de Nazareth en est un exemple frappant. Jésus est infiniment supérieur à Marie et Marie incommensurablement supérieure à Joseph et pourtant tous deux obéirent à Joseph !

Il y a toujours eu d’excellents et de médiocres pères. Tous les hommes portent le trésor de la paternité dans des vases d’argile. Tous les pères doivent d’ailleurs faire extrêmement attention à cette tendance à vouloir couvrir, à vouloir faire passer comme par contrebande ses défauts d’hommes sous la bannière loyale d’autorité de père.

Mais Dieu n’a jamais dit : honore ton père… s’il est un bon père !

C’est la fonction qui est noble et commande respect, et non l’homme qui occupe cette fonction. Comme un président a le devoir de se faire respecter parce qu’il représente le gouvernement et l’autorité divine. Et très certainement que sa sagesse et sa vertu personnelle peuvent grandement aider à ce respect ! Mais ses défauts ne doivent pas excuser notre devoir d’honneur. Et ce même s’il se nomme Trump ou Trudeau.

Où est l’honneur qui m’est dû ?

Mais pourquoi les enfants sont-ils devenus insolents et ingrats ? Les enfants ont toujours été des enfants, ils ont toujours eu besoin d’être éduqués. Leur nature n’est pas devenue moins respectueuse à la naissance qu’à l’époque de leurs pères. L’évolution ne tend pas à l’ingratitude pour favoriser une longue (sur)vie sur terre ! Si les enfants ne témoignent plus assez de respect à leurs pères, c’est parce que les pères eux-mêmes n’en exigent plus assez.

C’est le devoir de chaque père de se demander : Si donc je suis père, où est l’honneur qui m’est dû ? (Malachie 1,6)

Vouloir être respecté est-ce de l’autoritarisme ou du machisme ? Peut-être ne comprenons-nous plus rien au véritable honneur.

Pourquoi ce malaise seulement à poser cette question ? Vouloir être respecté est-ce de l’orgueil, de l’autoritarisme ou du machisme ? Peut-être ne comprenons-nous plus rien au véritable honneur. Peut-être voyons-nous tout croche la grandeur de la paternité.

Si l’enfant ne respecte plus assez son père, c’est le plus souvent parce que son père ne se respecte pas assez lui-même comme père. Il n’a pas une idée assez haute de sa dignité de père !

Apprendre à dire « Notre Père »

Ce n’est pas moi, c’est la paternité divine que je représente que j’ai le devoir de faire respecter en moi. Car toute paternité, comme toute autorité, vient de Dieu et pointe vers Dieu. (Rm 31,1) Qu’y a-t-il donc de plus noble dans la paternité de la terre sinon d’être un reflet de la paternité du ciel ? Le père de famille a pour principal rôle de faire connaitre la paternité de Dieu qui donne la vie, le mouvement et l’être, de Dieu qui garde, qui nourrit, qui élève, et surtout qui fait entrer dans son intimité. Le plan de Dieu est qu’en vivant la paternité terrestre, on comprenne mieux sa paternité céleste à Lui et qu’on la fasse mieux comprendre aux autres.

Et ainsi c’est à notre père qu’il revient de nous apprendre à dire « Notre Père ».

Or, l’oubli de la paternité divine c’est l’oubli de la révélation. C’est redescendre au légalisme, au pharisaïsme et même au paganisme. C’est ne plus s’appeler amis, mais serviteurs de Dieu. Vivre en fils du Père, c’est l’essentiel de la vie chrétienne, ne l’oublions jamais ! Et les pères ont leur rôle à jouer dans la transmission de cette Révélation unique. Un rôle à jouer justement, beaucoup plus qu’à expliquer.

Renier ses pères

Car qui ne respecte pas son père ne respectera ni prêtre ni Dieu. Car qui n’honore pas son père déshonorera aussi ses pères dans la patrie et la culture comme dans la foi. L’ingratitude est peut-être le plus grand vice de notre peuple, à commencer par ce refus de s’appeler Canadien français comme ses pères ! Renier son nom de famille n’est-ce pas le pire affront !

Peut-être retrouverons-nous l’honneur des pères de la civilisation qui nous a engendrés en commençant par honorer nos pères de famille ? [2] Et comment retrouverons-nous l’honneur de nos pères de famille sinon en honorant d’abord le père qui est en nous ? Et surement nous honorerons le père qui est en nous en retrouvant le père au-dessus de nous !

Ce Père de qui toute paternité au ciel et sur la terre tient son nom. (Ep 3,15)

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Notes:

[1] Il semble que l’égalité des sexes n’ait heureusement pas encore été atteinte sur ce point. On respecte davantage les mères parce qu’en elles on honore premièrement l’amour qui se fait tendresse et compassion. Mais l’honneur des pères est mis à mal, car en eux c’est l’amour qui se fait autorité et justice qui est premièrement digne d’honneur. Or, toute autorité répugne à l’homme moderne. Et l’on répugne encore plus à l’exercer qu’à la subir. Plus profondément encore, comme l’enseigne le Catéchisme de l’Église catholique dans un lumineux passage, la paternité est image de la transcendance de Dieu, alors que la maternité l’est de son immanence. Et la transcendance est mise à mal dans un monde démocratisant jusqu’à l’aplanissement où toute hiérarchie est honnie.

« En désignant Dieu du nom de  » Père « , le langage de la foi indique principalement deux aspects : que Dieu est origine première de tout et autorité transcendante et qu’il est en même temps bonté et sollicitude aimante pour tous ses enfants. Cette tendresse parentale de Dieu peut aussi être exprimée par l’image de la maternité (cf. Is 66, 13 ; Ps 131, 2) qui indique davantage l’immanence de Dieu, l’intimité entre Dieu et Sa créature. Le langage de la foi puise ainsi dans l’expérience humaine des parents qui sont d’une certaine façon les premiers représentants de Dieu pour l’homme. Mais cette expérience dit aussi que les parents humains sont faillibles et qu’ils peuvent défigurer le visage de la paternité et de la maternité. Il convient alors de rappeler que Dieu transcende la distinction humaine des sexes. Il n’est ni homme ni femme, il est Dieu. Il transcende aussi la paternité et la maternité humaines (cf. Ps 27, 10), tout en en étant l’origine et la mesure (cf. Ep 3, 14 ; Is 49, 15) : Personne n’est père comme l’est Dieu. » (CEC#239)

[2] « Saint Thomas d’Aquin fait remarquer qu’« immédiatement après les commandements qui concernent la religion et appartiennent à la première Table de la Loi est formulé le précepte d’honorer son père et sa mère, c’est-à-dire la piété. » On comprend dès lors pourquoi le mépris de la patrie implique déjà l’impiété envers nos propres parents, et l’on comprend comment cette dissolution des liens familiaux et patriotiques est en même temps le moyen le plus sensible, le plus insidieux et le plus efficace à la fois, de détruire le culte envers le principe universel de notre être, qui est Dieu. » (Charles de Koninck, Note sur le patriotisme.)

Simon Lessard

Simon aime engager le dialogue avec les chercheurs de sens. Diplômé en philosophie et théologie, il puise dans les trésors de la culture occidentale, combinant neuf et ancien pour interpréter les signes des temps. Il est responsable des partenariats au Verbe médias.