Un texte de Florence Jacolin
« La faillite des médias ». Rien de moins. Voilà le titre donné au baromètre de confiance Edleman 2021 sur la confiance aux institutions. En 2021, 55 % des Canadiens font confiance aux médias traditionnels ; l’année précédente, c’était 65 %. Que s’est-il passé ?
Il se peut que le traitement médiatique de la COVID-19 ait été lourdement sanctionné, mais notre méconnaissance du fonctionnement des médias, qu’ils soient traditionnels ou sociaux, n’y sont pas pour rien. L’ignorance engendre la peur de l’inconnu. L’éducation aux médias a ici un rôle majeur à jouer pour tous.
Médias, informations et communication
D’après l’UNESCO l’éducation aux médias fait appel à des compétences liées à trois domaines :
- « La production des médias », c’est l’éducation aux médias. Il s’agit d’avoir une idée des modèles économiques en jeu : abonnements, publicité, vente des données personnelles. Mais aussi de comprendre le fonctionnement des médias : fréquence des publications, ligne éditoriale, enjeux autour des supports de publication.
- « Les textes des médias et les environnements ou plateformes en réseau », c’est l’éducation à l’information. L’objectif est par exemple de comprendre le circuit de l’information de la dépêche à l’information publiée pour le public en passant par les choix des sujets.
- « Les publics des médias pour comprendre et expliquer la façon dont ils peuvent être ciblés par les médias et les technologies et la façon dont ils y réagissent activement et dont ils utilisent ceux-ci. » C’est l’éducation à la communication.
Vous voyez comme moi un préalable pour être le citoyen modèle dans le monde des médias : les démarches vont requérir un certain niveau de littératie, voire un niveau certain de littératie…
Un enjeu majeur pour la démocratie
L’histoire de la presse et des médias est très étroitement liée aux droits acquis pour les peuples souverains à s’exprimer librement. Les médias sont très vite devenus des contrepouvoirs, au même titre qu’un parti d’opposition. La vigueur d’une démocratie est indissociable de la qualité des médias qui informent les citoyens… qui eux-mêmes doivent être vigilants dans un contexte médiatique d’infobésité, d’infopollution et de polarisation.
Chacun de nous a sa part de responsabilité, notamment en prenant le temps de discerner, malgré la rapidité des flux d’information et les émotions vives que peuvent susciter des titres choisis pour susciter le buzz.
Nous l’avons vu, la confiance dans les médias a chuté de 10 points au Canada en un an seulement. Mais globalement, le rapport montre aussi une crise de confiance envers les O.N.G. et les gouvernements partout dans le monde. Cette crise se traduit très concrètement par de la censure, de l’autocensure, de fortes polarisations autour de sujets qui réclament de la nuance et l’adhésion plus ou moins marquée à des théories complotistes. Le tout étant diffusé viralement, amplifié et souvent déformé sur les médias sociaux.
Chacun de nous a sa part de responsabilité, notamment en prenant le temps de discerner, malgré la rapidité des flux d’information et les émotions vives que peuvent susciter des titres choisis pour susciter le buzz.
L’état actuel des connaissances ne nous permet pas de connaitre l’entière vérité sur un sujet : il importe simplement de croiser ses sources (plusieurs médias et plusieurs supports), particulièrement lorsqu’une information fait éclater la colère, l’indignation ou même l’euphorie.
Des pistes concrètes
Enquêtez ! Si vous avez des enfants ou que vous en côtoyez, jouez à l’inspecteur avec eux en comparant les sources, en diversifiant les supports. Demandez-vous d’où proviennent les affirmations, pourquoi c’est autant partagé. Amusez-vous à déconstruire une fausse information, qu’elle soit vidéo, image ou texte.
Voici quelques outils pour vous aider : Tiny Eye pour les images et CitizenEvidence pour les vidéos (Amnistie internationale), Les décodeurs (quotidien Le Monde), Décrypteurs de Radio-Canada et #30sec avant d’y croire de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ).
Produire son propre média est aussi un excellent moyen de saisir ce qui est en jeu, car il faut se poser toutes les questions que nous devrions avoir en tête en consommant de l’information : quelle est la raison d’être de ce média, quel choix de support, quel canal, quelle fréquence de parution, quels thèmes, quels financements et à quelles conditions, sur quelles sources se baser pour produire du contenu original.
Le Verbe écrivait récemment être inspiré par Frédéric Ozanam, marchant sur une ligne de crête qui se résume en trois mots : la bonté, la beauté et la vérité de la raison et de la foi. Comme chrétien « consommateur » de médias, notre attitude face à l’information et sa communication demande une bonne dose d’humilité, mais aussi de tempérance pour ne pas surréagir à une information qui suscite en nous une émotion vive.
La prudence est aussi de mise pour tenter de se rapprocher toujours plus d’une vérité, notamment en se confrontant à des informations qui nous dérangent, voire nous heurtent. Ce dernier point demande, disons-le, une certaine dose de courage !