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Photo: Johannes Plenio/Unsplash

Ces églises toujours barrées

On s’est tous déjà cogné le nez sur une porte close alors que l’on désirait entrer dans une église. Que ce soit comme touriste, pèlerin, simple curieux ou paroissien assidu, la réaction en est invariablement une de déception. Parions que les caractères les plus bouillants laissent même échapper quelques mots d’église… 

Tentons d’abord de justifier la situation ou, du moins, d’y répondre comme le feraient les membres des conseils de fabrique ayant décidé de maintenir les lieux clos en dehors des célébrations. 

La première tentative de justification s’appuiera presque toujours sur les exigences de la compagnie d’assurances de la fabrique. Les églises, comme nos maisons, sont assurées contre le feu, les inondations, le vandalisme et le vol. 

Qui quitterait sa maison sans en barrer la porte ? Probablement personne. Et c’est aussi la logique des compagnies d’assurances. Si l’église est ouverte, la présence d’une personne mandatée par la fabrique est requise pour éviter les dégradations et le vol. Personne ne contestera que cette exigence se défend. On ajoutera même que cette mesure évite d’éventuelles profanations des lieux.

Ce qui nous mène rapidement à la seconde justification : les finances. 

Une fausse bonne idée

On nous dira, comme un mantra répété inlassablement depuis des décennies, que la paroisse n’a pas les moyens de payer quelqu’un pour surveiller les lieux comme l’exigent les assurances. 

Et c’est ici que prend fin la discussion dans la vaste majorité des paroisses. L’église va rester fermée, point final. Avec un peu de chance, on ouvrira la porte une heure à l’avance le dimanche matin pour faire aérer un peu avant la célébration eucharistique dominicale…  

La première conséquence de ce type de décision est bien évidemment de nuire à l’accessibilité des services qu’offre une église paroissiale. On repassera pour l’accueil chrétien de son prochain quand le visiteur est physiquement incapable d’entrer dans le bâtiment. 

Car bien avant d’être un lieu de contemplation des beautés artistiques et architecturales attirant les touristes, l’église existe comme lieu d’accueil et de réconfort spirituel. Comment fournir ce réconfort et, osons le dire, évangéliser et porter le message du Christ dans nos paroisses si le symbole le plus visible de ce dernier, l’église, son phare spirituel, est éteint six jours et demi par semaine ? 

Maintenir les lieux ouverts pour accueillir les chercheurs de sens et les touristes semble la chose la plus logique à faire si l’on considère la mission première de l’Église : annoncer l’Évangile.  

Car bien avant d’être un lieu de contemplation des beautés artistiques et architecturales attirant les touristes, l’église existe comme lieu d’accueil et de réconfort spirituel.

Les gains spirituels dépasseront très certainement la «perte financière» que les marguillers peuvent constater au premier coup d’œil. En somme, il faut changer de perspective et voir le salaire de la personne surveillant les lieux comme un investissement. 

Des efforts qui paient

Pour les paroisses situées en milieux urbains et dans les régions touristiques, il est même fort probable qu’elles dégagent une marge bénéficiaire par la vente de lampions, de souvenirs et de visites guidées. 

De plus, des programmes gouvernementaux visant à soutenir les lieux patrimoniaux sont accessibles selon certains critères. Pensons par exemple à Jeunesse Canada au Travail, qui permet aux paroisses de compenser une partie du salaire des guides engagés pour la période estivale. 

Le bénévolat est également l’une des pistes de solutions possibles. À certains endroits, ce sont les paroissiens eux-mêmes qui donnent du temps pour maintenir les lieux ouverts. Dans d’autres cas, ce sont des organisations comme les Chevaliers de Colomb ou les communautés religieuses qui veillent sur les églises. Le but ultime étant de garder le lieu accessible le plus possible.

Certes, maintenir une église ouverte demande des efforts de la part des conseils de fabrique. Il y aura forcément une logistique à mettre en place, des formulaires gouvernementaux à remplir et une nécessaire gestion des ressources humaines. Mais tous ces tracas seront amplement compensés. 

Maintenir les églises ouvertes est financièrement viable, de nombreux exemples existent pour le prouver. Et surtout, cela procure le sentiment de vivre dans une communauté chrétienne vivante. Une communauté pour qui l’église paroissiale est plus qu’un clocher qui marque la trame urbaine. 

Une église ouverte est un lieu d’accueil, de réconfort, de découverte du patrimoine religieux, de transmission du savoir, de culture et d’évangélisation. Bref, un lieu de vie communautaire, en comparaison aux lieux de morts annoncés que sont ces trop nombreuses églises toujours barrées.   

Emmanuel Lamontagne

Emmanuel est historien de l'art et de l'architecture. Il se spécialise en iconographie et en architecture religieuse. Il travaille présentement dans le domaine de la conservation du patrimoine bâti.