Déjà le carême? 40 jours à ne pas mettre de confiture sur les toasts… La revanche n’en sera que meilleure au brunch de Pâques!
Et si le carême était plus que nos privations ?
Jésus inaugure son ministère en plongeant dans les eaux froides du Jourdain. Le Père le reconnait comme son Fils, par qui il veut se réconcilier toute l’humanité. Jésus endosse notre chair, fragile et éphémère, pour triompher de tous les dangers et de tous les égoïsmes. Il veut insuffler son «oui» à Dieu à travers tous nos repliements.
Par le baptême, nous sommes appelés à une union sponsale avec Dieu, pour le meilleur et pour le pire. C’est la promesse de toujours mieux aimer. C’est mourir à soi-même, pour vrai. C’est une grâce reçue que l’on met une vie à déployer.
Mais c’est aussi là que commence le désert. Celui des solitudes angoissées qui ne peuvent plus se laisser tromper par les divertissements. Celui du dépouillement de l’âme jusqu’à la vive douleur, celui qui rend nécessaire l’union au Dieu Sauveur. C’est là que Jésus est conduit par l’Esprit.
Jésus y jeûne, à l’écart. Il y revisite les mémoires d’un peuple qui, pendant 40 ans, s’est préparé à recevoir la Terre Promise. Celle où coule le lait et le miel.
Il aura fallu seulement trois tentatives de l’Adversaire pour que soient « achevées toutes les tentations ». Quelles sont-elles donc, si d’elles seules découlent presque tous nos combats?
Première tentation : la faim du pain et la faim de Dieu
« Leur Dieu, c’est leur ventre! » C’est ainsi que saint Paul apostrophe ceux qui vont jusqu’à s’opposer au Christ pour suivre leurs propres désirs. Qu’en est-il de moi? Entre Dieu que je désire servir et mon ventre qui veut que je le serve, il y a parfois tiraillement. Jésus dira: « l’esprit est ardent, mais la chair est faible ».
Le monde nous renvoie constamment à nos désirs, à notre dimension matérielle. Mais ne sommes-nous pas plus que cela? Le temps que l’on passe à zapper devant la télévision, à scroller sur Internet ou à fouiller dans le garde-manger remplit-il vraiment cet espace qui s’agite en nous?
Entre Dieu que je désire servir et mon ventre qui veut que je le serve, il y a parfois tiraillement.
Il y a en l’humain une soif d’Absolu, que seul l’Infini peut combler.
« L’homme ne vivra pas de pain seul, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu ». La Parole de Dieu nous rend participants à la nature divine, chaque fois qu’elle débusque en nous un mouvement contraire à l’Esprit ou qu’elle nous révèle une nouvelle facette du Mystère. Grignotons-la abondamment : il n’y a pas d’indigestion possible.
Deuxième tentation: quand le serviteur choisit de mener
À défaut de croire que nous sommes bienaimés du Père, on peut vouloir que ce dernier le prouve par sa réponse à nos prières!
Le Tentateur utilise la Parole de Dieu pour inciter le Christ à faire un coup d’éclat, en se lançant en bas du Temple. Mais au-delà de la parole écrite, qu’est-ce que Dieu me dit dans l’instant? Est-ce que, dans la prière, je lui parle comme à un vis-à-vis?
Dieu entend. Dieu veille. Mais Dieu permet aussi la souffrance. Est-ce que je remets ma foi en doute dès que ça ne tourne pas à mon gout ? Est-ce que j’arrête de croire qu’il peut en tirer un bien, pour le temps ou l’éternité, chaque fois que je me plains ?
Oui. « Demandez et vous recevrez ». Mais dans ce sermon sur la montagne, Jésus donne aussi des indications pratiques sur la manière de mener une vie qui plait à Dieu. C’est en conformant nos aspirations et nos désirs à ceux du Père qu’à son tour, il souhaite nous obéir, tel un serviteur.
Troisième tentation : réduire le monde aux dimensions de son égo
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La vie avec le Christ est une dépossession de soi.
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C’est vivre pour le Ciel, les pieds ancrés sur Terre.
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Jésus se fait promettre tous les royaumes terrestres et leur gloire si, devant le Malin, il plie le genou. « Vous ne pouvez servir Dieu et l’Argent trompeur ». L’argent est le moyen de posséder.
Nous pouvons facilement sortir de notre présent, lorsqu’il nous laisse insatisfaits, pour nous projeter dans un bonheur toujours au-devant. Nous pouvons passer ainsi à côté du chemin de liberté, parfois difficile et exigeant, sur lequel nous invite le Seigneur à chaque instant.
Sur cette montagne où est conduit le Christ, on peut être tenté de regarder de haut le monde et ceux qui l’habitent. Et si notre appel était de s’abaisser juste un peu en dessous, pour révéler nos frères et sœurs dans leur pleine grandeur?
Qui perd gagne
S’il est vrai que Dieu s’occupe de tous, plus on s’occupe de ses affaires à lui, plus il s’occupe des nôtres. Ne sont-elles pas ainsi devenues les siennes ? Mais il ne le fait pas toujours de la manière qu’on le voudrait. Naturellement, on se projette dans un bonheur au-dehors, tout extérieur, alors qu’en fait, c’est notre sainteté qui l’intéresse, notre plénitude intérieure.
Et ce dépouillement a un prix. Celui de tout ce qui nous alourdit et dont il faut, au moins pour un temps, se départir afin d’endosser son joug.
Ce joug qui nous mène à Pâques, à la Croix. Quelle folie!
Tendons bien l’oreille durant le carême pour saisir une sagesse qui déjoue nos raisonnements souvent trop humains.