Photo: Jenna Norman (unsplash - CC).
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Appeler une femme une femme


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L’introduction du dernier livre d’Ingrid Bayot, Le quatrième trimestre de la grossesse1, s’ouvre sur un avertissement. L’auteure annonce d’entrée de jeu que « ce livre va surtout parler d’elles, les femmes. » Une telle précision est nécessaire car nous vivons « [à] une époque où il est politiquement correct de ne plus parler des différences sexuelles car elles ont trop longtemps servi à enfermer les femmes dans des attentes culturelles normées ». Le ton est donné.

Pourtant, à titre de sage-femme, Bayot « prend le risque d’affirmer que la période qui va de la conception au sevrage concerne un corps biologiquement féminin, habituellement habité par un être humain qui se considère femme (p. 12) ».

Les femmes au premier plan

Qui aurait cru qu’il faudrait un jour préciser que la grossesse, l’accouchement et l’allaitement concernent les corps biologiquement féminins? Nous en sommes pourtant bien là. Certains acteurs de la société veulent à tout prix effacer les différences entre hommes et femmes, puisque ces différences seraient nécessairement et par elles-mêmes sources d’inégalités.

Photo: Jenna Norman (unsplash - CC).
Photo: Jenna Norman (unsplash – CC).

Or, Bayot affirme qu’« il y a des particularités biologiques incontournables au devenir mère dans un corps féminin. Ce n’est pas en les niant que les femmes vivront mieux (p. 13) ». S’il s’agit là d’une évidence pour certains, on se rappellera qu’une majorité des luttes féministes ont visé et visent encore à abolir non seulement les inégalités entre hommes et femmes, mais leurs différences même. Nous y reviendrons.

L’auteure conclut cependant son avertissement sur une note « inclusive ». Bayot précise que son propos n’exclut pas les couples vivant des « situations atypiques (p. 13) ». Elle invite les couples homoparentaux ou transgenres et même les parents adoptifs à chercher dans son ouvrage de quoi alimenter les premières semaines de vie partagée avec leur enfant.

« Les mixités, tant de genres que des appartenances professionnelles ou des origines culturelles, sont une richesse inestimable (p. 15) » conclut la sage-femme à la fin de son introduction.

Penser la maternité

Pour revenir aux luttes féministes du siècle passé, nous pouvons affirmer qu’elles visaient l’égalité homme-femme par l’imitation par les femmes des comportements et privilèges masculins. Nous pouvons maintenant voter comme nos concitoyens, travailler comme nos collègues, avoir des relations sexuelles « sans conséquences » comme nos partenaires. Nous pouvons même avoir des enfants sans les porter! (Une telle pratique implique généralement l’exploitation d’une autre femme, mais ne vous en faites pas : nous aurons bientôt des utérus artificiels pour nous émanciper de nos corps pour de bon.)

Et pourtant, une majorité de femmes souhaitent encore porter leurs enfants eux-mêmes, et ce, parfois à grand coup (et coûts) de traitements hormonaux et de manipulations médicales. Beaucoup de femmes apprécient leur congé de maternité et souhaiterait même qu’il soit plus long. Certaines femmes en profitent même pour quitter leur emploi, de manière temporaire ou permanente, afin de se consacrer entièrement à l’éducation de leurs enfants.

Sous leurs apparences traditionnalistes, ces femmes sont de vraies révolutionnaires. Ce sont elles qui défient les normes et l’ordre établi. Ce sont elles qui confondent les féministes actuelles, les plaçant devant un « impensé » voire un « impensable », pour reprendre les termes d’Annie Cloutier2.


Ce texte est un complément à notre dossier « Homme et femme », paru à l’hiver 2019. Téléchargez-le gratuitement en cliquant ici.


Malgré la multiplicité de ses manifestations, l’expérience de la maternité est profondément transformatrice. Loin de condamner les femmes à un statut inférieur, cette différenciation profonde avec la gent masculine comble de nombreuses mères d’un bonheur indicible.

La maternité nous pousse à penser un féminisme différentialiste.

Ainsi, la maternité nous pousse à penser un féminisme différentialiste. Après avoir longtemps nié les spécificités féminines et tenté de les effacer par divers moyens techniques (contraception hormonale, exigences normatives professionnelles et sociales calquées sur la masculinité, etc.), la permanence de l’expérience maternelle, du désir même de devenir mère, place de nombreuses féministes dans une position embêtante.

Alors que plusieurs personnes réclament des congés à longueurs égales pour réduire les inégalités entre les hommes et les femmes dans le milieu du travail, je me demande s’il s’agit de la meilleure manière d’appuyer les nouvelles mères dans leurs aspirations les plus profondes.

Doit-on vraiment être traités de manière identique pour être égaux?

Comprendre le quatrième trimestre

Si ces questions vous interpellent, je vous invite fortement à lire Le quatrième trimestre de la grossesse.

Cet ouvrage nous aide à comprendre les besoins physiologiques et psychologique des nouvelles mères et de leur bébé. Bayot propose une vision d’ensemble pour permettre aux familles de mieux planifier et vivre les trois premiers mois suivant la venue au monde d’un enfant.

Photo: Jenna Norman (unsplash - CC).
Photo: Jenna Norman (unsplash – CC).

La première partie du livre fait un panorama historique des manières dont les mères, les familles et les sociétés ont aménagé ce temps tout particulier qu’est le post-partum. Bayot montre bien comment la vision qui prévaut présentement en Occident est déconnectée de nos besoins physiologiques et comment d’autres sociétés sont parvenues à aménager un espace beaucoup plus adapté pour bien vivre ce quatrième trimestre de la grossesse.

La seconde partie du livre décrit et explique les changements qui ont lieu dans le corps et l’esprit de la mère et de son bébé.

Bayot veut faire ressortir la continuité entre la grossesse et le post-partum du côté de la mère, la vie intra- et extra-utérine pour le bébé. Après neuf mois de gestation interne, le quatrième trimestre de la grossesse en serait un de « gestation externe », où la symbiose maman-bébé est encore très forte. Ce lien unique peut être soutenu par des pratiques de maternage proximal comme l’allaitement, le peau-à-peau, le cododo, le portage. Des pratiques vieilles comme le monde qui sont inscrites dans l’ADN de notre espèce.

Si, tel qu’annoncé, le livre se concentre surtout sur le vécu maternel, l’auteure n’exclut pas les besoins des pères, des couples et des familles pendant ce quatrième trimestre. Cela en fait un ouvrage riche d’idées et d’inspiration pour quiconque s’apprête à accueillir un enfant dans son entourage.


Ariane Blais-Lacombe

Ariane est une jeune mère passionnée de périnatalité. Diplômée en sciences politiques, elle aime écrire et réfléchir sur le Québec d’aujourd’hui et son rapport à la vie de famille.