Sainte-Famille
Illustration: Marie-Pier LaRose/Le Verbe

La Sainte Famille de Nazareth, une histoire bien de chez nous

Jésus, Marie et Joseph, tout le monde connait, mais la Sainte Famille de Nazareth, c’est une dévotion qui est moins populaire que ces trois personnages de l’histoire sainte. Pourtant, la dévotion à cette famille exemplaire est une histoire bien de chez nous! Plongeons-nous donc dans cette histoire qui mérite de redevenir vivante.

Le temps de Noël est l’occasion de se voir en famille, de voyager en famille, de manger en famille, de visiter de la famille, d’aller à la messe de minuit en famille, bref de passer du temps de qualité en famille. 

Comme le calendrier liturgique fait bien les choses, une fête tout spécialement familiale trône au milieu de ces solennités entourant la Nativité, la Fête de la Sainte-Famille. Si cette dévotion est un peu moins populaire aujourd’hui, il faut savoir qu’elle a déjà eu son heure de gloire et que les prières par son intercession se sont multipliées dans un Québec pas très lointain.

En fait, c’est une dévotion qui mérite de retrouver ses lettres de noblesse en notre pays: nos pères dans la foi furent les premiers à instaurer cette dévotion de façon officielle. Que nos ancêtres fussent pieux, la toponymie, la ligne d’horizon de nos villes et même les expressions quotidiennes le confessent bien vite, mais savons-nous que nos ancêtres étaient aussi innovateurs dans la foi?

De chez nous à partout

L’historique de la dévotion à la Sainte Famille remonte au Régime français, à une époque où plusieurs traditions nous venaient directement du Vieux Continent, où cette dévotion est déjà présente. C’est à Montréal que le jésuite Pierre-Joseph Chaumonot, missionnaire sur l’ile, eut l’initiative de fonder une confrérie de dévotion à la Sainte Famille pour sanctifier et fortifier les habitants de la colonie.

L’idée venait de Mme d’Ailleboust, épouse de l’ancien gouverneur de la Nouvelle-France, et fut rapidement partagée par les quelques ecclésiastiques au cœur de la toute nouvelle Ville-Marie, notamment Marguerite Bourgeois.  

Or, Montréal n’étant pas encore un diocèse indépendant, ce pieux groupe devait avoir l’approbation de l’évêque du lieu, en l’occurrence Mgr François de Montmorency de Laval. Nos motivés dévots firent donc une neuvaine à saint Ignace pour porter cette intention, débutant en date du 31 juillet 1663, date fondatrice de cette saga. L’étincelle était là, il ne manquait plus que le support de l’évêque pour en faire un brasier ardent de dévotion.

Cet élan fut très bien accueilli par le futur saint François de Laval, ayant lui-même une grande dévotion à la Sainte Famille et ayant déjà placé le séminaire qu’il avait fondé sous son patronage. Rappelant le père Chaumonot à Québec, il approuvera son initiative et c’est dès 1665 qu’il érigera canoniquement la Confrérie de la Sainte Famille, une association de fidèles ayant à cœur cette dévotion.

Ce mandement de l’évêque de Québec recevra bien vite sa première approbation de Rome par le pape Alexandre VII, par une bulle lors de la même année, puis une confirmation par son successeur Clément XI, par l’octroi d’indulgences. Or, sa reconnaissance la plus célèbre sera le 14 juillet 1892 par le pape Léon XIII, qui en fait une fête pour l’Église universelle, dotant même cette fête d’une messe en bonne et due forme, puis en 1921 par le pape Pie XI qui la rend obligatoire pour toute la sainte Église catholique romaine.

Hier…et aujourd’hui !

Si la fête de la Sainte-Famille est quelque peu tombée en désuétude avec la perte de nos repères catholiques, il est plus que jamais opportun de retrouver la valeur de la famille de nos jours, ce que pourrait avantageusement nous apprendre cette dévotion. Laissons Mgr de Laval nous instruire par les statuts de la Confrérie, exposant synthétiquement l’essence de ce pieux exercice:

«Le dessein et la fin de cette dévotion est d'honorer la Sainte Famille de Jésus, Marie et Joseph, et les saints Anges et de régler les ménages chrétiens sur l'exemple de cette sainte Famille, qui doit être le modèle de toutes les autres; de sanctifier les mariages et les familles; d'en exclure le péché […], d'y établir les vertus chrétiennes, particulièrement la chasteté, l'humilité, la douceur, la charité, l'union des cœurs, la patience dans les tribulations et la vraie dévotion: et par ce moyen de peupler la terre et le ciel d'enfants de Dieu, qui loueront et béniront éternellement leur Père céleste. […] C'est à cela que doivent tendre et contribuer toutes les âmes dévotes à la sainte Famille, comme le moyen le plus efficace pour la faire honorer.»1

Paul-Émile Durand

Jeune québécois passionné d'histoire, de philosophie et de théologie, Paul-Émile Durand chemine comme séminariste dans le diocèse de Montréal. Marqué par une formation en philosophie à l’université Laval et de trois ans au séminaire d’Ars, il s’intéresse à notre culture québécoise et à ses racines, qu’elles soient lointaines ou récentes.