Photo: Mill Valley, Californie, États-Unis d'Amérique. Emilce Giardino / Unsplash - CC.
Photo: Mill Valley, Californie, États-Unis d'Amérique. Emilce Giardino / Unsplash - CC.

« Roadtrip » chez les chrétiens d’Amérique

Pour tout chrétien marri et mortifié par la déchristianisation de l’Occident, le phénomène des églises en croissance a de quoi surprendre, fasciner, puis ébaudir. À contrecourant des tendances prévalant par exemple en France, où la pratique dominicale est au plus bas (seulement 3% des baptisés vont à la messe le dimanche), il interpelle ceux des fidèles qui, à l’instar d’Agathe et Jean-Baptiste Bonavia, rêvent d’une Église florissante, en mesure de répandre la bonne odeur du Christ entre ses murs d’abord, et ensuite au-delà. Compte-rendu de In Church we trust.

Ayant ouï parler de la vitalité et du dynamisme missionnaire de certaines églises américaines catholiques et évangéliques, ce couple de jeunes Français, fervents pratiquants et fraichement mariés, s’est offert un voyage de noces original. Pour souligner la fondation sacramentelle de leur amour, les Bonavia auraient pu choisir d’aller se la couler douce aux Seychelles ou à Bora Bora, mais ç’aurait été d’un tel conformisme! Alors non merci.

Ils ont plutôt opté pour un voyage de 32 000 km en Dodge Caravan aux États-Unis. Leur but était de voir de près les bonnes pratiques en usage dans les communautés chrétiennes les plus vibrantes d’Amérique. Au retour de leur périple de plusieurs mois, ils ont pris le temps de faire part de leurs découvertes dans In Church we trust (Artège, 2018), un petit bouquin qui invite à se laisser inspirer par l’exemple du meilleur christianisme américain.

De véritables églises en sortie

Le livre se présente comme une sorte de long reportage divisé en deux parties. La première concerne la vie des paroisses et fait état des initiatives, choix stratégiques, pratiques pastorales et techniques managériales à l’origine du dynamisme des milieux visités. La seconde expose quelques-unes des voies empruntées par les communautés paroissiales pour être de véritables églises en sortie, témoignant de l’amour du Christ dans le monde.

Ce qui a d’abord frappé les jeunes époux en voyage d’exploration aux États-Unis, c’est le degré de professionnalisme des équipes pastorales chargées d’animer la vie paroissiale. Ce professionnalisme se manifeste non seulement dans l’accomplissement des tâches proprement pastorales (liturgie, formation à la vie chrétienne, œuvres caritatives, etc.), mais aussi dans la gestion des ressources humaines et financières des communautés.

L’essor des paroisses s’explique toujours, en dernière analyse, par la vie de la grâce.

Certes, l’essor des paroisses s’explique toujours, en dernière analyse, par la vie de la grâce, et nul témoin interrogé par le couple français ne l’ignore (l’un plante et l’autre arrose, mais c’est Dieu qui fait croitre). Toutefois, nul non plus ne doute qu’il faille emprunter à la culture organisationnelle du monde du travail, axée sur l’efficacité, les principes et les méthodes qui permettent à des dirigeants compétents de faire progresser leur organisation.

Malheureusement, l’apprentissage des fondamentaux du management ne fait toujours pas partie de la formation de base des leadeurs ecclésiaux. Comme si, dans le plan de Dieu, la grâce n’avait pas à s’appuyer sur la nature pour faire advenir le royaume. Comme s’il suffisait de s’abandonner langoureusement à l’Esprit pour que tout soit accompli. Comme si la vie pastorale n’exigeait pas d’agir en fonction d’une vision et d’une stratégie clairement définies.

Petits groupes, paroisse croissante

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Voici quelques-unes des bonnes pratiques observées par les Bonavia tout au long de leurs pérégrinations: le recours fréquent à l’expertise extérieure offerte par divers organismes spécialisés; la formation des prêtres au management et au leadeurship; une gestion du personnel qui s’appuie sur le discernement et l’exploitation des talents; l’étude statistique du terrain pastoral; des méthodes poussées d’évaluation de la santé des paroisses.

Le développement d’une vision ecclésiologique et d’une stratégie pastorale globale, suivant l’exemple du pasteur baptiste Rick Warren, fondateur de l’église de Saddleback en Californie, figure aussi en bonne place dans l’ouvrage. L’évangélisation efficace, enseigne l’équipe de Saddleback, ne va pas non plus sans une conscience aigüe des enjeux de la communication (étude du profil et des besoins des évangélisés, adaptation du message au groupe ciblé).

La liste des initiatives les plus fécondes se prolonge: une démarche d’accueil, une musique liturgique et des homélies particulièrement soignées; des parcours de formation à la vie chrétienne pour toutes les tranches d’âge; le développement intégral des disciples-missionnaires à l’intérieur de petits groupes fraternels; le recours à des supports de formation multimédia comme ceux de l’Augustine Institute de Denver (FORMED et Lighthouse Catholic media), etc.

L’évangélisation en Amérique

In Church we trust mentionne encore bien d’autres succès ecclésiaux.

Le livre nous donne, en somme, un aperçu de l’écosystème ecclésial américain, de sa « flore » la plus attrayante. L’écart culturel évident qui sépare une Amérique étasunienne encore très chrétienne et un monde francophone vidé de sa substance religieuse ne devrait pas nous servir d’excuse pour nous dispenser de lire l’ouvrage.

Qui, en effet, peut sérieusement refuser, aujourd’hui, une invitation à sortir de l’ornière des vieilles habitudes stériles perpétuées par une Église à bout de souffle?

Dans le cas du Québec, des passerelles existent d’ailleurs déjà – ou sont prêtes à être (re)lancées – entre les deux mondes. Les Chevaliers de Colomb (pp. 88-91) font partie de notre paysage communautaire depuis longtemps, tandis qu’une organisation comme FOCUS (pp. 99-101), qui évangélise sur les campus universitaires, peut être relayée chez nous par le mouvement canadien Catholic Christian Outreach, déjà actif dans une université anglophone de Montréal (et même présent durant un temps – trop court – à l’université Laval).

À lire, donc, pour ceux qui veulent faire une première incursion rapide dans l’univers des églises en croissance et constater par-là qu’en marge et au-delà d’un déclin qui suivra jusqu’au bout sa logique, l’Église est déjà riche de vie et grosse de mille germinations.

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Agathe et Jean-Baptiste Bonavia, In Church we trust, Artège, 2018, 128 pages.

Alex La Salle

Alex La Salle a étudié en philosophie, en théologie et détient une maîtrise en études françaises. Il travaille en pastorale au diocèse de Montréal.