Nous le savons tous, plusieurs églises ont été fermées, vendues, démolies ou transformées depuis une trentaine d’années. Récemment, c’est l’église Saint-Cœur-de-Marie, sur la Grande-Allée à Québec, qui faisait les manchettes. Chaque fois qu’une telle situation se présente, la même question surgit : que faire de nos églises?
D’abord, voici quelques statistiques au niveau local pour amorcer notre réflexion.
En 1995, le diocèse de Québec était composé de 269 paroisses. En janvier 2019, ce nombre est passé à 38. La diminution est flagrante et il en va de même pour le nombre de lieux de culte.
À ce jour, il reste 227 églises paroissiales dans le diocèse de Québec. De ce nombre, 4 sont présentement fermées au culte et à vendre. Il y a également 11 autres églises qui sont jugées excédentaires par le diocèse, mais qui demeurent, pour le moment, ouvertes au culte.
Il est donc raisonnable de penser que, d’ici quelques années, il y aura moins de 200 églises « actives » dans le diocèse de Québec.
L’inventaire immobilier actuel comprend également 99 presbytères que l’on retrouve un peu partout dans les paroisses ayant été fusionnées. Depuis 1980, c’est 48 églises et 165 presbytères qui ont été vendus par les diverses fabriques du diocèse de Québec.
Le constat est le même si l’on considère l’ensemble des diocèses du Québec1.
Quelles sont les options?
Au-delà du constat statistique la question qui se pose est que faire des églises excédentaires?
Commençons par une vérité choquante pour plusieurs personnes : il y a certains bâtiments abandonnés par le culte que l’on pourrait simplement raser et remplacer par un édifice neuf. C’est d’ailleurs le cas de la majorité des églises ayant été cédées par les divers diocèses catholiques du Québec.
Il serait faux de penser que tous les lieux désaffectés par l’Église catholique ont une valeur égale d’un point de vue patrimonial. Il est donc normal que des édifices sans valeur patrimoniale et n’ayant plus d’usage soient démolis et remplacés.
Ceci étant dit, il y a des lieux – prenons l’exemple de l’église Saint-Jean-Baptiste, située dans les faubourgs de Québec, fermée au culte – qu’il serait impensable de simplement démolir étant donné leur valeur patrimoniale inestimable.
L’État québécois reconnait d’ailleurs la valeur patrimoniale de plusieurs églises. Celles-ci ont été classées dans un répertoire national du patrimoine culturel et elles bénéficient d’une protection juridique.
En somme, un promoteur ne peut pas acheter une église classée patrimoine par le gouvernement dans le but de la modifier lourdement ou de simplement raser l’édifice pour y construire une tour de condo.
Le nerf de la guerre, en ce qui concerne les églises délaissées par le culte, est l’usage.
Mais au-delà du statut juridique particulier qui protège de la démolition, rien ne règle le problème de fond. Le nerf de la guerre, en ce qui concerne les églises délaissées par le culte, est l’usage.
Même si demain matin on classait toutes les églises du Québec on demeurerait avec le même problème, c’est-à-dire avec une infrastructure bâtie, souvent mal en point, nécessitant d’importantes ressources financières et pour lesquelles la communauté n’a aucun usage.
À quoi bon investir des millions dans un édifice, même à haute valeur patrimoniale, si finalement il ne sert à rien et que personne ne le fréquente?
Églises rurales et églises urbaines
En région, le problème de la conversion vers d’autres usages est souvent beaucoup plus facile à régler.
L’ancienne église du village pourra plus facilement être convertie, par exemple, en salle communautaire ou en bibliothèque. En effet, de telles infrastructures sont souvent inexistantes en milieu rural. Le bâtiment abandonné par le culte demeure utile à la communauté puisqu’il trouve ainsi un nouvel usage.
Il ne faut pas se leurrer, plusieurs églises rurales ayant été converties auraient simplement été démolies en zone urbaine. N’ayant pas d’utilité ni de valeur patrimoniale particulière dans bien des cas, donc pas de classement, le bulldozer serait passé sans tarder afin de libérer le terrain. C’est toujours l’usage futur qui va d’abord sauver un bâtiment.
En milieu urbain, il faut être beaucoup plus original pour trouver des usages aux édifices religieux délaissés par les fabriques.
Pour un certain nombre de ces édifices, qui demeure toutefois marginal statistiquement, la solution est de conserver la vocation religieuse en changeant de dénomination. Pensons par exemple à certaines églises fermées par le diocèse catholique de Montréal, reconverties en églises de diverses dénominations protestantes.
Si l’on exclut le changement de dénomination pour se concentrer sur le changement d’usage, on constate rapidement que la densité de population en milieu urbain fait en sorte que la plupart du temps, le milieu est déjà doté d’infrastructures répondant aux besoins de la population.
Il serait insensé de penser transformer toutes les églises désaffectées en bibliothèque urbaine moderne et majestueuse comme ce fût le cas à Québec dans le secteur Sainte-Foy avec l’église Saint-Denys-du-Plateau, maintenant connue comme bibliothèque municipale Monique-Corriveau.
Appel à la créativité
Le défi est d’être original pour trouver des usages aux bâtiments.
L’École de cirque de Québec construite dans l’ancienne église Saint-Esprit, à Limoilou, est un bel exemple. Le spa aménagé dans l’ancienne église du Sanctuaire du Rosaire et de Saint-Jude sur la rue Saint-Denis à Montréal est une autre belle réussite de conversion.
Il n’y a cependant pas de solution miracle qui s’appliquera à toutes les églises abandonnées par le culte.
Les prochaines années seront donc le théâtre d’une profonde réflexion collective à savoir quel usage donner au patrimoine religieux bâti que nous aïeux nous ont légué.