La Nativité revisitée, c’est ce que propose le réalisateur DJ Caruso – et Netflix – depuis le 6 décembre. Cette adaptation du récit millénaire a-t-elle quelque chose de nouveau à présenter? Joseph. Marie est essentiellement un film sur Joseph.
À quelques semaines de Noël, c’est définitivement le bon moment pour suivre Marie et Joseph entre Nazareth et Bethléem jusqu’à la crèche où tout a commencé. Mais dans quel but ? Le réalisateur, DJ Caruso, a donné plusieurs entrevues où il explique sa démarche, mais elle se résume en ceci : humaniser Marie et Joseph. Il souhaite les rendre plus accessibles, notamment à la jeune génération. Pari tenu, puisque de fait, Marie et Joseph sont humanisés. Il y a en plus de l’action, de la violence, du suspense : presque tous les codes sont respectés pour un bon film, version 2024.
Le scénario met dans la bouche de plusieurs personnages la phrase « rien n’est impossible à Dieu » (Luc 1,37), et c’est bien ce filon qu’exploite le film. Les drames sont nombreux et les protagonistes s’en sortent souvent in extemis. L’Hérode d’Anthony Hopkins est vicieux et d’une rare méchanceté, même si l’acteur semble performer en mode automatique. On l’a peut-être trop souvent vu interpréter ce genre de rôle pour apprécier son jeu ? Et l’absolue cruauté du général Marcellus est malheureusement difficile à saisir. En fait, le film est à l’image de ses vilains : sans nuance.
Plusieurs failles
L’histoire nous laisse sur notre faim en partie pour cette raison. À trop chercher l’humanisation, le sens du récit se perd et on peine à y adhérer pleinement. À moins d’être initié, il manque une clé de lecture. L’aspect mystique n’est pas complètement occulté, mais il n’est présent qu’en filigrane. On voit l’ange Gabriel et Lucifer, on comprend que le peuple juif attend un messie, que ce sera l’enfant de Marie et que les forces du mal sont prêtes à tout pour que le plan échoue. Pourquoi ce messie est-il important ? Le film ne le dit pas. Une toute petite phrase à la fin le sous-entend. Mais c’est trop peu, trop tard. Le spectateur non croyant risque de rester perplexe.
C’est une grande lacune, car ce film s’adresse spécifiquement à la jeune génération. Le réalisateur a puisé dans des sources non reconnues, comme le Protévangile de Jacques, pour palier le peu d’information contenue dans la Bible, mais il a laissé de côté quelques éléments connus. Pourquoi ? Les décisions de Marie et Joseph ne sont pas moins libres et personnelles parce qu’inspirées par un songe ou un ange. Par exemple, dans le récit biblique, Joseph est averti deux fois en songe du plan de Dieu pour la suite, mais le film ne les représente pas. Les motivations sont donc difficiles à saisir, tout comme l’attachement de Joseph pour Marie.
Et Joseph. Que dire ? Il est vrai qu’on a souvent l’impression qu’il est le grand oublié de l’histoire. Le réalisateur voulait lui donner une voix et une présence plus grande et, à priori, c’est une excellente idée. Seulement, le Joseph qu’il présente est impulsif et colérique. On est loin de l’homme sage et averti que laisse entrevoir les sources bibliques. Ici, Joseph ouvre un chemin pour son fils adoptif à coup de poing et de glaive. Sa place est prépondérante et Marie, bien qu’elle soit la figure principale du film, semble bien effacée en comparaison.
Alors, à qui s’adresse ce film ? Aux jeunes et adolescents issus de familles croyantes, mais qui ont du mal à trouver leur place dans un monde aux antipodes de la foi. Le combat de Joseph – et Marie –, l’adversité constante qu’ils doivent affronter pour rester fidèle à leur foi leur parlera peut-être. Le film soulève plusieurs questions, cela dit; il serait bien de le voir en famille pour en discuter ensuite. Attendez toutefois que les plus petits soient couchés, car les scènes de violence sont parfois intenses. Mary n’est pas un mauvais film, mais il n’atteint pas vraiment sa cible et sera probablement oublié après Noël.