Jordan
Photo : Kip-koech / Flickr

L’évangile selon Air Jordan

Sortie en pleine pandémie, la série The Last Dance a su tenir un nombre record de téléspectateurs sur le bout de leur chaise pendant cinq semaines d’affilée. Analyse d’une série documentaire retraçant la saison 97-98 des Chicago Bulls et de leur star, Michael Jordan.

2020 restera pour longtemps dans les annales. La crise sanitaire à l’échelle mondiale ne laissera personne indifférent. Il y a cependant deux événements dignes de mention qui ont marqué le monde du sport et de la culture, notamment dans le giron du basketball professionnel : la mort tragique de Kobe Bryant, de sa fille et de 7 autres passagers dans un écrasement d’hélicoptère à la fin janvier, et la sortie de la série documentaire The Last Dance en pleine pandémie. 

The Last Dance (La Dernière Danse) est le nom donné par l’entraîneur Phil Jackson à son « plan de match » pour la saison 97-98 des Chigago Bulls, qui s’annonçait justement être la dernière au sein de l’organisation pour le coach lui-même ainsi que pour une bonne partie des joueurs. 

La docu-série haute en couleur, regorgeant d’images inédites, d’entrevues, de rebondissements et de coups de surin, aura tenu un nombre record de téléspectateurs sur le bout de leur chaise pendant cinq semaines d’affilée. 

L’évangile du basketball

Pour les jeunes et moins jeunes, la série est une façon de vivre (ou de revivre) les faits et actes d’une dynastie qui a marqué pour toujours le monde du sport, mais surtout de se plonger dans la genèse d’une légende vivante et de suivre son ascension spectaculaire.

En constante recherche d’excellence, Michael Jordan ne s’arrêtait pas avant d’avoir donné le meilleur de lui-même, et même plus. Son éthique de travail et son acharnement pourraient être d’un grand secours transposés dans la vie spirituelle. 

En jouant sur la chronologie, le réalisateur Jason Hehir nous fait voyager dans le temps. Il met en parallèle la saison mythique, les heurs et malheurs de Michael Jordan, de ses comparses et de leurs adversaires acharnés pendant plus de 14 ans. 

Cet évangile du basket selon Air Jordan aura fait beaucoup réagir, suscitant de nombreuses controverses et ranimant de vieilles chicanes qui couvaient sous la cendre depuis plus de deux décennies. Essayons de lever un coin de voile et de découvrir le personnage qui se cache entre les aveux, la fiction et l’histoire.

Qui est Michael Jordan ? 

Michael Jordan est avant tout une obsession ambulante. Il incarne à merveille le dicton populaire du « Aide-toi et le ciel t’aidera ! ». Il a élevé la compétition à un autre niveau, surtout celle qui se joue avec soi-même. Pour être comme Mike, il n’y a aucun passe-droit. Il y a du talent certes, mais surtout de nombreux sacrifices. Toute sa carrière durant il a payé chèrement le prix de son succès : auto-isolement, solitude, éthique de travail surhumaine et beaucoup d’incompréhensions. 

Jordan n’est en aucun cas un saint. Il a tyrannisé ses coéquipiers, jusqu’à décocher une droite à l’un d’eux à l’entraînement. Son caractère obsessif et compétitif ne lui offrait aucun repos. Il était toujours en quête de victoires, que ce soit pour une simple partie de cartes, sur un terrain de tennis ou de golf, comme lors d’une finale de la NBA.

Celui que l’on appelait le « Black Jesus » a pourtant toujours prêché par l’exemple. Et si on l’a taxé d’intimidation à plusieurs reprises et stigmatisé son caractère pas possible, ce n’était que la part d’ombre de celui que l’on peut croire être le plus grand athlète de tous les temps et sa façon d’élever avec lui son entourage. 

Jordan fils

J’ai été particulièrement marqué par la relation filiale qu’entretenait Jordan avec ses parents, notamment avec son père. Ce dernier a été une figure importantissime dans la vie du jeune Michael et tout au long de sa carrière professionnelle, et ce jusqu’à la fin tragique du patriarche, assassiné en juillet 1993. 

Il a été un constant soutien, une source d’inspiration et le confident de celui qui ne savait pas où poser la tête tant il était exposé de partout, toujours mis au centre. Le père Jordan a éduqué le fils. Il l’a aidé à faire son chemin à travers le monde et surtout à garder la tête froide face aux méandres du succès. 

La série fait bien ressortir cette complicité père-fils et tout le bien qu’une telle relation peut apporter dans une vie qui sort autant de l’ordinaire, mais qui a besoin d’assises à l’instar du commun des mortels. – Ce qui pourtant n’est pas anodin dans une culture comme la nôtre qui a éjecté la figure paternelle de la scène publique, le patriarcat étant la cause de tous les maux de notre époque…

Jordan parmi nous

Soyons clair, Jordan n’a rien de Jésus. Jordan est un homme, un pécheur. Il a besoin de se convertir, c’est-à-dire de s’ouvrir à ce qui dépasse son entendement et laisser l’Esprit Saint rectifier sa vision du monde jour après jour, comme vous et moi. Mais à sa façon, Jordan est un homme d’espoir et de foi. Il a laissé son cœur sur le parquet et il a maîtrisé son art avec brio et éclat. En constante recherche d’excellence, il ne s’arrêtait pas avant d’avoir donné le meilleur de lui-même, et même plus. Son éthique de travail et son acharnement pourraient être d’un grand secours transposés dans la vie spirituelle

On a accusé Jordan de réécrire l’histoire, de régler ses comptes à distances et de fourvoyer le public. Ce qui est sûr, c’est qu’il avait le gros bout du bâton dans la série, qu’il menait le bal. Il a pu s’arranger avec le gars des vues pour annoncer sa bonne nouvelle. Il n’en reste pas moins que le résultat du début à la fin est saisissant.

L’échange entre Phil Jackson et Michael Jordan après la légendaire victoire de la sixième partie des séries de 98, la victoire qui clôt La Dernière Danse, a quelque chose d’émouvant et je crois qu’envers et contre tous, il rend hommage à cet athlète exceptionnel et à l’homme qui se cache derrière : 

Phil Jackson : Oh, my God ! That was beautiful! What a finish ! /Oh, mon Dieu ! C’était magnifique ! Quelle finale !
Jordan : I had faith! /J’avais la foi !
Phil Jackson : I’ll bet you did, God bless you! /Je parie que tu l’avais, Dieu te bénisse !


Emmanuel Bélanger

Après avoir commencé son cursus théologique et philosophique au Liban, Emmanuel Bélanger a complété son baccalauréat en philosophie à l'université pontificale Angelicum. Sa formation se ponctue de diverses expériences missionnaires au Caire, à Alexandrie, au Costa-Rica et à Chypre.