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© MK2 Mile-End

L’apparition: les preuves à l’épreuve

L’intérêt pour le catholicisme au cinéma est bien réel depuis quelques années et c’est au tour du réalisateur français Xavier Giannoli de nous proposer un film aussi réaliste qu’énigmatique, L’apparition, qui sortira le 20 avril prochain au Québec.

Jacques Mayano (Vincent Lindon), grand reporter pour un quotidien français, revient du Moyen-Orient où il vient de perdre son meilleur ami et collègue.

Devenu en partie sourd à cause d’une explosion, il se mure chez lui, abattu et fragile. C’est alors qu’il reçoit un mystérieux coup de fil du Vatican. On l’informe qu’une jeune femme de 18 ans, Anna, vivant dans le Sud de la France, prétend avoir eu des apparitions de la Vierge Marie. Jacques, agnostique, accepte de devenir membre de la commission d’enquête chargée de faire la lumière sur ces évènements.

L’Enquête authentique

L’intérêt et l’originalité du film réside surtout dans le fait que le cinéaste montre un aspect de l’Église certainement ignoré de la plupart des gens: la commission d’enquête canonique.

Cette dernière consiste à rassembler des experts (autant des prêtres, des théologiens que des psychiatres, des historiens, parfois des journalistes) qui, au bout de plusieurs mois – voire des années – d’investigations scientifiques, devront remettre leurs recommandations aux autorités ecclésiales en faveur ou en défaveur d’un cas surnaturel supposé. Par cas surnaturel, on entend la plupart du temps, un miracle (souvent une guérison) ou une apparition.

Contrairement à certains films trompeurs, basés sur des best-sellers où l’on tente de prouver avec complaisance et maints rebondissements ésotériques et semi-historiques que l’Église serait un grand complot contre l’humanité, ici, on applaudit vivement la démarche du cinéaste qui a fait ses devoirs : L’apparition est un vrai suspense !

Manifestement habité par un désir de vérité humaine, Xavier Giannoli nous propose une œuvre crédible, appuyée en amont par des recherches rigoureuses sur ce processus d’investigations de l’institution catholique.

Dans le dossier de presse du film, le cinéaste dira même que «ce point de vue d’une enquête documentaire sans complaisance sur des preuves supposées de l’existence de Dieu correspondait à ce que je ressentais alors dans ma vie, au doute essentiel qui était devenu le mien. Ce doute est devenu une force de vie et de cinéma ».

Jacques et Anna

L’autre point fort du film se situe dans la relation d’amitié qui se noue entre Jacques et Anna,  magnifiquement interprétés par Vincent Lindon (solide) et Galatea Bellugi (une révélation), mais surtout dans la transformation intérieure de Jacques, confronté à la question de la transcendance devant la foi sincère et émouvante de la jeune voyante (1). Cette rencontre, tout en douceur, change son regard en profondeur.

Plus le film avance, en effet, plus le journaliste remet en question ses certitudes. Tout en restant sur le seuil de la foi, cette expérience le fait cheminer et c’est avec une humilité touchante qu’il finit par s’incliner devant le mystère, lui qui a passé sa vie à dire avec ardeur «je veux des faits, des preuves! ».

C’est grâce à ce réalisme en apparence assez froid que la possibilité du surnaturel surgit dans la trame narrative. Le directeur photo du film (Éric Gautier) laissera d’ailleurs échapper cette magnifique phrase qu’il a su honorer avec ses images «il faut commencer par filmer les apparences du réel pour accéder à une éventuelle grâce, filmer le poids des corps pour révéler l’âme» (2).

Notons par ailleurs la musique de Arvo Pärt qui, comme toujours, contribue à hausser le niveau spirituel de l’ensemble.

Rythme et dénouement

Divisé en chapitres et traversé par d’excellents dialogues, le film respecte avec brio le rythme du récit : le montage sert  la lenteur de la rencontre autant qu’il crée chez le spectateur un sentiment d’attente impatiente vers le dénouement.

La tension dramatique est bien amenée; toutefois, le scénario, imbriquant une deuxième intrigue à la première, arrive à moins convaincre en nous présentant une certaine Mériem, amie proche d’Anna, autour de laquelle tourne finalement le nœud de l’histoire. À la fin, nous avons peine à croire à la démarche de ce personnage.

Reste que c’est un film très recommandable, ne serait-ce que pour les deux importantes portions évoquées plus haut.

* * *

L’Apparition . Drame de Xavier Giannoli Avec Vincent Lindon, Galatéa Bellugi et Anatole Taubman. 2h18.

Nous sommes fiers de soutenir L’APPARITION de Xavier Giannoli qui sortira au cinéma le 20 avril prochain à Montréal, Québec, Sherbrooke, Trois-Rivières, Boucherville et Gatineau.

En collaboration avec MK2/Mile-End, distributeur de films d’auteur nationaux et internationaux.

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Notes:

(1) On appelle voyant(e) toute personne qui dit avoir vu Jésus, la Vierge Marie ou un saint.

(2) Citation prise dans le dossier de presse du film.

Stéphanie Chalut

Stéphanie Chalut détient une maitrise en arts visuels de l'Université Laval (2012), ainsi qu'un baccalauréat à l'UQAM (1999) dans le même domaine. S'intéressant à l'image et au récit, sa pratique d’artiste depuis englobe surtout le dessin, mais depuis 2015, l'artiste a fait un retour au 7e art. Son court-métrage (2020) a été présenté en au Cinema on The Bayou Film Festival et au Winnipeg Real to Reel Film Festival​. Ses préoccupations tournent de plus en plus sur les questions spirituelles. Elle poursuit son travail tout en prêtant ses services en tant que coordonnatrice artistique et culturelle dans la fonction publique. www.stephaniechalut.com