Homme de Dieu
Photo: Marilena Anastasiadou Photography

Saint Nectaire, l’homme de Dieu

Un texte d’André LaRose

Présentement à l’affiche dans un seul cinéma au Québec, le film L’homme de Dieu (v.o.a. Man of God) relate l’histoire d’un prêtre orthodoxe grec, saint Nectaire d’Égine (1846-1920), thaumaturge, reconnu pour sa piété, son humilité, sa fine connaissance des Écritures — et des cœurs — et sa proverbiale bonté envers autrui.

Un mot d’abord sur la réalisatrice. Yelena Popovic, originaire de la Serbie, émigre aux États-Unis à la fin de son adolescence et devient mannequin. Grâce à ses contacts à Hollywood, elle commence à écrire des scénarios pour des films à l’âge de 22 ans.

Poursuivant sa formation pour devenir actrice (figurant, entre autres, lors d’une brève apparition avec Tom Hanks dans Seul au monde, 2000), elle décroche, à titre de réalisatrice, le prix du public dans un festival de films indépendants à New York, pour son film L. A. Superheroes (2013), dont le scénario s’inspire des évènements qui ont marqué son apprentissage des rouages de l’industrie du cinéma en Amérique.

À travers diverses épreuves personnelles, elle renoue avec la foi de son enfance et fréquente une église orthodoxe serbe en banlieue de Los Angeles. De retour à Belgrade en 2012, Popovic lit St. Nektarios of Aegina — Earthly Angel Heavenly Man. Émue et vivement interpelée, elle n’a qu’un souhait : porter au grand écran la vie de cet homme hors du commun.

L’homme de Dieu raconte donc la vie d’un moine (interprété par Aris Servetalis) devenu prêtre et évêque métropolite au Caire. Après une brève période dans ses nouvelles responsabilités, il est appelé par le Synode du patriarcat orthodoxe d’Alexandrie à quitter ses fonctions pour des motifs qui ne lui sont pas dévoilés. Voilà la trame de fond de l’histoire.

Vulnérabilité en images

Au fil du récit, on découvre un homme à la physionomie austère et au regard pénétrant, mais habité d’une présence bienfaisante : il prodigue conseil et consolation auprès des personnes qu’il rencontre lors de ses périples dans la cité… jusqu’à s’assoir par terre auprès d’un mendiant après lui avoir demandé sa permission !  

Les plans rapprochés et quelques scènes en caméra portée, appuyés par la trame sonore vibrante du Polonais Zbigniew Preisner (qui signe aussi la musique de L’arbre de la vie de Terrence Malick, 2011), permettent au cinéphile de bien saisir l’humanité de ce prêtre. La réalisatrice a su capter à merveille la vulnérabilité de cet homme dont transpire une réelle intimité avec Dieu : son oraison, sa rencontre et ses dialogues avec le Seigneur nous touchent, nous laissent bouche bée.

Mais son ascétisme, sa proximité avec le peuple et sa capacité à gagner la sympathie d’un bon nombre, dont les Arabes musulmans, ne suscitent guère l’enthousiasme des ecclésiastiques gravitant autour du patriarche orthodoxe grec Sophronios d’Alexandrie. Le temps de Nectaire est compté. Sans procès ni explication, il sera expulsé d’Égypte en 1891.

Respirer avec les deux poumons

L’homme de Dieu nous amène à constater la trempe exceptionnelle de cet homme, qui est fort exigeant envers lui-même, et qui va jusqu’à accomplir les travaux manuels les plus rudes et les besognes habituellement réservées aux paysans sans instruction.

Sa démarche nous étonne : il ne cultive aucune rancœur. Nectaire n’élève point la voix et ne profère aucun propos désobligeant, ni à l’égard de la hiérarchie de l’Église orthodoxe, ni à l’égard des autorités civiles, ni à l’égard de quiconque, malgré les calomnies qui perdurent à son sujet et qui se répandent au gré des humeurs changeantes de certains fidèles depuis son exil de l’Égypte.

Il tient le coup, selon toute vraisemblance, par une vie de prière intense où pleurs et larmes fusent à tout moment. Il suscite de l’admiration parmi les séminaristes à sa charge en acceptant des privations qu’eux-mêmes n’oseraient s’infliger, ou encore lorsqu’il accueille l’élan de ferveur chez ses filles spirituelles en vue de fonder une communauté religieuse.

Après son expérience comme directeur d’école, il choisit de se retirer comme « moine confesseur » et d’ainsi soutenir la jeune communauté de moniales établie depuis quelques années déjà sur l’ile d’Égine, non loin d’Athènes. Atteint d’un cancer de la prostate, il meurt à l’hôpital, à 74 ans, dans une chambre qu’il partage avec un homme blessé ayant perdu l’usage de ses jambes (joué par Mickey Rourke). Chez les deux, Dieu aura le dernier mot.

Nectaire d’Égine est officiellement reconnu saint par le Patriarche œcuménique de Constantinople en 1961. Il a fallu attendre jusqu’en 1998 pour qu’il soit réhabilité dans son rang ecclésiastique par le Patriarche d’Alexandrie.

Saint Jean Paul II nous dit que « l’Église doit respirer avec ses deux poumons », c’est-à-dire avec le christianisme occidental et le christianisme oriental. L’homme de Dieu nous donne l’occasion d’élargir nos horizons en nous inspirant de la vie de saint Nectaire d’Égine.

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