Held By Trees
Photo: Courtoisie de David Joseph.

David Joseph: «Toute ma musique découle de la louange et de l’adoration.»

David Joseph, le musicien à l’origine du projet collaboratif Held By Trees, a rassemblé autour de lui des vétérans ayant déjà travaillé avec Pink FloydBlurDire StraitsLed Zeppelin et Talk Talk. Il a donné au Verbe, presque un mois avant la sortie de leur premier album, un accès privilégié à celui-ci ainsi qu’une entrevue exclusive dans laquelle il nous parle de sa démarche artistique et de la dimension spirituelle de sa musique.

De légers pépiements d’oiseaux, des croassements de corbeau dans la distance, une note de piano surgie du silence, puis le souffle prolongé d’une flute. C’est ainsi que débute Solace (« consolation » en français), le premier album d’Held By Trees. Il ressort de cette œuvre une musique contemplative, souvent délicate, toujours attentive au détail.

Le projet est né peu de temps après le décès, en 2019, de Mark Hollis, le leadeur charismatique de Talk Talk. Le désir ambitieux à la base de Held By Trees était de créer une musique dans la même veine que celle de ce groupe phare des années 80.

En 1989, Talk Talk mettait de côté les synthétiseurs et créait un univers sonore nouveau tout à fait unique, mêlant des éléments de jazz, de rock, de classique et de musique ambiante. En résultaient deux albums inclassables, rarement imités, jamais égalés.

Au début, Held By Trees rassemble surtout des musiciens qui ont travaillé aux derniers albums de Talk Talk. D’autres se joignent ensuite, dont Tim Wenrick (guitariste sur la tournée Pulse de Pink Floyd), Mike Smith (collaborateur de Blur et Gorillaz) et David Knopfler de Dire Straits. Phill Brown, ingénieur de son ayant travaillé avec Led Zeppellin, David Bowie, Cat Stevens, Bob Marley et sur les deux derniers Talk Talk, est l’un des premiers à se joindre au projet.

« Pour certains qui ont travaillé avec Mark et Talk Talk, c’était excitant de faire de la nouvelle musique ensemble. Pour d’autres, le but était et sera toujours la musique, peu importe qui d’autre joue. », explique David Joseph.

Silence nécessaire

Mark Hollis avait quitté doucement la scène musicale mondiale, presque sur la pointe des pieds. D’une pop très kitch, en passant par des albums de plus en plus travaillés et organiques, jusqu’à un dernier projet solo où s’entend chaque craquement de chaise, chaque respiration, on dit qu’il s’est « effacé dans le silence », délaissant en fait la scène musicale pour consacrer plus de temps à son épouse et à ses deux fils. 

De même, la musique d’Held By Trees est intrinsèquement liée au silence, certaines notes semblant suspendues au-dessus du silence et prêtes à y retourner. Comme l’exprime David Joseph :

« Tandis que je vieillis, je me réjouis davantage du silence. Je crois que ça vient avec le fait d’être bien dans ma peau. J’ai travaillé fort à cela dans la trentaine. Quand j’étais jeune, je voulais noyer des pensées intérieures très fortes avec autant de bruit que possible. Du son constant : musique, télévision, radio ou en parlant simplement. Maintenant, j’aime le calme en moi, et cela se reflète dans ma musique. Les sons d’oiseaux me remplissent de bonheur et d’espoir. Je voulais consciemment que la musique s’élève d’un paysage sonore naturel, puisque l’album est tant inspiré par la nature. »

Une musique désencombrée

Solace est en effet tissé de ces sons de la nature, d’une chouette hululant au loin ou des gouttes de pluie tombant sur les feuilles. Ce qui est associé habituellement à une musique ambiante plane et répétitive donne ici au contraire de la texture et un sentiment d’enracinement. Une pièce comme Wave Upon Wave a le pouvoir de descendre profondément en notre âme avec ses sons de vague, sa guitare apaisante et ses accords de piano presque caverneux. Un tel album peut aider à respirer dans des temps anxiogènes comme les nôtres.

« Je vois la musique comme [un outil] thérapeutique et spirituel et comme une clé importante vers nos émotions. La musique est universelle et est un langage divin, comme la danse et toutes les formes d’art visuel. Tout art est la façon de l’artiste de dire “voilà ce que je vois” et d’inviter les autres à voir de la même manière. Cette musique était une consolation pour moi alors que je la faisais, et j’espère qu’elle pourra apporter un sens d’empathie et de l’espoir à ceux qui l’écouteront. »

David Joseph a adopté parfois une approche similaire à celle de Talk Talk, laissant les musiciens improviser, pour ensuite reconstruire une musique à partir des meilleurs moments de chacun.

« J’ai envoyé les motifs de batterie et les accords de la plupart des pièces aux différents musiciens qui improvisaient sur ceux-ci et m’envoyaient leurs parties. Puis je les ai longuement éditées, en essayant de trouver les moments les plus parfaits, ceux qui me donnaient un sentiment semblable à Talk Talk ou à l’émotion que je ressens avec Pink Floyd. Beaucoup d’espace, beaucoup d’instruments et de fragments mélodiques. Cela signifie qu’il y a beaucoup de moments magnifiques que j’ai dû mettre de côté, mais c’est important de ne pas encombrer la musique. »

Le monde sur ses épaules

Le nom « Held By Trees » fait penser aux pochettes des deux derniers albums de Talk Talk sur lesquelles des oiseaux et des continents tiennent sur les branches d’un arbre. Mais ce nom a aussi une signification beaucoup plus profonde pour David.

Photo: Courtoisie de David Joseph

« Comme je mesure 6 pieds 5, j’ai souvent l’impression d’être celui qui supporte les autres ; je ne suis jamais celui qui est soutenu. Ma coach de vie, en 2020, m’avait suggéré de grimper aux arbres pour me sentir soutenu par eux. C’est ce que j’ai fait ! J’ai commencé à monter aux arbres comme une sorte de thérapie et je me sentais incroyablement bien. Tout cela au moment où je commençais à écrire la musique [de l’album]. »

Dans les dix dernières années, David a travaillé sur le projet de louange Chaos Curb Collaboration et il a sorti quelques pièces instrumentales sous les noms Dave Griffith et Noccult. Mais David sent que Held By Trees est le véhicule qu’il utilisera pour presque toute sa musique dans les prochaines années. 

« Je suis allé chercher quelque chose loin au fond de moi — plus profondément que toute chose que j’ai faite avant. C’est amusant puisque c’est à la fois très personnel et, malgré cela, partagé avec tant de collaborateurs. »

La signification de tout

L’un des passages les plus surprenants de Solace est la pièce The Tree of Life qui passe d’un rock lourd à un jazz feutré dont les dernières notes sont d’une douceur désarmante.

Évidemment, il y a une référence au film de Terrence Malick, L’Arbre de la Vie. Aussi, la chanson est-elle arrangée comme un arbre. Elle débute comme un gros tronc épais, avec beaucoup d’accords lourds, puis le tout commence à devenir plus mince, comme des branches, puis vraiment léger, comme des rameaux.

Sans promouvoir sa foi chrétienne sur cet album, David Joseph explique que son art reste intimement lié à sa vie spirituelle :

« J’essaie de suivre l’éthique de Jésus et je crois en l’Évangile tel que je le comprends. Cela inspire grandement ma créativité. Il y a des motifs délibérément bibliques dans les titres des chansons, et l’aspiration que je mets dans la musique, tant live qu’en studio, est très spirituelle. Je sais qu’il y a beaucoup de mystère et d’espoir attachés à cette musique. Mais je ne souhaite pas prescrire ce que les gens imaginent ou ressentent en entendant l’album.

« Je ne sens pas le besoin d’être explicite à propos de la foi dans la manière dont je me présente et dont je présente ma musique. C’est quelque chose dont je suis heureux de parler si on me le demande, comme tu l’as fait, mais cette musique est un moyen d’expression très personnel. C’est entre moi et l’Esprit. Pour finir, je crois en l’amour par-dessus toute chose. C’est la signification de tout, je pense. »

***

Solace, le premier album d’Held by Trees sortira le 22 avril prochain. Les singles « Next to Silence », « Mysterium » et « In the Trees » sont déjà accessibles sur Spotify, YouTube et Bandcamp.

Alex Deschênes

Alex Deschênes détient une maîtrise en Littérature et rédige présentement une thèse de doctorat en philosophie. Marié et père de trois enfants, vous le trouverez, quand il n’est pas au travail ou avec sa famille, dans un champ avec son télescope ou en train de visionner un film de Terrence Malick.