Fleurs de lys
Photo : Tony Webster / Flickr

Haut les cœurs (et les fleurs de lys)

En cette veille de la Saint-Jean-Baptiste, il est bon de voir ses amis, sa famille et de fêter la nation québécoise. Il est bon de sortir nos drapeaux, de les mettre sur notre dos, de les accrocher à nos balcons ou de les brandir fièrement. Mais savons-nous d’où vient l’emblème du Québec qui trône sur toutes nos institutions et, aujourd’hui, au milieu de toutes les rues ?

La Saint-Jean-Baptiste, fête des Canadiens français, est à nos portes, amenant avec elle son lot d’organisation. Or, par-delà les préparatifs matériels, il n’est pas mauvais de se dépoussiérer la mémoire. La Saint-Jean-Baptiste est avant tout l’occasion de renouveler notre patriotisme et de se souvenir d’où on vient. 

Je me souviens : telle est notre devise. Quoi de mieux, pour la mettre en pratique, que de prendre quelques minutes pour s’instruire sur l’histoire de notre drapeau ? Car le Fleurdelisé, ce fameux drapeau qui sera partout pendant quelques jours, ne date pas d’hier.

Or, par-delà les préparatifs matériels, il n’est pas mauvais de se dépoussiérer la mémoire.

L’origine des fleurs de lys remonte bien loin. Les rois français les arborent depuis longtemps, notamment François 1er, roi à l’époque où Cartier débarque à Gaspé pour planter la fameuse croix. Les armoiries de la France restèrent longtemps d’usage « en Canada », comme on disait à l’époque, la Nouvelle-France n’étant qu’une extension de la fille ainée de l’Église en ce nouveau continent. 

Fait intéressant, le symbole de la fleur de lys est d’ailleurs un symbole fort chrétien. Les trois parties de la fleur représentant les trois Personnes de la Trinité, unifiées dans un lys unique.

Retour en Nouvelle-France

Cette France de l’Ancien Régime connait d’ailleurs quelques succès militaires, dont un nous intéresse tout particulièrement. 

C’était le 8 juillet 1758, un peu avant la reddition totale de la Nouvelle-France à l’Angleterre. Montcalm, avec 3500 hommes, défend victorieusement le fort Carillon (aujourd’hui situé dans l’état de New York) face à 15 000 hommes du général anglais Abercrombie.

C’est là que le drapeau aurait fait pour la première fois son apparition. Durant la bataille, les soldats français auraient tenu un étendard blanc et bleu comportant quatre fleurs de lys, représentant d’un bord la Vierge Marie, de l’autre les armoiries de la France. Après l’assaut, la relique est emportée par un père récollet, aumônier des troupes, puis ramenée dans leur église à Québec. La fameuse bannière est sauvée des flammes ravageant l’église des récollets en 1796 pour être ensuite perdue dans l’oubli durant de longues années. 

In extrémis

C’est plus de 50 ans plus tard, en 1848, que le dernier récollet vivant, quelques semaines avant sa mort, dévoile l’emplacement de l’étendard, le sauvant ainsi de l’oubli. Il révèle son secret à Louis de Gonzague Baillargé, homme d’affaires de Québec étant bien décidé à retrouver cet emblème légendaire dont il avait entendu parler. L’ultime récollet de la province lui révèle que le drapeau se trouve dans le grenier de sa résidence, entreposé depuis plusieurs décennies. Baillargé trouve la bannière à l’endroit décrit par le vieux frère… Imaginez son émotion lors de la trouvaille !

Un engouement puissant pour cette relique résulte de cette découverte, symbole fort du lien à la France et d’un passé encore cher au cœur de plusieurs. 

Le drapeau de Carillon conquit ainsi le cœur de bien des Canadiens français ! Pourtant, nos ancêtres n’adoptent pas unanimement cette bannière comme symbole. Certains brandissent le tricolore français ou le drapeau des Patriotes, mais aussi l’Union Jack, drapeau de l’Empire britannique et donc officiel. C’est d’ailleurs ce dernier qui trône à l’Assemblée nationale jusqu’à l’arrivée du Fleurdelisé (le drapeau actuel). 

Vers le drapeau commun

Or, même avec ce drapeau officiel, les Canadiens ont longtemps préféré le tricolore français pour les cérémonies et les festivités, question de se distinguer des anglophones, de même que les insignes du Vatican, signe fort de leur catholicité. Pour remédier à cette situation (un peuple uni sans étendard commun), plusieurs initiatives voient le jour et de nombreux débats déchirent les intellectuels, clercs ou laïcs, du début du 20esiècle.

Dans ces débats et propositions multiples, Elphège Filiatrault, curé de la paroisse Saint-Jude, marque un grand coup. Il récupère le fond bleu et les quatre fleurs de lys blanches du drapeau de Carillon pour les mettre sur un nouveau drapeau comportant une croix au centre. Il décide de le faire flotter sur son presbytère le 26 septembre 1902. Rapidement, on ajoute un Sacré-Cœur au centre, symbole de catholicisme. C’est ce modèle, le Sacré-Cœur en moins, qui sera hissé sur le parlement de la province le 21 janvier 1948, après de longues tergiversations politiques. Les fleurs de lys ont ensuite été redressées, mais le reste du drapeau est pratiquement inchangé. 

Le Fleurdelisé est aujourd’hui hissé sur toutes nos institutions provinciales et chez bien des particuliers, symbole de notre province d’histoire et de langue unique. Même s’il n’y a plus le Sacré-Cœur du Christ en son centre, il est juste et bon d’avoir le cœur haut devant ce drapeau : haut les cœurs pour cet héritage vivant ! 


Paul-Émile Durand

Jeune québécois passionné d'histoire, de philosophie et de théologie, Paul-Émile Durand chemine comme séminariste dans le diocèse de Montréal. Marqué par une formation en philosophie à l’université Laval et de trois ans au séminaire d’Ars, il s’intéresse à notre culture québécoise et à ses racines, qu’elles soient lointaines ou récentes.