Hanouka
Photo: Chandelier hébraïque à neuf branches (Menora). Photo: Element 5 Digital/Unsplash

Hanouka, résister par la lumière

La fête juive des lumières, ou Hanouka, tombe le 25 du mois hébraïque de Kislev, aux alentours du solstice d’hiver. Pendant huit jours, les Juifs allument les mèches d’une bougie ou d’un godet d’huile d’un candélabre à neuf branches. La neuvième branche sert à accueillir la lumière qui permettra d’allumer une bougie le premier soir, deux le deuxième soir, etc.

Ce chandelier, menora ou hanoukiya en hébreu, est généralement posé sur le rebord d’une fenêtre et, comme les lumières de l’avent, égayent l’obscurité de la saison même si leur origine diffère l’une de l’autre.

Hanouka revêt plusieurs singularités.

Elle est l’une des fêtes juives qui commémore un fait historique, à l’instar de Pourim aux alentours de février et de Pessah au printemps. Les Livres des Maccabées, même s’ils n’ont pas été retenus dans le canon de la Bible hébraïque, relatent des événements qui ont eu lieu au 2e siècle avant l’Ère chrétienne et qui ont servi de base à la décision rabbinique d’instituer la fête de Hanouka.

Cette fête célèbre à la fois la révolte victorieuse des Juifs sur la terre d’Israël contre l’emprise gréco-syrienne de la dynastie des Séleucides et le miracle d’une fiole d’huile retrouvée intacte et, selon les normes du rituel, dans l’enceinte du second Temple de Jérusalem.

Un acte de résistance

Que s’était-il passé à cette époque qui justifierait que les Juifs s’en souviennent et le fassent savoir au travers de leurs rites depuis des millénaires ?

Ils avaient perdu leur souveraineté nationale et devaient subir, pour user d’un terme contemporain, l’impérialisme culturel et religieux d’un empire païen. Pire encore, ils étaient victimes de persécutions religieuses tant à l’encontre de leur personne que de la tradition juive monothéiste qu’ils incarnaient. 

On leur interdisait ainsi sous peine de mort, l’étude de la Torah, la pratique du jour consacré du shabbat, la circoncision et le respect d’autres commandements.

On les obligeait aussi, sinon ils risquaient la mort, de transgresser les injonctions et l’éthique de la Torah en voulant leur faire manger publiquement, par exemple, des bêtes interdites à la consommation (porc) selon les règles exposées dans le livre du Lévitique et explicitées par la tradition orale juive.

Mathitiyaou à la rescousse

Le Temple et son sanctuaire avaient étés profanés par l’introduction d’idoles ou par d’autres humiliations.

Alors se leva un vieil homme de la tribu des Lévis, celle qui était dédiée au service du Temple, le prêtre Mathitiyaou de la famille des Hasmonéens. Il s’insurgea contre cette occupation et ce pouvoir coercitif qui menaçaient la pérennité nationale et spirituelle du peuple juif.

Lui et ses fils, dont Judah Maccabée, qui prit sa succession, ont lutté alors qu’ils étaient peu nombreux. Contre toute attente, ils ont vaincu les oppresseurs. Maccabée est le sigle de leur étendard à partir des mots hébreux : « Qui est comme Toi parmi les dieux, Dieu » (Ex 15, 11).

Ils ont nettoyé le Temple mais n’ont trouvé, pour allumer comme il se doit le candélabre du sanctuaire, qu’une fiole d’huile pure qui, au lieu de brûler une journée, brûla huit jours, le temps d’en produire d’autre conforme aux prescriptions bibliques.

Par la puissance de l’Esprit

C’est pourquoi avant d’allumer ces lumières, les Juifs rappellent dans leurs bénédictions : « Béni sois-Tu, Éternel notre Dieu, Roi de l’Univers, qui nous a sanctifiés par Ses commandements et nous a ordonné d’allumer les lumières de Hanouka (…) qui a fait des miracles pour ceux qui nous ont précédés en ces jours-là, en ce temps-ci (…) qui nous a fait vivre, exister et parvenir jusqu’à ce moment ».

C’est l’essentiel de cette fête : une persévérance non seulement identitaire, mais aussi dans la foi, et la capacité d’une résilience.

Ils rappellent également dans leurs prières au cours de cette période : « Tu as livré les puissants aux mains des faibles, les nombreux aux mains du petit nombre (…) Alors vinrent Tes ouailles (…) qui allumèrent des lumières dans les cours de Ton sanctuaire et instituèrent ces huit jours de Hanouka, pour remercier et louer Ton grand Nom ».

Et c’est l’essentiel de cette fête : une persévérance non seulement identitaire, mais aussi dans la foi, et la capacité d’une résilience.

Toutefois, si la défense de ces valeurs passe parfois par les armes, elle ne doit pas occulter la force de l’esprit. Et c’est le sens de ce passage du livre du prophète Zacharie (Za 4, 6) que l’on récite durant cette fête : « Ni par la puissance ni par la force si ce n’est par mon esprit ».

Une lumière dans l’obscurité

Cette fidélité s’incarnait parfois jusque dans les ghettos, les camps de concentration et d’extermination durant la Shoah (Holocauste).

Avec presque rien, comme par exemple dans un baraquement de Dachau, des bouts de pommes de terre creusés servaient de réceptacles dans lesquels les déportés mettaient leur maigre ration de margarine et une mèche pour allumer, ne serait-ce qu’une fois, les lumières de Hanouka.

Hanouka charrie aussi des histoires de martyrs comme celle de Hanna et de ses sept fils qui ont accepté d’être assassinés plutôt que de transgresser en public l’un des commandements de la Torah.

Martyrologie qui, rappelons-le, dans la tradition judéo-chrétienne, est ce choix de préférer mourir plutôt que d’abandonner sa foi (et non le fait de mourir en assassinant d’autres personnes au nom de sa foi). Ce glissement de sens usant d’un même terme pourrait porter à confusion et susciter des sympathies indésirables au regard de cet héritage.

Mais ce qui prédomine dans la célébration de Hanouka, ce sont la joie et le côté festif !

Après l’allumage des bougies que l’on met bien en évidence pour donner de l’écho à ces miracles, on mange des mets frits, en rappel de la fiole d’huile, comme des latkes (galettes de pommes de terre) ou des soufganyot (des beignets).

De l’argent ou des cadeaux sont offerts aux enfants qui jouent avec des toupies portant les initiales hébraïques de « un grand miracle s’est produit là-bas ». Là-bas, c’est ici chaque fois que l’on met un peu plus de lumière dans l’obscurité.

Sonia Sarah Lipsyc

Sociologue, conférencière, auteure et dramaturge, Sonia Sarah Lipsyc est également la fondatrice de Ora-Connaissance du judaisme et chercheuse associée à l'Institut d'études juives de l'Université Concordia. Le Verbe lui a demandé de puiser dans les trésors de son héritage juif pour éclairer notre monde contemporain.