Je vous propose aujourd’hui de découvrir un lieu fort important du patrimoine religieux québécois qui est hélas méconnu du grand public : la cathédrale de L’Assomption de Trois-Rivières. Et plus particulièrement l’ensemble des 125 vitraux réalisés par Guido Nincheri dont les couleurs pénètrent le magnifique bâtiment néogothique.
Portrait d’un artiste italo-québécois d’envergure
Guido Nincheri est né en 1885 à Prato en Toscane. Grandement attiré par les arts dès son jeune âge, il fréquente pendant 12 ans l’Académie des beaux-arts de Florence. Bien qu’ayant une solide formation, à la fin de ses études, le jeune Guido se retrouve sans débouché réel à cause du contexte économique difficile dans son pays natal.
Comme plusieurs jeunes Italiens de son temps, il décide, à l’âge de 28 ans, de tenter sa chance à l’étranger. Les plans initiaux de l’artiste devaient l’amener en Argentine après une escale à New York, mais le déclenchement de la Première Guerre mondiale, qui débute pendant son séjour américain, vient tout chambouler. La guerre rendant désormais le voyage vers l’Argentine impossible, l’artiste toscan décide de s’établir dans une ville à l’héritage latin comportant à l’époque une communauté italienne grandissante. C’est dans ce contexte que Guido Nincheri aboutit à Montréal en 1914.
« Dans toute sa carrière, de 1915 à sa mort en 1973, il réalisera des fresques et des vitraux, totalisant plusieurs milliers œuvres, et ce dans plus de deux-cents églises réparties dans neuf provinces canadiennes et six états américains. »
Il faut dire que, dans le très catholique Canada français de l’époque, le travail ne manque assurément pas pour un artiste se spécialisant dans les fresques et les vitraux à thèmes religieux ! Dans toute sa carrière, de 1915 à sa mort en 1973, il réalisera des fresques et des vitraux, totalisant plusieurs milliers œuvres, et ce dans plus de deux-cents églises réparties dans neuf provinces canadiennes et six états américains.
Une « superstar » des vitraux
La production de Nincheri est très importante puisqu’il jouit d’une renommée exceptionnelle de son vivant. Les journaux de l’époque le surnomment le « Michel-Ange de Montréal » ! Rien de moins !
Avec le recul, la formule comparative un peu naïve des critiques d’art fait évidemment sourire. Il n’en demeure pas moins qu’il est indéniable que ses contemporains aient été unanimes à reconnaitre l’étendue de son talent et la qualité de son travail. D’ailleurs, en 1933, le pape Pie XI lui décerne le titre de Commandeur de l’ordre de Saint-Sylvestre afin de souligner sa contribution exceptionnelle à l’art religieux au Canada.
Le pape affirme même qu’il est à cette époque le plus grand artiste vivant réalisant des œuvres à thèmes religieux. Iconographiquement, Nincheri touche à tout : des scènes du jardin d’Éden au Nouveau Testament, en passant par les apocryphes et la mariologie, c’est l’ensemble de l’histoire chrétienne qui finira par être représentée à travers une production s’étalant sur près de soixante ans.
Le joyau de Trois-Rivières
Le choix de Nincheri est donc une évidence quand vient le temps de donner le contrat pour la réalisation de l’ensemble des 125 vitraux de la cathédrale de Trois-Rivières. Le thème marial va également de soi puisque le lieu est marqué par cette dévotion depuis les origines.
La construction de la cathédrale a débuté en 1854, année de la proclamation du dogme de l’Immaculée-Conception, et elle a été consacrée en 1858, année des apparitions de la Vierge à Lourdes.
Le projet d’orner la cathédrale de vitraux commence en 1925. Mgr François-Xavier Cloutier élabore son programme iconographique, résolument marial. L’ensemble de vitraux ornant les murs de la nef est pensé comme un cantique dont le thème est les Litanies de Lorette. Les trente-huit invocations mariales illustrées par les vitraux forment un ensemble qui est complété par les thèmes de la Sainte Famille et la Résurrection qui ornent les verrières du chœur et de la sacristie.
Le tout culmine en 1954, année mariale, où la volonté du diocèse est de souligner le centenaire à la fois de la cathédrale et du dogme de l’Immaculée-Conception. À cette occasion, Nincheri conçoit deux vitraux supplémentaires : l’un représentant l’Immaculée-Conception et l’autre l’Assomption de la Vierge.
Bien conscients qu’il s’agit là d’un ensemble exceptionnel de par sa qualité d’exécution et sa richesse iconographique, Nincheri et le diocèse s’entendent pour faire publier un livre ayant pour titre Vitraux de la cathédrale de Trois-Rivières. L’ouvrage comporte des illustrations grand format en couleurs de tous les vitraux ornant la cathédrale en 1954. Ce n’est cependant qu’en 1967 que l’ensemble sera définitivement complété avec l’ajout de vitraux dans les jubés.
Il est dommage que de nos jours les nombreux visiteurs du sanctuaire du Cap-de-la-Madeleine ignorent trop souvent qu’à peine quelques kilomètres plus loin existe un lieu du patrimoine religieux québécois de la plus grande valeur. La cathédrale de Trois-Rivières, et Guido Nincheri, méritent indéniablement d’être connu !