Folk catho tragique

Il y a de cela un peu moins d’un an, je découvrais la piste Simon (Petros) d’ Alanna (-Marie) Boudreau. J’attendais cela des cathos depuis longtemps.

Ni louange, ni liturgie

Non pas que les chanteurs catholiques n’avaient rien fait d’intéressant jusqu’à maintenant. On connait, dans le monde francophone, Glorious et Grégory Turpin, mais ceux-ci sont marqués d’un type singulièrement français. Du côté anglophone, hormis Audrey Assad et Joe Zambon, et encore là, on se distingue rarement du style louange ou liturgique.

Mais voilà qu’avec Petros, j’ai tout simplement été conquis. En exergue du vidéoclip, une citation de Hans Urs Von Balthasar. Puis, un rythme folk, une jolie femme et sa voix feutré chante: « Si je pouvais t’aimer plus que tous les saints et les anges réunis, si je pouvais seulement te donner une petite chose, ce serait ma propre vie » (traduction libre du refrain: « If I could love you more than all the saints and angels combine, if I could give you just one tiny thing, it would be my own life. »

J’ai fait, par la suite, une écoute rapide de ses deux anciens albums Hints & Guesses (2014) et Hands in the Land (2012). Les textes sont beaux, traitent de sujets pertinents, mais le style minimaliste et le ton manifestement léger et sentimental ne m’avaient pas touché.

Avec Champion, qui est sorti le 22 juillet dernier, j’ai eu l’impression d’avoir affaire à autre chose.

Avec Champion, qui est sorti le 22 juillet dernier, j’ai eu l’impression d’avoir affaire à autre chose. Certains des échos de candeur qui m’agaçaient dans les albums précédents résonnent encore un peu sur certaines pistes. Cela s’explique par la présence, sur le nouvel album, de chansons composés il y a longtemps. Néanmoins, il est possible d’y discerner une tragédie.

Souffrance et inspiration

À la lecture de son histoire (que Le Verbe publiera ultérieurement), on constate, en effet, que son cheminement spirituel s’est approfondi dans les dernières années; on comprend que des événements douloureux ont conduit Alanna, rétrospectivement, à pénétrer plus avant le mystère de mort-résurrection.

Qui plus est, les paroles de plusieurs chansons profilent un être habité par la conscience de l’abîme qui réside entre sa soif d’aimer, d’être aimé, et son incapacité au don. On ne sait plus d’ailleurs, à certains moments, si celles-ci s’adressent à Dieu ou à son fiancé. Et pourquoi pas les deux puisque, dit-elle, en rencontrant un vrai homme, elle a rencontré Dieu.

Il me semble que c’est ce cri du cœur qui traverse les textes à la fois simples et riches et qui fonde l’intérêt tout particulier que j’éprouve pour Champion.

Elle explique que « l’ordre des chansons est délibéré et l’album est destiné à se déployer lui-même de manière thématique ».

Typiquement folk

Cette nouvelle profondeur n’est pas sans se révéler dans la musique. Alanna explique que le processus d’enregistrement s’est fait de manière le plus authentique possible en captant le son du groupe qui performait en direct plutôt que de superposer les instruments isolément. «Cette technique donne certes un son moins peaufiné, plus brut, mais est plus fidèle à ce que je suis  comme musicienne et comme personne», dit-elle.

Il est possible de remarquer sur plusieurs chansons l’ajout de percussions, d’orgue et de guitares électriques, d’un chœur qui, tous, procurent une nouvelle composition musicale beaucoup plus complexe et enlevante que dans les albums précédents.

Champion a beau être à certains égards plus prenant, il ne verse jamais dans le désespoir. Au contraire, il est un baume pour notre âme qui, souvent, peut être affligée par l’angoisse et les turpitudes de la vie.

Dans sa musique et dans sa personne, Alanna Boudreau atteste qu’une rédemption nous attend toujours de l’autre côté de la tragédie.

www.alannaboudreaumusic.com

*

Alanna est membre d’un collectif appelé Love Good Music. Elle y participe en tant qu’artiste et critique. Il s’agit d’un regroupement de musiciens et de mécènes qui désirent mettre de l’avant la beauté dans la musique.

Cet article est une version bonifiée de celle publiée dans la revue d’automne, disponible gratuitement ici.

James Langlois

James Langlois est diplômé en sciences de l’éducation et a aussi étudié la philosophie et la théologie. Curieux et autodidacte, chroniqueur infatigable pour les balados du Verbe médias depuis son arrivée en 2016, il se consacre aussi de plus en plus aux grands reportages pour les pages de nos magazines.