Elvis
Photo: Warner Bros. Capture d'écran YouTube.

Elvis : que vaut la gloire?

Elvis fait partie de mon enfance et de mon adolescence. Jusqu’à ce que je quitte la maison familiale à 23 ans, ses musiques jouaient allègrement dans la chaumière et dans celles de mes cousines et cousins du côté paternel. C’est que mon père et ses frères sont des mordus du King! Je ne suis donc peut-être pas tout à fait neutre, mais le film Elvis de Baz Luhrmann a été pour moi un véritable coup de cœur! Plus encore: il m’a profondément bouleversée! 

L’œuvre raconte la vie d’Elvis (joué par l’hallucinant Austin Butler!) du point de vue de sa relation difficile avec son gérant, l’imposant Colonel Tom Parker (Tom Hanks). Ce dernier tente de nous convaincre, sans succès, qu’il n’est pas responsable de la mort de la star.

À vrai dire, les facteurs qui ont provoqué la mort du King, le 16 juillet 1977, alors qu’il n’était âgé que de 42 ans, sont multiples, et la vérité nous sera seulement dévoilée en 2027 – puisque la famille a choisi de ne pas en divulguer la cause avant 50 ans1. Chose certaine, le film nous montre un Parker qui, maitrisant parfaitement le markéting et l’art de convaincre, a nettement contribué au décès prématuré de son poulain. 

Un film show

De sa version originale de quatre heures – que Baz Luhrmann nous promet un jour de révéler – (j’en salive déjà!), le réalisateur a dû se restreindre à 2h40. Il est vrai que la vie d’Elvis est dense et il a fallu faire des choix.

Le montage en écrans divisés (dans le but de montrer différents pans de vie du chanteur en même temps) est parfois étourdissant, mais c’est aussi le style du cinéaste de faire dans le foisonnant et le baroque. On n’a qu’à penser à ses précédents films, Moulin Rouge (2001) ou Gatsby Le Magnifique (2013). 

Sinon, l’ai-je dit? Austin Butler, qui chante réellement dans les séquences, est absolument époustouflant dans le rôle du chanteur au talent fou. Un Oscar le guette! 

Le travail effectué par le département moins connu, mais néanmoins essentiel, que l’on nomme le «CCM» (costumes, coiffures, maquillages) est aussi impressionnant. Les nombreux costumes, très fidèles et raffinés, risquent de faire décrocher une statuette à la conceptrice Catherine Martin, épouse du réalisateur.

Et que dire de l’ouverture du film, qui subjugue avec des ornements en 3D, véritables clins d’œil aux extravagants costumes de scène d’Elvis! Il en va de même pour toutes les séquences du film où le réalisateur fait revivre des BD, cartes postales et autres archives rétro, tout aussi magnifiques et créatives les unes que les autres. 

Sur le plan visuel, donc, il y a un riche travail d’inventivité qui n’est pas sans m’avoir fait émettre quelques « oh wow! » par-ci, par-là!

Oui. Très certainement, ce film est un show en soi.

Et alors? 

Lorsque le show est de qualité, on ne s’en plaint pas! 

Elvis et la spiritualité

Par ailleurs, ce que je retiens du film de Luhrmann (ce qui m’a le plus touché), c’est qu’il a su évoquer en filigrane toute l’étendue de la tristesse d’un homme en grande quête spirituelle jamais assouvie, malgré sa foi en Dieu le Père.

Le film n’est pas spécialement axé sur la vie spirituelle d’Elvis, mais on sent qu’elle a été importante.

Des débuts, où ses parents l’amenaient aux offices protestants évangéliques des Assemblées de Dieu2, en passant par un détour ésotérique dans les années 19603, jusqu’à la fin, où l’on apprend (pas dans le film, mais en faisant quelques recherches) qu’il est mort avec un livre sur le saint suaire de Turin près de lui4, Baz Luhrmann réussit à nous faire vivre le désarroi d’Elvis devant l’immensité de son succès.

Probablement blessé inconsciemment par la perte de son frère jumeau à la naissance, Elvis a été tourmenté toute sa vie par ces deux questions «Pourquoi moi?» et «Quel est le sens de notre naissance ici-bas?»5.

Comme beaucoup de gens qui réussissent dans la vie, il avait tout pour être heureux, mais ne l’était pas. Il a toujours su qu’il y avait quelque chose de plus important, de plus fondamental que la musique et la gloire. Il lisait des tonnes de livres sur la religion et la spiritualité. Il a même voulu un jour se retirer dans un monastère pour retrouver son équilibre spirituel. 

Selon son coiffeur, qui deviendra éventuellement son conseiller spirituel, le King ressentait un immense vide intérieur. Il est donc tout à fait logique qu’il ait trouvé très tôt dans la musique gospel sa double vocation : la musique et la sainteté! C’était une nourriture spirituelle et charismatique qu’il transmettait dans ses chansons, même lorsqu’il chantait du rock, du blues ou du country.

La fin (non, il n’y a pas de divulgâcheurs ici!)

Après ses nombreuses relations extraconjugales et cette rupture crève-cœur avec son épouse Priscilla, après des années sous l’emprise des médicaments et du Colonel Parker qui n’avait cure de la santé physique et spirituelle de son poulain, Elvis a vivoté et a trouvé la mort.

C’est ce qui est déchirant dans ce film, et ce qui m’a pris quelques jours à digérer: l’échec d’un homme en profonde quête d’éternité, mais qui, en raison de son insécurité maladive6et de son gout pour une certaine forme d’interdit, n’a jamais pu trouver Celui qui l’aurait déchargé de son fardeau et qui lui aurait donné le repos! (Mt,11 :28) On éprouve une tristesse et une grande compassion devant son histoire.

D’ailleurs, à la fin de sa vie, en 1977, Elvis écrira une note dans sa suite au Hilton à Las Vegas7 :

«Je ne sais plus à qui parler. 

Ni à qui me fier. 

Je n’ai plus que moi-même. 

Et le Seigneur. 

Dieu, aidez-moi à savoir ce qu’il faut faire!» 

et encore :

 «[…] La nuit est tranquille

J’aimerais pouvoir dormir

Je ne vais sûrement pas me reposer cette nuit

Je n’en peux plus

Seigneur aidez-moi!»

Quiconque de sensible (et encore plus si vous êtes chrétien!) ne peut sortir de ce film indemne! Baz Luhrmann réussit à nous toucher droit au cœur. 

Stéphanie Chalut

Stéphanie Chalut détient une maitrise en arts visuels de l'Université Laval (2012), ainsi qu'un baccalauréat à l'UQAM (1999) dans le même domaine. S'intéressant à l'image et au récit, sa pratique d’artiste depuis englobe surtout le dessin, mais depuis 2015, l'artiste a fait un retour au 7e art. Son court-métrage (2020) a été présenté en au Cinema on The Bayou Film Festival et au Winnipeg Real to Reel Film Festival​. Ses préoccupations tournent de plus en plus sur les questions spirituelles. Elle poursuit son travail tout en prêtant ses services en tant que coordonnatrice artistique et culturelle dans la fonction publique. www.stephaniechalut.com