art
dbambic / Pixabay

Éloge de la beauté : de l’utilité de l’art en temps de crise

Je ne vous apprendrai rien : comme les médias nous le rappellent tous les jours, la période actuelle est difficile au plan sanitaire, social et économique. Nous vivons un drôle d’état de siège, confinés 24 h/24 h à la maison tout en ayant virtuellement accès au monde entier. Toutefois, c’est grâce à la technologie que, parallèlement aux mauvaises nouvelles en continu, la résistance au marasme social s’organise. Notamment par le biais de l’art. 

La situation actuelle a entrainé une accélération de la diffusion en ligne. Y participent les grandes institutions mondiales comme le musée du Louvre, le British Museum, le Metropolitan Museum of Art et la chapelle Sixtine ainsi que les musées de taille plus modeste comme le MNBAQ et le Musée des beaux-arts de Montréal.

Il ne faut pas se leurrer, depuis le début des années 2000, une véritable vague de fond atteint tout le domaine muséal et patrimonial : on diffuse toujours plus les collections par le biais d’internet. La crise actuelle ne fera qu’accélérer la révolution en marche. Elle est même l’occasion de développer des contenus originaux, notamment destinés aux enfants.

La crise amène les institutions à présenter des objets issus des collections permanentes et de la réserve, comme la très belle salle d’art religieux ancien du MNABQ. Ce qui est beaucoup plus surprenant, toutefois, est la mise en visite virtuelle des expositions temporaires qui étaient en cours avant la fermeture forcée. C’est le cas du château de Versailles !

La véritable raison d’être des collections en ligne

Qu’on se le dise, si vous ne pouvez plus aller physiquement dans un lieu de culture, la culture ira virtuellement à vous. La réponse du public semble d’ailleurs très positive jusqu’à présent. Des données préliminaires rapportent une augmentation du trafic sur les plateformes numériques. 

Cette hausse de fréquentation virtuelle s’explique, de manière terre à terre, par la publicisation massive des plateformes virtuelles via les réseaux sociaux. 

La cause la plus profonde est cependant en lien avec la fonction première de l’art : émerveiller le spectateur. 

Plusieurs d’entre nous ont un besoin indéniable d’être exposés au beau dans des temps difficiles et particulièrement… laids ! Tout simplement parce que la beauté d’une œuvre ou d’un lieu vient nous faire oublier un instant la tempête sociale qui se déroule sous nos yeux. 

L’art est une manière pour l’esprit de s’évader du quotidien, de nous faire voyager, de nous faire rêver, mais aussi de nous faire réfléchir. Pour cela, il suffit d’être face à un objet. 

L’art, au même titre que le sport, est une soupape servant à évacuer les tensions de l’esprit. Contrairement au sport organisé, victime de la situation actuelle, l’art a l’avantage d’être encore entièrement fonctionnel présentement ! Il est toujours possible de regarder l’image de l’œuvre à défaut d’avoir accès à l’original. 

Des émotions autant réelles que virtuelles

D’ailleurs, même en temps normal, qui a quotidiennement accès physiquement aux œuvres des grands musées ou aux sites du patrimoine mondial de l’UNESCO ?

Vous me direz : « Mais ce n’est pas la même chose de voir l’image d’une œuvre ou d’un lieu que d’être devant l’original ! » Certes. Rien ne remplacera jamais totalement le contact réel. Cependant nul besoin de voir l’œuvre originale ou le lieu pour être transcendé par l’émotion. Une photographie en haute résolution sur un site de musée est capable d’éblouir le spectateur et de le toucher. La même logique s’applique aux documentaires sur les lieux patrimoniaux et aux cours sur l’art ! 

J’en ai moi-même fait l’expérience pendant les cinq dernières années dans un contexte universitaire. Je peux vous garantir qu’il n’y a pas meilleure publicité pour les institutions muséales qu’une formation en histoire de l’art. Les universités sont pleines de programmes en arts qui présentent des œuvres sur PowerPoint à des étudiants qui découvrent virtuellement la beauté d’une œuvre en rêvant d’aller voir l’original. 

Bref, un jour, j’irai voir les fresques de Giotto dans la Cappella Scrovegni à Padoue ! En attendant, j’admire le tout virtuellement et j’oublie la misère du monde un court instant. 

Les musées et les sites patrimoniaux ont d’ailleurs entièrement compris qu’en mettant du contenu en ligne, en permettant de découvrir à distance, ils s’assurent d’une diffusion de la culture, mais aussi d’un rapprochement avec de futurs visiteurs potentiels. 

Je vous encourage donc fortement à aller vous perdre quelques heures sur les sites des musées et des lieux patrimoniaux, il y en a vraiment pour tous les gouts. En plus d’un moment de répit présent, d’un moment de bonheur pour l’âme en ces temps difficiles, cela vous donnera probablement de beaux projets de visites culturelles pour plus tard ! 


Emmanuel Lamontagne

Emmanuel est historien de l'art et de l'architecture. Il se spécialise en iconographie et en architecture religieuse. Il travaille présentement dans le domaine de la conservation du patrimoine bâti.